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SNC-Lavalin plaide coupable à une accusation de fraude

La Presse Canadienne|Publié le 18 Décembre 2019

SNC-Lavalin plaide coupable à une accusation de fraude

À droite, l'avocat François Fontaine (Photo: Graham Hugues/ La Presse canadienne)

SNC-Lavalin a franchi une autre étape dans l’espoir de tourner la page sur son passé trouble alors que sa division construction a plaidé coupable à une accusation de fraude pour des gestes posés en Libye entre 2001 et 2011.

L’entente acceptée mercredi par le juge Claude Leblond de la Cour du Québec fait en sorte que la firme d’ingénierie et de construction écope d’une amende de 280 millions $ — une somme inférieure aux prévisions de plusieurs analystes — et d’une période de probation de trois ans.

Elle s’accompagne également d’un arrêt des procédures à l’égard des accusations de fraude et de corruption qui pesaient sur SNC-Lavalin ainsi que sa division SNC-Lavalin International. Un arrêt des procédures a aussi été obtenu pour l’accusation de corruption contre la division construction.

Ce dénouement est survenu quelques jours seulement après que l’ex-cadre Sami Bebawi eut été reconnu coupable de fraude et corruption par un jury pour des gestes similaires.

L’accord, intervenu après des négociations avec la Couronne, semble écarter la possibilité que SNC-Lavalin ne soit plus en mesure de soumissionner sur des contrats publics pour une période pouvant atteindre 10 ans.

« L’accusation à laquelle nous avons plaidé coupable (…) n’est pas une fraude contre Sa Majesté, a expliqué l’avocat de la firme, François Fontaine, en sortant de la salle d’audience du palais de justice de Montréal. Je vous dirais que c’est ce qu’il y a de plus proche ici d’un accord de réparation, bien que l’on ait plaidé coupable. »

Le déblocage survenu dans cette saga judiciaire a été accueilli favorablement par les investisseurs, puisqu’à la Bourse de Toronto, mercredi après-midi, l’action de SNC-Lavalin se négociait à 28,76 $, en hausse de 4,64 $, ou 19,24 %.

SNC-Lavalin plaidait depuis longtemps pour un accord de réparation — où l’on paye généralement une amende salée en échange d’un abandon des accusations — mais les procureurs fédéraux avaient refusé d’inviter la société à négocier.

Cette affaire avait pris une tournure politique en raison d’allégations selon lesquelles de hauts fonctionnaires du gouvernement fédéral avaient effectué des pressions indues sur l’ex-procureure générale Jody Wilson−Raybould afin qu’elle négocie une entente à l’amiable avec la compagnie.

« Nous sommes heureux (…) que l’on soit arrivé à une entente permettant un règlement qui est dans l’intérêt de la justice et qui fait en sorte que la peine imposée soit effective, proportionnée et dissuasive », a estimé le procureur de la Couronne, Richard Roy.

Selon le résumé présenté devant le tribunal, près de 127 millions $ auraient été détournés au sein de l’entreprise. Quelque 50 millions $ auraient été octroyés en pots-de-vin à Saadi Kadhafi, le fils du dictateur libyen Mouammar Kadhafi.

Grâce à l’influence du fils du dictateur, SNC-Lavalin a engrangé des profits nets de 104 millions $ en réalisant pour environ 2 milliards $ de projets en Libye entre 2001 et 2011.

Selon les « lignes directrices » des États-Unis et du Royaume-Uni, l’amende imposée à SNC-Lavalin aurait pu varier entre environ 460 millions $ et 700 millions $, a expliqué Me Roy au juge Leblond.

Mais en tenant compte de certains facteurs, comme l’obtention d’un plaidoyer de culpabilité et du ménage par la firme au sein de sa haute direction et de ses pratiques depuis 2012, les deux parties se sont entendues sur la somme de 280 millions $.

« Nous reconnaissons que depuis 2012, l’entreprise a complètement changé, a dit Me Roy. Elle a pris des mesures en matière de conformité et d’éthique qui font en sorte que les risques que cette entreprise récidive à nouveau sont moindres. »

SNC-Lavalin a également accepté de renoncer à réclamer une somme de 17 millions d’euros gelée par les autorités en Libye ainsi qu’à ne jamais récupérer les équipements abandonnés dans ce pays dans la foulée du renversement du régime de Mouammar Kadhafi.

Par voie de communiqué, le président et chef de la direction de la firme, Ian Edwards, a salué le dénouement, en offrant au nom de la société ses « excuses » pour les gestes posés dans le passé.

« Cet accord change la donne pour la Société et nous permet enfin de tourner la page », a-t-il fait valoir.

De son côté, le premier ministre François Legault a estimé que les malversations survenues chez SNC-Lavalin étaient l’affaire de « quelques personnes » et qu’il ne fallait pas pénaliser l’ensemble de ses employés.