Permis de construction: l’IA peut drastiquement réduire les délais
Jean Sasseville|Publié à 10h00 | Mis à jour à 10h01En octobre 2023, Kelowna, en Colombie-Britannique (notre photo), a lancé une série d’agents conversationnels pour aider à informer les utilisateurs sur le processus complexe de demande de permis de construire. (Photo: Adobe Stock)
EXPERT INVITÉ. Les villes expérimentent une pression croissante pour répondre à la demande de logements. Dans ce contexte, les longs délais d’émission des permis de construction se révèlent être un obstacle majeur au développement de nouvelles infrastructures. Or, avec les avancées en intelligence artificielle (IA), des solutions technologiques peuvent contribuer à améliorer ces processus et réduire les temps d’attente.
Délais d’émission des permis de construction
Les délais d’émission de permis de construction varient selon les municipalités, mais ils sont souvent influencés par des procédures administratives complexes, une charge de travail accrue, et parfois un manque de ressources.
Ce processus inclut la vérification de la conformité aux règlements municipaux, l’analyse des impacts environnementaux, et la coordination entre différents départements. Ces étapes, bien qu’essentielles pour assurer la sécurité et la durabilité des infrastructures, peuvent allonger considérablement le processus d’approbation des projets.
À Montréal, selon une compilation de Radio-Canada, les délais moyens pour délivrer des permis de nouvelles constructions étaient de 291 jours en 2023. En 2019, le délai moyen était de 180 jours.
Cette lenteur dissuade les promoteurs, augmente les coûts et freine la construction de logements abordables, aggravant ainsi la crise du logement.
L’IA comme solution pour réduire les délais
L’IA offre des solutions innovantes pour optimiser les processus d’approbation des permis de construction. Voici quelques-unes des manières dont elle peut être appliquée:
1. Automatisation des tâches répétitives
Les systèmes d’IA peuvent automatiser plusieurs tâches répétitives qui prennent du temps aux fonctionnaires municipaux. Par exemple, la saisie et la vérification des données des demandes de permis peuvent être effectuées par des algorithmes d’apprentissage automatique (machine learning).
2. Prédiction des délais de traitement
Grâce à l’analyse prédictive, les outils d’IA peuvent estimer le délai nécessaire pour le traitement de chaque demande, en tenant compte des ressources disponibles, de la complexité du projet et des retards antérieurs. Ces prédictions permettent aux gestionnaires de planifier les ressources humaines de manière optimale et d’allouer les demandes selon leur niveau de priorité.
3. Analyse de la conformité réglementaire
Une grande partie du processus d’émission de permis consiste à vérifier que les plans de construction respectent les normes de zonage, de sécurité, d’environnement et d’urbanisme. Des systèmes d’IA peuvent être entraînés pour analyser rapidement les plans soumis par les développeurs et vérifier leur conformité avec les règlements en vigueur. Par exemple, des algorithmes de traitement du langage naturel (NLP) peuvent analyser les textes des plans et des rapports techniques, et des modèles d’analyse d’images peuvent être appliqués aux dessins et plans architecturaux.
4. Agents conversationnels (chatbot) et assistants virtuels
Les questions fréquentes des demandeurs de permis et les demandes d’informations peuvent être gérées par des agents conversationnels et des assistants virtuels, alimentés par l’IA. Ces outils permettent de répondre aux questions en temps réel, d’informer les utilisateurs sur l’état de leur demande et de les guider tout au long du processus. Cette assistance réduit le nombre de requêtes adressées directement aux employés municipaux, permettant ainsi un traitement plus rapide des demandes.
Quelques exemples
À Singapour, l’utilisation de technologies avancées pour la délivrance de permis de construction a permis de réduire les délais d’approbation de plusieurs mois à quelques semaines. Singapour utilise des systèmes d’IA pour automatiser l’analyse des normes de sécurité et des exigences en matière de zonage.
En octobre 2023, Kelowna en Colombie-Britannique a lancé une série d’agents conversationnels pour aider à informer les utilisateurs sur le processus complexe de demande de permis de construire. Ces agents conversationnels aident les propriétaires, les constructeurs et la communauté des promoteurs tout au long du processus de demande de permis. Le temps que le personnel passe à répondre aux questions de routine est drastiquement réduit afin qu’il puisse consacrer plus de temps aux demandes de planification complexes.
Burlington en Ontario a aussi installé sur son site web une série d’agents conversationnels.
Bécancour sera la première ville du Québec à utiliser l’IA pour la planification en urbanisme et la gestion financière.
