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Rétablir l’offre immobilier pour freiner la hausse des prix

Charles Poulin|Édition de la mi‑février 2023

Rétablir l’offre immobilier pour freiner la hausse des prix

Si les acheteurs regardaient la partie depuis les lignes de côté en fin d’année, ils sont déjà de retour sur le terrain en janvier. (Photo: 123RF)

IMMOBILIER RÉSIDENTIEL. Le marché immobilier résidentiel a retenu l’attention de toute la province en 2022, particulièrement à cause de la diminution de l’accessibilité à la propriété et de la hausse vertigineuse des prix depuis le début de la pandémie. Malheureusement, cette situation ne s’améliorera pas tant qu’on ne s’attaquera pas au cœur du problème : un nombre de propriétés à vendre à un plancher historique.

Le prix des propriétés sur le marché de la revente a grimpé de 40 % depuis le début de la pandémie, pour s’établir à 413 000 $ vers la fin de 2022 selon l’Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec (APCIQ). Les acheteurs se sont emballés au début de l’année avant que les hausses rapides du taux directeur (+400 points de base en 2022) ne viennent freiner leurs ardeurs après le mois de mai.

L’abordabilité a été mise à mal depuis deux ans. L’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ) révèle que le taux d’effort moyen des ménages québécois — donc le pourcentage des revenus consacrés à leur logement — se trouvait à 35 % à la fin de 2022, soit 4 % de plus qu’en 2021 et 9 % de plus qu’en 2019. Le seuil d’abordabilité se situe à 30 %.

Ce relâchement du marché n’est toutefois que temporaire. Si les acheteurs regardaient la partie depuis les lignes de côté en fin d’année, ils sont déjà de retour sur le terrain en janvier. « À la fin de l’année dernière, nous n’avions même plus d’appels pour des visites, raconte Marc Lefrançois, courtier immobilier chez Royal LePage Tendance. Mais là, on commence à voir revenir les acheteurs. Ils se disent que le pire est passé et qu’ils sont capables d’ajuster leur budget. »

Le courtier croit que le marché reprendra plus tôt et plus fort que prévu en 2023. Plusieurs acheteurs miseront sur un prêt hypothécaire à taux variable dans l’espoir que le taux redescende en cours de route. « Le problème n’a été que déplacé dans le temps, explique le directeur du service économique à l’APCHQ, Paul Cardinal. Les gens veulent quand même acheter. »

 

Manque de propriétés

Les prix risquent donc de repartir à la hausse rapidement parce que la demande excède encore l’offre de beaucoup.

Entre 2015 et 2022, le nombre de propriétés sur le marché immobilier du Québec a fondu de 60 %, soit une baisse de plus de 46 000 propriétés. Les appartements se sont aussi très bien vendus au cours des dernières années. En 2021, neuf des dix plus grandes villes du Québec affichaient un taux d’inoccupation sous la barre des 3 %, un chiffre généralement considéré comme étant le point d’équilibre du marché locatif.

Les mises en chantier, elles, n’ont pas suivi le rythme pour combler le manque à gagner causé par la dégringolade du nombre de propriétés et de l’augmentation de la population. Si les mises en chantier sont passées de 37 926 en 2015 à 57 107 en 2022, c’est bien peu lorsqu’on sait que la population de la province a augmenté de 112 100 personnes en 2019, 19 100 en 2020 et 58 700 en 2022.

L’APCHQ estime qu’il manque aujourd’hui 100 000 logements pour rétablir l’équilibre entre l’offre et la demande sur le marché résidentiel québécois. La Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), elle, avance qu’il faudra 620 000 logements supplémentaires au Québec et 3,5 millions au Canada d’ici 2030.

« À long terme, il n’y a pas assez de propriétés pour satisfaire la demande, tranche l’économiste en chef de la SCHL, Bob Dugan. Il ne se construit pas assez de propriétés au pays, comparativement à la croissance de la population, et c’est une situation qu’on observe depuis cinq, dix et même plus longtemps à plusieurs endroits. »

 

Possible ?

Grosso modo, explique Bob Dugan, il faudrait doubler le rythme des mises en chantier au cours des huit prochaines années pour combler ce manque à gagner.

Le nombre de mises en chantier est en revanche en déclin après avoir connu une année record de 67 810 nouveaux appartements, maisons et copropriétés en 2021. Le chiffre final s’est retrouvé à 57 107 en 2022, une diminution de 15,8 %.

La tendance vers le ralentissement des mises en chantier se poursuivra en 2023, estime l’APCHQ. Les prévisions de l’organisme sont d’environ 46 000, une décroissance de 19 % par rapport au total de 2022. L’organisme prévoit toutefois une embellie en 2024, lorsque les taux d’intérêt auront commencé à baisser.

Est-il possible de rattraper le retard d’ici 2030 ? Bob Dugan estime que la partie n’est pas gagnée, mais que c’est encore possible si tous les ordres de gouvernement et le secteur privé mettent leurs efforts en commun,

« On n’a pas le choix, lance pour sa part le président de l’APCHQ, Maxime Rodrigue. Sinon, où allons-nous loger les gens ? Nous sommes rendus que des entreprises construisent elles-mêmes des logements pour accueillir leurs employés. S’il n’y a pas un revirement, nous allons vivre des situations aux États-Unis, où les gens couchent au camping. Il n’y a pas de miracle, il faut prendre ça au sérieux. »