(Photo : Elien Dumon pour Unsplash)
INFRASTRUCTURES ET GRANDS PROJETS. La Coalition Avenir Québec (CAQ) en a fait une promesse électorale et son gouvernement compte bien la tenir : il y aura une trentaine de Maisons des aînés au Québec d’ici la fin de son mandat, en 2022. Une promesse qui n’est pas sans soulever certaines inquiétudes.
Estimé à plus de 1 milliard de dollars, ce projet prévoit 2 600 nouvelles places d’hébergement, dont certaines s’adresseront à des personnes âgées de moins de 65 ans atteintes de maladies neurodégénératives, comme l’Alzheimer. Les établissements concernés sont alors qualifiés de «milieu de vie alternatif».
Selon le programme de la CAQ, les Maisons des aînés visent à remplacer le concept de centre d’hébergement de soins de longue durée (CHSLD). Ces nouveaux logements à «dimension humaine» pourront accueillir entre 70 et 130 personnes à la fois. Ils devraient offrir de plus grandes chambres climatisées et de meilleurs repas que les actuels CHSLD.
Trois appels d’offres concernant ce projet, gérés par la Société québécoise des infrastructures (SQI), ont été lancés en août. Les Affaires a tenté d’obtenir plus de détails à ce sujet – et surtout la confirmation des tenants et aboutissants de ce mégaprojet – auprès du cabinet de la ministre responsable des Aînés et des Proches aidants, Marguerite Blais. Cette dernière a refusé notre demande d’entrevue. «La CAQ s’est engagée en campagne électorale à créer 2 600 nouvelles places en Maisons des aînés au cours de son premier mandat, et nous allons respecter notre engagement», a réitéré son équipe par courriel.
Le cabinet de la ministre a également souligné que l’objectif du gouvernement est de passer d’un modèle institutionnel à un modèle axé sur les besoins, les choix et les préférences des résidents et de leurs proches, tout en réduisant significativement la liste d’attente en matière d’hébergement. «Nous avons également dégagé près de 1 milliard de dollars afin de rénover les CHSLD vétustes, en parallèle du projet de Maisons des aînés. Pour le reste, nous avons un plan concret afin de réaliser notre engagement. L’annonce ainsi que tous les détails seront dévoilés prochainement», écrit-on.
Échéanciers peu réalistes
En attendant, certains groupes de professionnels s’inquiètent du mode de réalisation groupée et accélérée de ces nouvelles habitations pour aînés. C’est notamment le cas de l’Association des architectes en pratique privée du Québec (AAPPQ).
«Nous sommes actuellement témoins du plus grand Plan québécois des infrastructures jamais vu au Québec. Ce plan de 115 G$ inclut plusieurs infrastructures, dont le projet des Maisons des aînés. Pourtant, plusieurs de nos membres s’interrogent. Certains hésitent à soumissionner à ces appels d’offres», signale Lyne Parent, directrice générale de l’AAPPQ.
Selon Mme Parent, plusieurs firmes d’architectes considèrent comme peu réalistes les échéanciers de ces projets publics et s’inquiètent de l’imprécision des estimations budgétaires. «Beaucoup de firmes jugent que la qualité architecturale en pâtira», soutient-elle.
Elle reproche également au gouvernement de vouloir aller trop vite. «Nous n’avons rien contre le projet qui, au contraire, répond à des besoins pressants. Nous sommes conscients que la population vieillit, que les besoins changent, reconnaît-elle. Mais allons-nous reproduire des modèles d’habitation en série comme ce fut le cas des écoles dans les années Duplessis ?» Mme Parent souhaite qu’il soit possible «de prendre le temps de concevoir des maisons de qualité qui vont s’intégrer dans leur environnement et qui vont durer pour les 100 prochaines années». «Le plus important est de construire des Maisons des aînés durables et de qualité, au-delà d’un agenda gouvernemental», résume-t-elle.
Pour sa part, l’Association des firmes de génie-conseil – Québec préfère ne pas émettre de commentaires sur ce projet, alors que les modes de réalisation ne sont pas encore connus. «Nous souhaitons simplement que la conception et la réalisation visent la meilleure qualité et la durabilité des ouvrages qui seront construits», affirme son PDG, André Rainville.
Un projet attendu
Le projet des Maisons des aînés est néanmoins vivement applaudi par le Regroupement québécois des résidences pour aînés (RQRA). «Enfin, il se passe quelque chose dans notre secteur», souligne son PDG, Yves Desjardins.
Invité à donner son opinion lors de rencontres informelles au sujet de ces nouvelles habitations en compagnie de divers employés du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), M. Desjardins dit aimer ce qu’il entend. «Le gouvernement cherche peut-être encore le bon modèle, mais au moins, il a le courage de vouloir changer les choses auxquelles nous avons été habitués jusqu’à maintenant, fait-il valoir. Et surtout, il se soucie de l’offre en région.»
Le seul reproche que fait le PDG du RQRA au projet, à ce stade-ci, est l’absence de discussions entre les acteurs du MSSS et les actuels grands propriétaires privés de résidences pour aînés. «Selon une récente étude d’Altus, les projets de construction de résidences pour aînés en cours au Québec s’élèvent actuellement à près de 3 G$, précise-t-il. Nos membres possèdent l’expertise, les connaissances et les compétences pour construire des habitations dans le respect des budgets et des délais annoncés. Une plus grande collaboration entre le public et le privé ne ferait certainement pas de tort à ce projet… et, du même coup, à l’ensemble de notre industrie.»