Recyclage des emballages: éclairer les consommateurs en innovant
Claudine Hébert|Édition de la mi‑juin 2020Les détaillants souhaitent aider le consommateur à y voir plus clair et à mieux gérer ce qui va ou non dans son bac de recyclage. (Photo: Paweł Czerwiński pour Unsplash)
INDUSTRIE DE L’EMBALLAGE. Il y a 50 ans, en marge du premier jour de la terre (le 22 avril 1970), le ruban de Möbius en forme de triangle devenait le symbole apposé sur tout matériel potentiellement recyclable. Cinq décennies plus tard, comment évolue ce logo universel au coeur de l’industrie de l’emballage ?
En 2019, la valeur du marché de l’emballage a été estimée à 917 milliards de dollars américains par Smithers Pira. Et ce n’est pas fini. Carton, plastique, bois, aluminium… ce marché continue de grimper de près de 3 % par année, ce qui ne facilite pas l’univers du recyclage qui nage déjà en pleine crise.
«Bien que la collecte sélective existe depuis une bonne trentaine d’années au Québec, jamais il n’y a aura eu autant de confusion au sein de la population sur la façon ou non de recycler les emballages», soulève Geneviève Dionne, directrice de l’écoconception et de l’économie circulaire à Éco Entreprises Québec (ÉEQ). Malheureusement, poursuit-elle, il n’y a personne pour surveiller si les entreprises font réellement un bon usage du logo de recyclage apposé sur leurs emballages.
Pour aider le consommateur à y voir plus clair et à mieux gérer ce qui va ou non dans son bac de recyclage, de plus en plus de détaillants, entre autres Walmart, contribuent. Encouragées par le programme américain How2recycle, des entreprises affichent désormais des instructions de tri sur leur emballage. En 2020, ce sont d’ailleurs plus de 225 marques et détaillants qui ont émis plus de 100 000 recommandations de conception à leurs membres pour rendre leurs emballages plus recyclables, peut-on lire sur le site de How2recycle.
«Ici, la chaîne Metro veille à ce que ses produits de marque privée incluent des instructions de tri sur leurs emballages. D’ici la fin de l’année 2021, les instructions de tri vont sans doute s’imposer comme une nouvelle norme sur les emballages. Du moins, c’est ce qu’on souhaite», croit Geneviève Dionne.
Lutter contre le plastique
En attendant, quelques entreprises québécoises ont commencé à développer des procédés innovants afin de s’attaquer à l’une des matières qui posent problème dans les bacs de recyclage : le plastique. Une matière dont la production dépasse actuellement les 350 millions de tonnes par année.
Grâce à de nouvelles approches basées sur des technologies et des procédés issus de la recherche sur les polymères, telles la dépolymérisation, la dissolution et la purification, des entreprises comptent produire des matières plastiques recyclées de très haute qualité. L’une de ces jeunes sociétés, Loop Industries, à Terrebonne, a développé un procédé qui permet de créer de la résine de plastique numéro 1, le polytéréphtalate d’éthylène (PET), peu importe que le plastique PET ou les fibres de polyester recyclées soient contaminés ou non.
«Notre technologie sera utilisée en collaboration avec Indorama Ventures. Nous entamerons sous peu la construction d’une immense usine de recyclage de matière PET à Spartanburg, en Caroline du Sud. Un projet évalué entre 150 millions de dollars (M $) et 200 M$. Voisine d’un centre de récupération, cette usine produira dès l’automne 2021 40 000 tonnes métriques de PET entièrement recyclé», souligne Nelson Gentiletti, chef de l’exploitation et de la direction financière à Loop Industries. La totalité de la production, dit-il, a déjà été réservée par les grands noms de l’alimentation tels que Coke, Pepsi et Danone, ainsi que ceux du secteur cosmétique, comme L’Occitane et L’Oréal.
L’entreprise d’une cinquantaine d’employés est également en pourparlers avec des clients utilisateurs de PET en Europe et en Asie. Des projets qui pourraient se traduire par de nouvelles usines de production de plus de 80 000 tonnes métriques de PET 100 % recyclé d’ici les trois prochaines années.
Un procédé par micro-ondes
À Salaberry-de-Valleyfield, l’entreprise Pyrowave veut utiliser les micro-ondes pour décomposer les déchets plastiques provenant de centres de tri en un liquide riche en éléments de base pour la production de plastiques neufs à l’infini.
À l’aide de son équipement, un réacteur CMD600, l’entreprise vise d’abord à traiter le polystyrène (plastique no 6). «La technologie CMD 200/400/500 est en cours de développement pour traiter le polyéthylène (plastiques no 2 et no 4) et le polypropylène (plastique no 5), explique Virginie Bussières, vice-présidente aux communications, au marketing et aux relations gouvernementales à Pyrowave.
Reconnue par Novae parmi les 20 entreprises qui ont le mieux allié innovation, développement durable et engagement social, Pyrowave vient d’ailleurs de clôturer une ronde de financement d’une dizaine de millions de dollars. Cette étape permettra à la PME d’une douzaine d’employés de finaliser la technologie et de la déployer dans des marchés clés en Europe et en Asie.
Il n’en demeure pas moins que la plus grande innovation en recyclage des emballages serait de commencer par faire un bon ménage dans toutes les matières utilisées à la source, avance Geneviève Dionne. «Actuellement, il y a trop de matières plastiques et surtout beaucoup trop d’amalgames qui sont utilisés dans la fabrication des emballages, dit cette experte de l’ÉEQ.