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Transformer les RPA en immeubles résidentiels

Claudine Hébert|Mis à jour le 13 juin 2024

Transformer les RPA en immeubles résidentiels

La résidence Château Baie-Comeau, une propriété du Groupe Cogir, loge quelques travailleurs étrangers, soit des employés de la résidence venus y travailler spécifiquement, dans une dizaine de ses appartements.

IMMOBILIER RÉSIDENTIEL. S’il y a un sujet épineux en ces temps de crise du logement, c’est celui des fermetures de résidences pour aînés (RPA). D’un côté, il y des milliers de personnes âgées vulnérables qui doivent être relogées, et de l’autre des propriétaires qui songent à transformer leurs immeubles en logements réguliers pour se sortir d’affaires.

Ne pourrait-on pas permettre aux propriétaires de résidences pour ainés d’élargir leurs clientèles auprès de familles en quête de logements sociaux, des étudiants ou des travailleurs temporaires ? « C’est une solution envisageable », répond l’analyste Christian-Pierre Côté, associé chez Côté Mercier Conseil immobilier. « Mais c’est loin d’être évident », renchérit ce conseiller en recherche et analyse de données immobilières.

De l’avis de cet expert, il ne manque pas que des gicleurs dans plusieurs de ces immeubles. « Plusieurs de ces résidences ayant fermé leurs portes accusent plus de 20 ans d’âge. La plupart n’ont ni salle de bains privée ni cuisine dans chacun de leur logement. Bien que la transformation de certaines de ces RPA en logement permettrait à coup sûr d’apaiser la crise du logement actuelle, il faudra prévoir d’autres logements dans le futur afin de loger la population vieillissante », explique le professionnel.

 

Des taux d’inoccupation élevés

« Peut-on en vouloir à ces gestionnaires de viser la rentabilité de leur propriété ? s’exclame, pour sa part, Claude Paré, qui a codirigé pendant plus de 30 ans le site de référencement de résidences pour aînés, Visavie. Depuis déjà 15 ans, poursuit-il, le modèle d’affaires ne tient plus pour les RPA de moins de 200 logements. La situation est encore plus intenable pour les RPA de moins de 100 logements.

Les données sont révélatrices. Depuis un an, le Regroupement québécois des résidences pour aînés (RQRA) soutient que deux résidences pour aînés ferment leurs portes… chaque semaine. En fait, pour la première fois depuis la création de ce modèle d’affaires, il se ferme davantage de RPA qu’il en ouvre au Québec. Ce sont surtout les régions qui en souffrent.

Selon Claude Paré, le code du bâtiment (dont l’obligation de poser des gicleurs a été catastrophique malgré une aide gouvernementale), les certifications des employés ainsi que les règlements de toute part ont tellement aseptisé la formule que des centaines de propriétaires n’ont eu d’autres choix que de lancer la serviette. « Sans oublier que la pandémie en a épuisé plusieurs…et a fait fondre considérablement les taux d’occupation », observe-t-il.

Parmi les cas de fermeture de RPA qui ont fait les manchettes, on apprend que la résidence Jardin Botanique, à Montréal, qui fermera ses portes au cours des prochains mois, affichait un taux d’inoccupation de près de 60 % pour ses quelques 140 logements. Du côté de Québec, le Domaine des Braves, qui a fermé l’an dernier, ne comptait plus que 70 résidents pour ses 138 logements. La situation n’était guère mieux à la résidence Seigneurie de Salaberry, qui a cessé ses opérations à l’automne 2022. L’immeuble de 240 appartements était occupé à 42 %.

Comme s’il n’y avait déjà pas assez de bâtons dans les roues, des municipalités et quartiers envisagent d’interdire la conversion de résidence en logements. Ce qu’a d’ailleurs fait l’arrondissement Rosemont-La Petite Patrie en 2022, quartier où se trouve la résidence Jardin botanique.

 

Place à des travailleurs

En attendant, il y a quelques cas d’exception. Il y a deux ans, la résidence Château Baie-Comeau, une propriété du Groupe Cogir, a trouvé un moyen de réduire son taux d’inoccupation qui atteignait les 10 %. « Nous avions une trentaine d’appartements de la résidence de 304 appartements qui ont été mis à la disposition des entreprises nord-côtières ayant besoin de loger des travailleurs temporaires ou réguliers. Les appartements étaient meublés et équipés d’électroménagers », fait savoir Brigitte Pouliot, directrice nationale des communications, de la culture à Cogir.

La porte-parole de l’entreprise insiste sur le fait qu’il s’agissait d’une solution temporaire. « Aujourd’hui, la situation s’est résorbée. Et la priorité, comme elle l’a toujours été, est d’abord et avant tout de pouvoir loger les aînés de la région », dit-elle.

Quoi qu’il en soit, la résidence continue de loger quelques travailleurs étrangers, soit des employés de la résidence venus y travailler spécifiquement, dans une dizaine de ses appartements.