Les coûts supplémentaire affecteront inévitablement l’abordabilité, ajoute David Fernandez, de Maître carré. (Photo: courtoisie)
IMMOBILIER RÉSIDENTIEL. Lorsque les promoteurs ne sont pas stoppés par des barrières financières, ce sont, souvent des obstacles physiques qui les empêchent de mener leur projet à terme. Au banc des accusés : les infrastructures déficientes ou inexistantes.
Les infrastructures, particulièrement les installations sanitaires et d’eau, ont été négligées, voire complètement oubliées dans une bonne partie des municipalités québécoise. Dans certains cas, elles ont dépassé leur vie utile.
Ailleurs, les infrastructures sont insuffisantes pour accueillir les nouveaux résidents, comme dans le secteur Bridge-Bonaventure où, à terme, on voudrait construire 15 000 logements.
Casse-tête récent
Il s’agit d’un casse-tête assez récent, souligne le CPA, associé et chef des finances et des opérations à Maître carré, David Fernandez.
« Il y a 10 ans ou 15 ans, lorsque nous montions nos projets, les infrastructures n’étaient pas dans notre grille de risques, raconte-t-il. Ça n’apparaissait pas dans la partie supérieure. C’était un risque qui était relativement faible. Maintenant, c’est dans les premières choses qu’on regarde en même temps que l’environnement, que les sols. Est-ce qu’on a la capacité de pouvoir construire ici la grosseur de projet qu’on veut ? Il faut admettre qu’il y a quelques endroits où ce n’est pas possible. »
Les municipalités sont aussi au courant du problème, remarque le PDG de l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ), Maxime Rodrigue. « Pour tous les maires, sans aucune exception, les infrastructures sont une préoccupation, avance-t-il. Il y en a plusieurs qui sont arrivés au bout de leurs ressources financières. Ils disent qu’ils voudraient faire du développement et densifier, mais n’ont pas d’argent. »
Pour Frédéric Lepage, associé du groupe audit et certification du bureau de Montréal de PwC il s’agit d’un problème majeur. Même avec le meilleur projet au monde, aucun promoteur privé n’ira investir dans un projet où il devra mettre des millions en infrastructures.
« Ce n’est pas un enjeu noir ou blanc, avoue-t-il. Ce n’est pas aussi simple que de dire qu’on va construire ou agrandir la capacité des usines d’épuration. C’est loin d’être évident pour les municipalités si elles n’ont pas de soutien du provincial ou du fédéral. Elles doivent boucler leur budget, et les gens ne demandent pas moins des services pour leur donner un répit. »
Qui paye?
La question qui tue : qui doit payer la facture ?
Impossible pour le privé de tout absorber, estime Frédéric Lepage, de PwC. En plus du risque accru et des difficultés qui pourraient être rencontrées pour financer le projet, les coûts supplémentaires risquent fortement d’être refilés aux locateurs ou aux acheteurs. Ce qui affectera inévitablement l’abordabilité, ajoute David Fernandez, de Maître carré.
« Je ne blâme pas les municipalités non plus, lance Frédéric Lepage. Faire grimper les taxes municipales de 12 % pour augmenter la capacité de l’usine d’épuration pour qu’ils puissent construire plus de logements, pour créer plus de trafic ? Ça peut être une boucle où les citoyens actuels vont refuser de payer plus pour les nouveaux résidents. La solution doit être gagnant-gagnant pour la municipalité et le promoteur. »
Plan pour les infrastructures
Maxime Rodrigue, de l’APCHQ, rappelle que le fédéral a présenté, en avril, un plan pour les infrastructures liées au logement de 6 milliards de dollars. Cependant, les gouvernements fédéral et provincial ne trouvent pas de terrain d’entente pour la distribution des fonds.
« Il faut le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral s’assoient ensemble pour dénouer ça, plaide-t-il. Le fédéral veut donner de l’argent aux municipalités pour améliorer les infrastructures en eau, principalement. Vous le savez, c’est encore la chicane entre le fédéral et le provincial, [autour de] comment cet argent-là doit transiter. Une chose est certaine, il faut trouver une voie pour que ces sommes atterrissent à la bonne place, c’est-à-dire pour renforcer les infrastructures et permettre la croissance. L’argent du fédéral doit percoler jusqu’aux municipalités. »
Frédéric Lepage pense lui aussi que les gouvernements provincial et fédéral doivent subventionner les infrastructures dans les municipalités, que ce soit par le biais de la SCHL ou encore de programmes qui visent la construction résidentielle.
« Un entrepreneur qui investit pourrait avoir une partie de ses prêts garantis par le gouvernement parce qu’il construit des logements sociaux ou abordables, ajoute-t-il. Ça supporterait en même temps les municipalités pour augmenter ou améliorer les infrastructures. »
Systèmes autonomes
Une autre solution réside dans les systèmes autonomes. La firme immobilière Rachel Julien travaille exclusivement dans les quartiers centraux de Montréal. Lorsque l’entreprise présente un projet, il doit être le plus résilient possible et utiliser au minimum les infrastructures de la ville. « Moi, les infrastructures comme telles, ça ne me touche pas vraiment, explique la vice-présidente et directrice générale Mélanie Robitaille. Je suis autosuffisante. On ne rejette pas dans les égouts. On travaille avec des bassins de rétention. On essaie vraiment d’être le plus autonome possible. Nous avons toujours l’objectif de limiter au maximum ce qui est rejeté à l’extérieur de nos projets. »