«Pour qu’un agent conversationnel interagisse de manière satisfaisante avec les citoyens, il doit être entraîné avec une grande quantité de cas réels, souligne Joël Gagnon, président de Premium analytique, une entreprise de service-conseil en intelligence d’affaires. C’est un défi pour un bureau de permis puisque, bien qu’on y pose des milliers de questions chaque année, les réponses ne sont pas toujours organisées dans un système adéquat.»
«Les questions posées en personne ne sont généralement pas documentées, tandis que celles répondues par courriels n’y en sortent pas, ajoute-t-il. Plus on nourrit un agent conversationnel d’informations pertinentes, plus il sera en mesure de fournir des réponses satisfaisantes aux citoyens.»
Les défis de l’adoption de l’IA
Malgré les avantages évidents, l’adoption de l’IA dans le processus de délivrance de permis de construction comporte certains défis :
1. Coûts d’implémentation et formation
Mettre en place des systèmes d’IA nécessite des investissements initiaux élevés en termes d’infrastructure technologique, de développement de logiciels, et de formation du personnel. Les petites municipalités pourraient avoir des difficultés à supporter ces coûts, même si, à long terme, l’IA pourrait réduire les dépenses en augmentant l’efficacité.
2. Sécurité des données et confidentialité
Les systèmes d’IA nécessitent l’accès à des volumes importants de données pour pouvoir fonctionner efficacement. La gestion de ces données peut soulever des préoccupations en matière de confidentialité, en particulier pour les informations sensibles liées aux projets de construction. Les villes doivent donc adopter des protocoles de sécurité robustes pour protéger les données des demandeurs et éviter les fuites d’informations.
3. Risques d’erreurs et de biais
L’IA dépend de la qualité des données sur lesquelles elle est formée. Des erreurs dans les bases de données ou des biais dans les algorithmes peuvent entraîner des décisions erronées. Par exemple, si un modèle est entraîné sur des données incomplètes ou biaisées, il pourrait refuser des demandes de permis qui répondent pourtant aux normes. Les municipalités devront donc surveiller et ajuster régulièrement les systèmes d’IA pour garantir leur équité et leur précision.
4. Résistance au changement
L’implémentation de nouvelles technologies peut rencontrer des résistances, tant de la part des employés que des citoyens. Certains craignent que l’automatisation réduise le besoin de main-d’œuvre humaine, tandis que d’autres peuvent hésiter à faire confiance à une technologie dans un processus aussi crucial. La sensibilisation et la formation peuvent aider à surmonter cette résistance en expliquant les bénéfices de l’IA pour l’efficacité et la transparence.
Approche progressive et stratégique
Pour que l’IA soit pleinement intégrée dans les processus d’émission de permis de construction, les villes devront adopter une approche progressive et stratégique. Voici quelques recommandations pour faciliter cette transition:
1. Investir dans les infrastructures numériques
Les municipalités doivent investir dans la modernisation de leurs systèmes informatiques et dans le développement de bases de données robustes et centralisées. Cela facilitera l’intégration de solutions d’IA, qui nécessitent des infrastructures technologiques solides pour fonctionner de manière optimale.
2. Collaboration entre les secteurs public et privé
Les villes pourraient collaborer avec des entreprises technologiques pour développer des solutions d’IA adaptées aux spécificités du secteur de la construction. Des partenariats public-privé permettraient aux municipalités de bénéficier de l’expertise des entreprises de technologie, tout en partageant les coûts d’implémentation.
3. Établir des normes de transparence et d’équité
Il est crucial d’adopter des politiques garantissant que les systèmes d’IA soient transparents et équitables. Les villes devraient rendre publics les critères utilisés par les algorithmes et permettre aux demandeurs de comprendre comment les décisions sont prises, voire de contester les décisions automatisées en cas d’erreur.
4. Former et informer les parties prenantes
Les employés municipaux et les demandeurs de permis doivent être formés aux nouvelles technologies et informés de leurs avantages. Des séances d’information et des ateliers de formation peuvent aider à créer une culture positive autour de l’IA, en dissipant les craintes et en renforçant la confiance dans ces systèmes.
Occasion majeure
En automatisant des tâches répétitives, en facilitant l’analyse de conformité, et en améliorant la gestion des ressources, l’IA peut transformer les processus administratifs et diminuer les délais d’émission des permis.
Une ville peut ainsi favoriser l’abordabilité des logements et l’augmentation des mises en chantier.
Pour faire un clin d’œil à la thématique, ce texte a été rédigé avec l’aide de ChatGPT.