Le bannissement du plastique à usage unique retardé par la COVID
Claudine Hébert|Édition de la mi‑juin 2020« Le réel problème avec le plastique, et particulièrement celui à usage unique, n’est pas en soi la matière, mais plutôt l’absence de débouchés pour le recycler», selon Sylvain Allard, professeur à l’école de design, à l’UQAM. (Photo: 123RF)
INDUSTRIE DE L’EMBALLAGE. Les sacs d’épicerie, les couvercles pour le café, les pailles, les bouteilles et plusieurs autres articles de plastique à usage unique qui devaient disparaître de la scène canadienne en 2021 auront un sursis. Leur interdiction, promise par le gouvernement canadien en juin 2019, a été mise en veilleuse par la COVID-19. C’est ce qu’a fait savoir le ministre fédéral de l’Environnement et des Changements climatiques, Jonathan Wilkinson, le mois dernier.
« Les seringues, les gants, les visières… en ces temps de pandémie, le plastique à usage unique n’a jamais été autant utilisé », signale Sylvain Allard, professeur à l’école de design, à l’UQAM. Et les emballages de plastique, ajoute-t-il, constituent une protection appréciée pour assurer les conditions d’hygiène, de santé et de sécurité au sein de la population. « Autrement dit, cette matière vient nous démontrer, encore une fois, combien elle est associée à notre qualité de vie qu’on le veuille ou non », indique l’universitaire.
Cet expert dit toutefois être réaliste. « Tant et aussi longtemps que le plastique n’aura pas été remplacé par une matière aussi efficace, pratique et moins énergivore, il sera difficilement remplaçable. Le réel problème avec le plastique, et particulièrement celui à usage unique, n’est pas en soi la matière, mais plutôt l’absence de débouchés pour le recycler. Si on réussissait à recycler 100 % des résines de plastique qui sont produites, personne ne s’en plaindrait », maintient le professeur de design.
Ce que souhaite d’ailleurs faire TC Transcontinental. L’entreprise s’est engagée à produire un catalogue de produits emballages 100 % recyclables d’ici 2025. « Le Québec est à bâtir sa dynamique d’économie circulaire », explique Magali Depras, chef de la stratégie chez TC Transcontinental. Pendant des années, dit-elle, les ballots de plastique récupérés au Québec ont pris la route de l’Asie où la matière était recyclée. « L’arrêt des exportations nous a incités à revoir nos pratiques », indique-t-elle. Le fabricant évalue justement les possibilités de revalorisation des plastiques souples avec la plupart des centres de tri au Québec.
Le consommateur doit savoir ce qu’il veut
Il va de soi que le consommateur doit aussi être conscient de ce qu’il veut vraiment, renchérit Sylvain Allard. « Si ce dernier souhaite que soit éliminé le plastique à usage unique, il doit faire et assumer ses choix », poursuit le professeur de design. En éliminant les pailles en plastique, règle-t-on réellement le problème si nous les remplaçons par des pailles dont la fabrication est plus énergivore ? soulève-t-il. « En fait, la vraie question ne porte-t-elle pas plutôt sur nos gestes et comportements ? Avons-nous vraiment besoin d’une paille pour boire un liquide ? »
Enfin, en attendant que le bannissement des plastiques à usages uniques soit appliqué au pays, le Canada, la France, le Royaume-Uni, l’Italie et l’Allemagne se sont tout de même engagés à ce que tout plastique produit dans leur pays soit réutilisé, recyclé ou brûlé pour produire de l’énergie d’ici 2040.
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