Pourquoi les taux hypothécaires progressent alors que les taux d’intérêt baissent?
John Plassard|Mis à jour le 12 novembre 2024(Photo:123RF)
EXPERT INVITÉ. Il y a plusieurs questions que l’on se pose sur les mouvements passés et futurs de la Réserve fédérale américaine (Fed) : les taux d’intérêt ont-ils été baissés trop tard ou encore fallait-il baisser les taux alors que la croissance économique évolue au-delà des 2%? Il y a cependant une question qui trouble de plus en plus les investisseurs : pourquoi est-ce que les taux hypothécaires progressent alors que les taux d’intérêt baissent? Synthèse et analyse
Les faits
Depuis la baisse des taux de la Fed en septembre, les intérêts sur les cartes de crédit, prêts-autos et lignes de crédit immobilier ont, logiquement, suivi la même tendance. Mais étonnamment, les taux hypothécaires ne sont pas descendus avec eux : le taux fixe à 30 ans — le plus courant aux États-Unis — a même grimpé de 68 points de base, atteignant 6,88% fin octobre.
Cette hausse inattendue est étroitement liée aux rendements des bons du Trésor à 10 et 2 ans, qui dictent davantage les taux d’intérêt à long terme que les décisions de la Fed sur les taux courts.
Ces rendements se sont hissés à des niveaux jamais vus depuis l’été, témoignant des anticipations d’inflation et de croissance des investisseurs.
Avec des taux hypothécaires en hausse, de nombreux acheteurs et propriétaires bénéficiant de taux bas hésitent désormais à bouger, créant ainsi un blocage potentiel du marché immobilier, freinant à la fois l’offre et la demande.
Les prochaines déclarations de Jerome Powell, attendues jeudi, seront donc essentielles pour éclairer les perspectives de la Fed, surtout dans le cadre des choix économiques de l’administration Trump, qui complexifient davantage l’équation de la politique monétaire.
Quel est le lien entre taux hypothécaires et taux d’intérêt?
Lorsque la Réserve fédérale ajuste son taux directeur, cela a souvent un effet en cascade sur les taux hypothécaires, même s’ils ne réagissent pas de manière immédiate ou directe.
En général, les taux hypothécaires tendent à suivre le rendement des obligations du Trésor à 10 ans, qui est influencé par la demande des investisseurs et les conditions économiques générales.
Lorsque la Fed relève les taux d’intérêt à court terme, le rendement des bons du Trésor augmente également, exerçant une pression haussière sur les taux hypothécaires. Par ailleurs, les hausses de taux de la Fed peuvent être interprétées comme un signal de risques inflationnistes, ce qui pousse les prêteurs à ajuster les taux hypothécaires à la hausse pour se prémunir contre la hausse des coûts à long terme.
Toutefois, les taux hypothécaires sont également influencés par d’autres indicateurs économiques comme l’inflation, le chômage et les tendances du marché immobilier, ce qui fait qu’ils ne sont pas uniquement corrélés aux décisions de la Fed.
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Alors pourquoi les taux hypothécaires progressent alors que les taux baissent?
En dépit des récentes baisses de taux de la Réserve fédérale visant à réduire les coûts d’emprunt, les taux hypothécaires américains ont continué de progresser, atteignant 6,80% pour un prêt à 30 ans, alors qu’ils avaient auparavant montré une tendance à la baisse.
Ce revirement intervient depuis début octobre, un tournant qui a directement influencé la demande de prêts immobiliers : selon Sam Khater, économiste en chef chez Freddie Mac, la demande a chuté de 10% le mois dernier, les acheteurs hésitant face à des coûts d’emprunt plus élevés.
Normalement, une baisse de taux de la Fed encourage les acheteurs à revenir sur le marché, mais cette dynamique a été inversée par la pression combinée des prévisions de croissance économique et des craintes inflationnistes, en partie stimulées par les propositions économiques de Donald Trump.
Les politiques fiscales et budgétaires envisagées par l’administration Trump, notamment les réductions d’impôts et les augmentations de dépenses, pourraient continuer à exercer une pression sur les taux, un phénomène que les analystes anticipent déjà.
Et après alors?
Avec des taux hypothécaires bien plus élevés que les niveaux historiquement bas de moins de 3% observés au plus fort de la pandémie, de nombreux propriétaires qui bénéficient de taux bloqués bas hésitent désormais à vendre leur bien, limitant l’offre de logements sur le marché.
Cette limitation de l’offre maintient les prix de l’immobilier élevés malgré une demande affaiblie, ce qui restreint encore l’accessibilité au logement pour de nombreux acheteurs potentiels.
Les économistes de Bankrate, entre autres, prévoient que les taux hypothécaires se stabiliseront dans une fourchette de 5 à 6% au cours des prochaines années, un niveau qui demeure cependant loin des taux historiquement bas des années 2020.
La probabilité de voir une baisse significative des taux dans un avenir proche reste faible, d’autant que la dynamique inflationniste et l’endettement croissant viennent peser sur les marges de manœuvre de la Fed.
Ce contexte de taux et de prix élevés devrait continuer à peser sur le marché immobilier, limitant les opportunités pour les nouveaux acheteurs et les investisseurs et posant des défis pour l’administration Trump, bien que celle-ci ait un pouvoir limité sur la politique de la Fed.
Synthèse
Les taux hypothécaires américains augmentent malgré les récentes baisses de taux de la Fed en raison de la hausse des rendements des bons du Trésor et des anticipations d’inflation et de croissance économique. La présidence Trump pourrait accentuer cette dynamique avec des politiques perçues comme inflationnistes, ajoutant des incertitudes quant aux futurs ajustements de la Fed. En conséquence, les économistes prévoient que les taux hypothécaires resteront élevés, limitant l’accessibilité au logement et ralentissant le marché immobilier.