Près de 90% des persones sondées voudraient des emballages plus verts, mais sans coût additionnel. (Photo: Viki Mohamad pour Unsplash)
INDUSTRIE DE L’EMBALLAGE. Les sondages menés un peu partout sur la planète sont unanimes: l’emballage durable n’est plus une option pour les entreprises, il est devenu une nécessité pour préserver l’environnement. Sauf que tous les consommateurs ne sont pas prêts à en payer le prix.
Prenons l’exemple du secteur alimentaire, dont les produits représentent plus du tiers de la valeur de l’industrie de l’emballage mondiale — marché qui dépassera le trillion de dollars américains d’ici 2024, selon la firme Smithers. Au Canada, près de neuf personnes sur dix souhaitent que les emballages alimentaires en plastique soient remplacés par des produits plus durables… mais sans avoir à payer un coût additionnel. C’est du moins ce que soutenait une étude dirigée par l’Université Dalhousie il y a deux ans.
«En fait, plus de 80% des Canadiens ont même indiqué qu’ils ne veulent pas payer ne serait-ce que 2,5% de plus pour un produit alimentaire dans un emballage vert», précise Sylvain Charlebois, professeur en distribution et politique alimentaire à cette université néo-écossaise. «Il s’agit, observe-t-il, d’une marge très faible qui ne laisse pas beaucoup de marge de manœuvre à l’industrie alimentaire pour avancer à ce stade. Par conséquent, il lui sera très difficile de changer quoi que ce soit si les consommateurs ne veulent pas faire leur part.»
McKinsey & Company, qui a sondé nos voisins américains en pleine pandémie, obtient un verdict assez similaire. En fait, le prix, la qualité et la marque se classent bien devant l’emballage ou les préoccupations environnementales au moment de sélectionner un produit, révèle le sondage mené l’été dernier par la firme-conseil internationale.
Selon l’étude «McKinsey Packaging Survey August 2020», les facteurs les plus importants qui continuent d’influencer les comportements d’achat des Américains à l’épicerie sont, dans l’ordre, l’hygiène et la sécurité alimentaire, la durée de conservation, la facilité d’utilisation et la durabilité de l’aliment. L’impact environnemental est l’un des plus faibles des sept facteurs, après l’apparence et les informations sur l’étiquette.
Les Américains ne sont pas les seuls à afficher ce comportement, maintient la firme qui a posé les mêmes questions dans une dizaine de pays. Les consommateurs chinois, français, britanniques et japonais ont eux aussi les mêmes préoccupations. En fait, c’est au Brésil, en Inde et en Indonésie, tout comme en Allemagne et en Italie, que l’importance de l’emballage durable est plus élevée, peut-on lire dans le rapport d’étude.
Dialogue nécessaire
«La pandémie a entraîné une recrudescence de l’utilisation des emballages alimentaires à usage unique», déplore Claude Maheux-Picard, directrice générale du Centre de transfert technologique en écologie industrielle (CTTÉI). Bien qu’une partie de la population souhaite des emballages durables, il subsiste encore une communication anémique entre les fabricants, les centres de tri et les recycleurs, dit-elle. «Les exigences des uns et des autres doivent être mieux connues pour assurer la mise en marché d’emballages recyclables et recyclés. Malheureusement, ce manque de dialogue fait en sorte que près de la moitié des emballages composés de matières dites recyclables se retrouvent dans les sites d’enfouissement.»
Mais faut-il absolument que l’emballage durable coûte plus cher? Non, croit Anthony Poitras, fondateur de l’entreprise Total Fabrication, qui détient les marques de produits nettoyants Purenature, entre autres. Depuis plus de 10 ans, cette PME de Saint-Alexandre-de-Kamouraska encourage la réutilisation de ses contenants. Les stations en vrac de l’entreprise sont d’ailleurs présentes dans plus de 350 points de vente au Québec, notamment dans des succursales de Familiprix, d’Uniprix et de Proxim.
«Grâce à cette philosophie, ce sont plus d’un million de bouteilles qui ont été réutilisées par les utilisateurs de produits Purenature ou encore qui ont été assainies dans nos installations afin d’être remises en circulation, soutient Anthony Poitras. Certes, le geste demande un effort de la part des consommateurs, mais cette stratégie de stations en vrac leur permet d’épargner au moins 25% sur le coût du produit.»
Le fabricant rappelle que les produits nettoyants sont essentiellement composés d’eau. Ainsi, dans le cas des lave-vitres commerciaux, notamment, les contenants — et non le contenu — représentent souvent 95% du montant que payent les consommateurs.