L’Engagement mondial de la nouvelle économie des plastiques, qui réunit plus de 300 entreprises signataires, vise à ce que 100 % des emballages de plastique puissent, d’ici 2025, être réutilisés, recyclés ou compostés, facilement et sans danger. (Photo: 123RF)
INDUSTRIE DE L’EMBALLAGE. La planète nage actuellement en pleine crise du plastique. L’industrie de l’emballage, qui représente plus de 25 % du volume total des plastiques utilisés (soit la plus importante des applications de la matière), est largement pointée du doigt à titre de responsable. Si rien n’est fait, il y aura d’ici 2050 plus de tonnes de plastique dans les océans que de tonnes de poissons, avertit l’équipe de la Fondation Ellen MacArthur, qui multiplie les messages et les initiatives pour stopper ce gâchis.
L’une des actions de cet organisme suscite en ce moment une attention internationale. En octobre dernier, la Fondation a mis sur pied l’Engagement mondial de la nouvelle économie des plastiques. Préparé en collaboration avec le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), cet engagement réunit déjà plus de 300 entreprises signataires, qui comptent à elles seules pour 20 % de l’ensemble des emballages de plastique produits dans le monde. On retrouve sur cette liste les grandes marques de la consommation, telle Danone, le groupe H&M, L’Oréal, PepsiCo, The Coca-Cola Company et Unilever, pour ne nommer que celles-ci.
«Cette initiative permet de dicter les nouvelles tendances de l’industrie de l’emballage», soutient Stéphan Berthiaume, membre du conseil exécutif du PAC Packaging Consortium, section Québec. Cette association regroupe les manufacturiers de l’emballage de l’Amérique du Nord ainsi que ses grands utilisateurs. L’industrie, dit-il, n’a plus le choix : «Elle doit désormais prendre des mesures pour recycler davantage et développer des concepts d’économie circulaire pour prolonger le cycle de vie des matières», soutient cet expert.
Ce nouvel engagement a justement pour mandat d’éliminer tous les emballages de plastique problématiques ou inutiles et de remplacer les emballages à usage unique par des solutions réutilisables. Il vise à ce que 100 % des emballages de plastique puissent, d’ici 2025, être réutilisés, recyclés ou compostés, facilement et sans danger. L’objectif ultime est d’augmenter de manière significative la part de plastique réutilisé et recyclé dans de nouveaux emballages ou produits. Déjà plus de 200 M$ de dollars ont été versés par cinq fonds de capital-risque afin de créer une économie circulaire du plastique.
«Lentement, mais sûrement, l’industrie de l’emballage réalise qu’il y a des occasions d’affaires à saisir avec ce nouvel engagement planétaire. Les entreprises qui poseront des gestes parmi les premières vont distancer leurs concurrents», ajoute M. Berthiaume, qui est également président et propriétaire d’Emballages Roda, à Laval.
Cette entreprise qui distribue plus de 80 millions d’unités de divers produits d’emballage partout au Canada vient justement d’acquérir Industries Rada, à Delson. Le montant de la transaction demeure confidentiel. Il s’agit d’un manufacturier de bocaux et de bouteilles en plastique pour les secteurs alimentaire et nutraceutique. Ce fabricant produit également une large variété de moules par soufflage et injection.
«Grâce à cette transaction, nous voulons faire de cette usine un laboratoire collaboratif en intégration de résine recyclée. Ce sera une de nos contributions à l’économie circulaire», explique M. Berthiaume. Ce dernier compte poursuivre le développement de produits, tels des bouchons, faits de matières 100 % recyclées, qu’il a entamé depuis un an. Son entreprise travaille également, depuis le mois de janvier, en collaboration avec Envision Plastics, une société américaine qui récupère le plastique qui jonche les rives des cours d’eau de l’Amérique centrale. «Idéalement, nous souhaitons inclure au moins 10 % de cette matière dans nos futurs produits là où le marché le permettra», signale M. Berthiaume. D’ici la fin de l’année, près de 20 % des 80 millions d’unités d’emballage que vend annuellement Emballages Roda contiendront au moins une composante écoresponsable.
Devenu le premier manufacturier canadien à avoir signé l’engagement de la Fondation Ellen MacArthur au mois de mars dernier, TC Transcontinental (propriétaire de Les Affaires) fait aussi sa part en matière d’économie circulaire du plastique au Québec. Dès cet automne, les sacs du Publisac, composés présentement de plastique vierge et recyclable, seront remplacés par un nouveau sac entièrement fait à partir des résidus de plastique. Livré dans plus de 3,5 millions de foyers chaque semaine, ce nouveau sac sera 100 % recyclable. Des tests auront lieu durant l’été, qui incluront des formats de sacs qui utilisent moins de plastique et des jaquettes en papier, fait savoir Magali Depras, chef de la stratégie de TC Transcontinental. L’entreprise, poursuit-elle, a également l’intention de réutiliser les résidus de plastique de sa production d’emballage souple. «Cela devrait nous permettre d’optimiser nos ressources et nous aider à tendre vers un objectif de zéro déchet», précise-t-elle.
Plus de suggestions écoresponsables
L’entreprise Emballages Carrousel, à Boucherville, prend, pour sa part, bonne note des nouvelles tendances qui s’invitent dans l’industrie. Ce géant de la distribution de l’emballage québécois, qui génère plus de 175 M$ de revenus par année, vient d’adopter, en mars dernier, un programme Engagement 500 Plus. «Depuis près de deux ans, on sent de plus en plus la pression qu’exerce la population auprès de nos clients. Avec l’aide d’Éco Entreprises Québec, nous avons donc mis en place un nouveau catalogue de produits d’emballage écoresponsables au sein duquel nous nous engageons à ajouter 500 nouvelles solutions par année jusqu’en 2024», souligne Martin Boily, vice-président des ventes et marketing chez Emballages Carrousel.
Parmi ces produits, on trouve, entre autres, des contenants de polytéréphtalate d’éthylène faits à 80 % de matières recyclées, des contenants cabarets compostables ainsi que des bols de nouilles en bagasse beige compostables et certifiés BPI (Biodegradable Products Institute).
«Ces produits séduisent déjà plus de 80 % de nos 20 000 clients. En moins de trois mois, les ventes de produits écoresponsables ont grimpé de 30 %, pour atteindre près de 40 % de nos revenus annuels», fait savoir M. Boily. L’entreprise, qui compte 375 employés répartis dans ses entrepôts de Boucherville, Boisbriand, Québec et Drummondville, forme justement ses employés pour qu’ils puissent devenir des conseillers et des ambassadeurs de ces nouvelles solutions écoresponsables auprès des clients.
Changer les perceptions
À Québec, Emballages de la Capitale se met également au diapason des nouvelles tendances. Depuis un an, plus de 25 % des produits de son catalogue destinés aux secteurs alimentaire, industriel et des cadeaux sont désormais composés d’articles écoresponsables. Ces produits occupent d’ailleurs le quart de la superficie de la salle d’exposition de l’entreprise. Les ventes de ces produits représentent maintenant 30 % des revenus. «On veut s’adapter aux nouvelles demandes faites à l’industrie afin d’offrir plus de choix biodégradables et compostables à nos clients, indique Frédéric Bernier, propriétaire d’Emballages de la Capitale. Il reste encore beaucoup de travail pour peaufiner cette offre.»
Le représentant du PAC, M. Berthiaume, persiste et signe. L’industrie de l’emballage aura à modifier ses investissements vers des emballages durables. «Nous avons un rôle important de conscientisation à jouer. Certes, il y a un coût à toutes ces opérations. Mais il s’agit d’un coût-bénéfice qui finira par être payant.»