Selon la Société canadienne d’hypothèques et de logement, il faut construire 620 000 logements et propriétés supplémentaires d'ici 2030 pour rétablir l'abordabilité. (Photo: 123RF)
IMMOBILIER RÉSIDENTIEL. De l’aveu même des intervenants du secteur de la construction résidentielle, rééquilibrer l’offre et la demande sera une tâche ardue. L’environnement macroéconomique actuel risque déjà de ralentir les mises en chantier en 2023, mettant ainsi en péril la prédiction de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) qu’il faut construire 620 000 logements et propriétés supplémentaires d’ici 2030 pour rétablir l’abordabilité.
« Il y a urgence d’agir, tranche le président de l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ), Maxime Rodrigue. Il faut que l’industrie s’assoie rapidement pour déployer un plan d’action. »
Il souligne que le premier ministre François Legault a abordé le sujet de la modernisation de l’industrie de la construction et de la pénurie de main-d’œuvre à plusieurs reprises. Maxime Rodrigue estime que la réglementation doit être revue à plusieurs égards, notamment en ce qui a trait à la Loi sur les relations de travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d’œuvre dans le secteur de la construction (loi R-20), qui n’a pas été modifiée depuis 1968. « Elle doit répondre à la réalité d’aujourd’hui, plaide-t-il. Plus de travailleurs doivent pouvoir accéder à l’industrie. La polyvalence et la productivité doivent être mises de l’avant. »
Aide financière
Pour amoindrir les effets des hausses du taux directeur et de l’inflation, l’APCHQ et la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ) suggèrent la mise en place de programmes qui soutiendraient financièrement les entrepreneurs pour qu’ils puissent maintenir la cadence de mises en chantier.
« En ce moment, un investisseur place son argent dans un certificat de placement garanti et obtiendra un rendement de 5 %, expose Marc-André Plante, directeur des affaires publiques et des relations gouvernementales de la CORPIQ. Posez-vous la question à savoir si c’est plus attirant d’investir dans un immeuble à logements, avec tous les problèmes que cela peut comporter. »
Il souligne qu’à la fin des années 1970 et au début des années 1980, les gouvernements étaient intervenus pour maintenir les investissements en construction lorsque les taux ont dépassé 10 % pour atteindre un sommet de plus de 21 %.
Paul Cardinal, directeur du service économique de l’APCHQ, suggère que les remboursements de TPS et de TVQ soient révisés.
« Il est possible de récupérer la TVQ à hauteur de 50 % si la valeur du logement locatif est de moins de 200 000 $, explique-t-il. La mesure est dégressive jusqu’à 300 000 $. Mais, dans le marché actuel, on ne voit à peu près plus ça, des prix comme ceux-là. Ces taxes ont un coût pour les entrepreneurs, qui n’ont pas tellement le choix de le refiler dans les loyers. »
Des incitatifs financiers pourraient aussi être donnés aux municipalités moyennant l’atteinte de la construction d’un nombre minimal de logements, soumet Maxime Rodrigue.
Programmes
Pour ce qui est des programmes d’abordabilité de logements déjà existants, ils gagneraient à être harmonisés. L’APCHQ croit que si les définitions étaient les mêmes, cela simplifierait la vie des entrepreneurs.
Le programme APH Select de la SCHL, déjà très populaire auprès des entrepreneurs, pourrait quant à lui être bonifié pour permettre d’augmenter le nombre de projets admissibles.
Le Programme d’habitation abordable, mis en place par la Société d’habitation du Québec au début de 2022, permettrait lui aussi de stimuler la construction s’il était amélioré. « Actuellement, il n’est pas tout à fait adapté aux promoteurs privés, pense Paul Cardinal. Il est principalement conçu pour les OSBL et les coopératives, mais avec une enveloppe plus grande et des critères plus souples, ça pourrait stimuler l’offre résidentielle encore plus. »
Être flexible
Les intervenants du marché immobilier résidentiel cherchent également un peu de flexibilité pour leur permettre de faire croître le nombre de logements et de propriétés au cours des prochaines années.
Par exemple, les municipalités pourraient autoriser plus fréquemment l’ajout de logements accessoires sur les propriétés déjà existantes. « On parle d’un deuxième logement au sous-sol, de logement intergénérationnel ou encore de maison en arrière-cour, précise Paul Cardinal. C’est plus petit, mais c’est beaucoup plus abordable. Et ça n’engage pas la participation financière des gouvernements. C’est monsieur et madame Tout-le-Monde qui investissent. »
L’industrie de la construction devra elle aussi faire preuve de flexibilité. Il faudra une adéquation entre la demande et la construction au cours des prochaines années pour suivre les modifications des tendances du marché résidentiel.
« Entre 2001 et 2021, nous sommes passés de 900 000 personnes qui vivaient seules à 1,4 million au Québec, révèle Marc-André Plante. La réalité démographique, c’est que la société vieillit rapidement. Non seulement on vit de plus en plus seul, mais on vit de plus en plus longtemps. Les besoins de logements sont plus nombreux et plus grands. La construction résidentielle devra suivre cette tendance au cours des prochaines années. »