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Le plastique postconsommation, une denrée rare et chère

Claudine Hébert|Édition de la mi‑juin 2021

Le plastique postconsommation, une denrée rare et chère

Tricentris, un centre de tri qui dessert 234 municipalités des Laurentides, de Lanaudière et de l’Outaouais, récupère les contenants de PEHD. (Photo: courtoisie)

INDUSTRIE DE L’EMBALLAGE. De nombreux acteurs de l’industrie de l’emballage de grade alimentaire veulent intégrer davantage de résine de plastique postconsommation dans leurs produits à usage unique. Un souhait qui s’annonce toutefois complexe et coûteux à réaliser.

COVID-19, hausse de la demande pour la matière, manque de technologies de recyclage à grande échelle… Depuis un an, ces différents facteurs font grimper le prix des résines de plastique postconsommation. Autant le polytéréphtalate d’éthylène (PET, ou plastique no 1), le polyéthylène haute densité (PEHD, no 2), le polyéthylène basse densité (PEbd, no 4) que le polypropylène (PP, no 5) — les résines constituant les plus gros volumes pouvant être recyclés — d’origine postconsommation enregistrent des prix records à la livre. À titre d’exemple, le PEHD postconsommation, utilisé principalement dans les contenants de produits nettoyants, coûtait plus de 17 cents la livre au début de l’année 2021, cinq fois plus qu’en juillet 2020.

«Actuellement, le polyéthylène et le polypropylène postconsommation de grade alimentaire sont non seulement difficiles à trouver, mais ils coûtent chers aux fabricants d’emballage à usage unique qui voudraient en mettre dans leurs contenants afin de favoriser l’économie circulaire», fait savoir Marc Garon, président de Pecca Technologies, une entreprise de Québec spécialisée dans la fabrication de mélanges polymères. Cette jeune start-up, qui a aussi un laboratoire à Saint-Léon-de-Standon, en Chaudière-Appalaches, collabore déjà avec une douzaine de clients, dont son voisin, Elfe Plastik.

Marc Garon précise que le prix de la résine vierge de plusieurs plastiques de grade alimentaire a aussi terriblement augmenté à cause de l’épisode de verglas de février dernier au Texas, État considéré comme l’un des plus importants fournisseurs de la matière en Amérique du Nord. Le PP vierge, qui se vend généralement 70 cents US la livre, a franchi en mai le cap du dollar, pour atteindre 1,10$ US la livre.

 

Le défi de la salubrité

Autre obstacle majeur qui se dresse devant ceux qui veulent introduire davantage de plastique postconsommation dans leurs contenants d’emballage à usage unique: la garantie d’avoir accès à une matière salubre à 100%. «Si on veut être dans une dynamique d’économie circulaire équilibrée, il faudrait idéalement que le secteur générant le plus de matière plastique, c’est-à-dire le secteur alimentaire, soit celui qui emploie le plus de résine recyclée postconsommation (PCR) dans ses contenants. Ce qui est présentement impossible», maintient Marc Garon.

Cela prendrait de la résine PCR approuvée par Santé Canada et par la Food and Drug Association américaine, explique-t-il. Or, cette résine de haute qualité est quasi inexistante sur le marché. Mis à part le PET — dont l’industrie dispose de la technologie de décontamination —, les autres plastiques posent des défis. Le président de Pecca Technologies cite le PP: une fois souillée, cette matière est difficile à nettoyer. Les odeurs absorbées au cours de sa vie utile demeurent tenaces et sont difficiles à extraire à un coût raisonnable.

De plus, la matière recyclée comporte ses limites. «Parce qu’ils sont de nature thermoplastique, les polymères postconsommation peuvent en théorie être refondus et remoulés des dizaines de fois, fait-il valoir. Or, la littérature scientifique montre que chaque fois que l’on fait fondre le plastique pour ensuite le remettre en forme, les chaînes moléculaires se cassent. Ce qui fragilise la matière, surtout si elle est soumise à de froides températures, comme la réfrigération.»

 

D’autres débouchés

En attendant de trouver des solutions pour en faire un usage alimentaire, certains plastiques postconsommation trouvent d’autres débouchés. C’est le cas des contenants composés de PEHD que récupère Tricentris, un centre de tri qui dessert 234 municipalités des Laurentides, de Lanaudière et de l’Outaouais. En avril, l’entreprise de Lachute a renouvelé une entente jusqu’en 2025 avec Soleno, un fabricant de tuyauterie pour la gestion des eaux pluviales basé à Saint-Jean-sur-Richelieu. Cette collaboration permet à cette dernière de récupérer annuellement plus de 30 millions de contenants de PEHD. Au total, cette PME valorise plus de 100 millions de contenants de plastiques d’usage domestique et industriel chaque année.

«Il s’agit d’une entente à long terme dont le prix convient aux deux parties», précise le responsable des affaires publiques de Tricentris, Grégory Pratte, sans en dévoiler les détails. Il souligne que Tricentris, qui collabore avec près d’une dizaine de recycleurs au Québec — dont deux pour le plastique —, a toujours privilégié une stratégie d’ententes à long terme plutôt que de négocier selon les fluctuations des marchés. Il est ainsi plus facile de sécuriser le recyclage et la valorisation des gisements, peu importe qu’il s’agisse de plastique, de métal, de carton ou de verre, note-t-il.