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Immobilier: sur la ligne de départ d’une relance

Charles Poulin|Édition de la mi‑octobre 2024

Immobilier: sur la ligne de départ d’une relance

Après avoir atteint un creux record de 38 900 en 2023, l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ) estime qu’il y aura environ 50 000 mises en chantier pour l’ensemble du Québec, 44 000 étant déjà enregistrées au compteur. (Photo: 123RF)

IMMOBILIER RÉSIDENTIEL. La Banque du Canada a baissé son taux directeur de 0,75 % depuis juin, et les observateurs s’attendent à ce qu’elle retranche, au minimum, un autre 0,5 % d’ici la fin de l’année. L’inflation semble enfin s’être stabilisée, et le retour d’un financement à des taux plus acceptables pour l’industrie d’ici la fin de l’année pourrait sonner le signal de départ du redémarrage de projets immobiliers d’envergure au Québec.

Les chiffres des mises en chantier sont déjà à la hausse. Après avoir atteint un creux record de 38 900 en 2023, l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ) estime qu’il y aura environ 50 000 mises en chantier pour l’ensemble du Québec, 44 000 étant déjà enregistrées au compteur. La prévision de Desjardins vacille entre 49 000 et 50 000.

« Nous nous attendons à ce que ça rebondisse à près de 30 % cette année, surtout avec l’effet du retard à rattraper, explique Maëlle Boulais-Préseault, économiste chez Desjardins. Ce n’est pas aussi élevé que ce qu’on avait en 2021‑2022, mais c’est ce qu’on voyait avant la pandémie en 2019. »

Desjardins croit que ce plateau se soutiendra en 2025, mais que ça n’augmente pas tellement en raison de la rareté de main-d’œuvre. Le total devrait alors atteindre environ 53 000 mises en chantier, une croissance annuelle de 8 %, mais un gain cumulatif de 37 % relativement à 2023.

Les taux comme point de départ

Cette reprise qui s’annonce est possible grâce aux baisses de taux d’intérêt, martèle le PDG de l’APCHQ, Maxime Rodrigue.

« Le point de départ, ce sont vraiment les taux, mentionne-t-il. C’est ce qui va faire en sorte que les grands projets densifiés vont pouvoir se construire. Le taux d’intérêt est important dans la mise en chantier de ces unités-là. »

Les hausses de taux d’intérêt des dernières années ont eu un effet important sur les mises en chantier, souligne le directeur économique de l’APCHQ, David Goulet. La Société canadienne d’hypothèques et de logement a d’ailleurs publié une étude au début d’octobre indiquant qu’en 2023, les taux d’intérêt élevés au Canada ont entraîné une baisse de 30 000 mises en chantier au pays, soit une diminution qui se situe entre 10 % et 15 %.

« C’est quand même un chiffre assez important dans un contexte où on devrait techniquement tripler les mises en chantier au Canada si on veut rétablir l’abordabilité d’ici 2030, rappelle-t-il. Évidemment, on salue les diminutions de taux des derniers mois, qui devraient aider à rétablir le marché, à permettre une reprise des mises en chantier, notamment des projets qui étaient peut-être en attente d’aller de l’avant. »

La reprise est survenue plus tôt dans les projets multirésidentiels locatifs, indique la vice-
présidente et directrice générale de la firme immobilière Rachel Julien, Mélanie Robitaille. Les taux commerciaux sont basés sur le marché obligataire canadien, qui réagit avant les annonces de la Banque du Canada.

« Ces taux-là ont déjà connu une forte baisse dans les derniers mois, ce qui nous permet aujourd’hui de relancer la construction, note-t-elle. C’est plus facile de faire balancer des pro forma de projets à cause de ça. »

Cependant, pour des projets de copropriétés, ce sont les acheteurs qui commencent à être au rendez-vous parce que les taux hypothécaires résidentiels sont sur une pente descendante, à la remorque du taux directeur.

« Les baisses sont déjà partiellement reflétées dans les taux variables, soutient-elle. Qui plus est, on s’attend également à d’autres baisses. Donc ça, ça fait en sorte que quelqu’un qui achèterait un condo que je mettrais en prévente aujourd’hui et livrable dans 24 mois, il y a une confiance qui s’est installée en lien avec ce qu’on entend des économistes. Cette confiance existe [non seulement] parce que le taux est plus bas, mais [aussi] parce qu’il va continuer de baisser. »

Rachel Julien a justement démarré les préventes de son dernier projet, Canoë, qui contient 900 logements neufs dans Hochelaga-Maisonneuve, avec une livraison qui commencera dès juillet 2025. « Je n’aurais pas lancé un projet de condos il y a six mois, tranche-t-elle. Honnêtement, ça fait longtemps qu’on est prêts à lancer des préventes. Nous jugeons que ce moment-là est maintenant. »

Financement et rentabilité

La baisse des taux a simplement permis aux entrepreneurs et aux promoteurs d’être en mesure d’obtenir un financement et une rentabilité « qui ont du sens », estime David Fernandez, CPA, associé et chef des finances et des opérations à Maître carré.

« Quand je dis qu’ils ont du sens, c’est que les prêteurs sont revenus avec des financements qu’on avait par le passé, avant la hausse, qui se rapprochent d’habitude d’une cible d’approximativement 75 % de levier, explique-t-il. Ça permet d’avoir des montages financiers qui se tiennent avec aussi une marge de profit qui a du sens relativement au risque. »