(Photo : 123RF)
INFRASTRUCTURES ET GRANDS PROJETS. Des investissements publics d’environ 115 milliards de dollars sont prévus dans le Plan québécois des infrastructures au cours de la prochaine décennie. Ils touchent notamment les secteurs de la santé, des transports et de l’énergie. Le développement durable sera-t-il de la partie ?
À quel point notre parc immobilier public est-il vulnérable aux vents, aux inondations, aux fluctuations de température et aux autres soubresauts de la météo dus aux changements climatiques ? C’est la grande question que se pose ces jours-ci la Société québécoise des infrastructures (SQI).
Afin de trouver la réponse, l’organisme mène depuis avril un vaste projet d’évaluation auprès de ses gestionnaires d’immeubles. Surnommé «VACCIn», pour Vulnérabilité des bâtiments aux changements climatiques, ce projet est dirigé par la chercheuse Catherine Dubois, en partenariat avec le consortium Ouranos et l’Institut national de santé publique du Québec.
«Cette évaluation, qui prendra fin en octobre 2020, concerne les quelque 342 immeubles qui appartiennent à la SQI, notamment des palais de justice, des centres de détention, les bureaux de divers ministères et des postes de police», explique Mme Dubois, conseillère en développement durable à la SQI.
Une fois élaborée, la «méthode VACCIn» sera gratuite et accessible aux gestionnaires d’immeubles publics et privés, ajoute-t-elle.
Chercher les indices
Avant de la partager, il faut toutefois établir cette méthode. Pour ce faire, il faut d’abord savoir ce que l’on cherche, rappelle Mme Dubois. La chercheuse et son équipe procèdent actuellement à la récolte de plusieurs données. De quoi sont constitués les bâtiments ? Dans quelles zones se trouvent-ils ? Quels sont leurs éléments vulnérables aux changements climatiques selon leur localisation géographique ?
«Un bâtiment situé en zone urbaine n’est pas exposé à des risques de feux de forêt comme peut l’être un immeuble dans la réserve faunique La Vérendrye, illustre-t-elle. Et un immeuble bâti en zone forestière ne subit pas la même pression des îlots de chaleur qu’un bâtiment situé au centre-ville de Montréal.»
Pour faciliter la cueillette des informations, Mme Dubois et son équipe font appel aux onze directions immobilières de la SQI, qui couvrent l’ensemble du territoire québécois. «Ce sont de gens qui connaissent bien leurs immeubles. Ce sont eux qui peuvent nous indiquer quelles sont les situations que ces immeubles et leurs occupants ont déjà expérimentées. Aussi, quels sont les dangers susceptibles de perturber le bâtiment ainsi que le bien-être des gens qui y travaillent.»
Bien que ces immeubles répondent aux normes actuelles du Code national du bâtiment, ces exigences ne sont plus suffisantes par rapport aux perturbations climatiques des dix dernières années, estime Mme Dubois. Cette vulnérabilité aux changements climatiques, insiste-t-elle, ne relève pas que de situations extrêmes. Ce sont aussi les réactions d’édifices qui sont confrontés à répétition à des épisodes de gel-dégel ou encore de chaleur intense.
Faute de temps, la chercheuse concède qu’elle ne pourra pas effectuer un diagnostic pour l’ensemble du parc immobilier de la SQI. Son équipe priorisera toutefois un échantillonnage établi en fonction des catégories de bâtiments et des régions où ils se trouvent.
Changement de culture
«Bien documenter ses établissements est justement la clé pour aider à maintenir et à protéger les bâtiments par rapport aux situations climatiques auxquelles nous sommes maintenant confrontées», soulève Magali Crevier, cofondatrice, présidente et directrice des comptes d’Admobilis. Or, remarque-t-elle, plusieurs gestionnaires commencent à peine à prendre conscience de cette règle de base.
Admobilis est une firme qui accompagne les gestionnaires d’immeubles institutionnels dans la mise en place de plans de gestion de leurs actifs immobiliers. Habituée de recevoir une vingtaine d’appels par année de la part de gestionnaires de centres de la petite enfance (CPE), de résidences pour aînés et de copropriétés, Admobilis en a reçu près de 200 en 2019. Et l’année n’est pas encore terminée.
Le problème, observe sa présidente, est le manque de connaissance et de moyens financiers de plusieurs gestionnaires. «Ils détiennent les qualités pour diriger le personnel entre les quatre murs de l’immeuble, mais ils en oublient l’enveloppe extérieure. En fait, pendant des années, plusieurs ont adopté l’attitude « on va faire avec » plutôt que de planifier des solutions dès qu’un problème de structure était perçu.»
Dans un contexte où la météo met de plus en plus de pression sur les infrastructures, remettre à demain risque de coûter beaucoup plus cher d’entretien et de réparation, signale Mme Crevier. Elle cite en exemple trois CPE de trois régions différentes qui ont été victimes d’infiltrations d’eau au printemps dernier. D’ici l’hiver, ces trois CPE doivent changer leur drain de fondation, dont l’entretien, ou même l’installation, a été négligé.
Ces travaux, qui s’élèvent à des sommes entre 35 000 $ et 125 000 $, sont évidemment conditionnels à l’obtention d’un permis de leurs municipalités respectives, rappelle-t-elle. Si deux des CPE s’en tirent «plutôt bien», le troisième «attend son permis depuis deux mois et a dû jusqu’ici payer 7 000 $ en divers frais d’administration en vue de l’obtenir». Des frais additionnels – mais surtout un stress – que ces organismes auraient pu éviter si leur bâtiment avait fait l’objet d’un meilleur suivi, conclut Mme Crevier.