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Cap sur l’innovation au port de Montréal

Jean-François Venne|Édition de la mi‑octobre 2020

Cap sur l’innovation au port de Montréal

Le Port de Montréal met beaucoup d’espoir dans le projet de développement du terminal Contrecoeur, situé en Montérégie, qui devrait pour être opérationnel en 2024. (Photo: 123RF)

INFRASTRUCTURES ET GRANDS PROJETS. Les projets à long terme abondent au port de Montréal, avec, en tête de lice, l’expansion à Contrecoeur et le virage technologique. Mais les administrateurs doivent aussi affronter une épreuve plus immédiate: s’adapter à la pandémie de COVID-19.

L’effet du virus a mis un certain temps avant d’affecter le trafic au port de Montréal. Comme les marchandises sont commandées à l’avance, le choc s’est fait sentir au mois de mai. « Le vrac liquide, constitué surtout de produits pétroliers, a baissé très rapidement, puisque les besoins d’approvisionnement ont grandement diminué et, bien sûr, les bateaux de croisière ont été interdits», raconte Sylvie Vachon, PDG de l’Administration portuaire de Montréal (APM).

Le transport de conteneurs a mieux résisté, jusqu’à ce que les quelque 1100 débardeurs déclenchent une grève générale illimitée le 10 août. Plusieurs navires ont alors dû être déroutés vers Halifax et Saint John, au Nouveau-Brunswick. Le port a finalement repris ses activités le 23 août, grâce à une trêve de sept mois conclue entre l’Association des employeurs maritimes et le syndicat des débardeurs.

 

Le défi de Contrecœur

Le projet phare de développement du port demeure sans conteste le nouveau terminal de Contrecoeur, en Montérégie, lequel devrait entrer en service en 2024. La réalisation de cette infrastructure coûtera entre 750 et 950 millions de dollars (M$); en décembre dernier, la Banque d’infrastructure du Canada a accepté d’y investir 300 M$. Sa capacité sera au départ de 1,15 million de conteneurs. Présentement, le port montréalais peut manutentionner environ 1,9million de conteneurs par année. En 2017, l’APM prévoyait que le nombre annuel de conteneurs à manutentionner passerait de 1,45 million à 2,47 millions d’ici 2030.

« Contrecoeur constitue un défi intéressant pour le port, soutient Emmanuel Guy, professeur en transport maritime au Département des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Rimouski. Reste à voir si la pandémie et la vague de protectionnisme affecteront les chaînes d’approvisionnement. Si des entreprises canadiennes ou américaines rapatrient une partie de leur production, cela pourrait modifier les prévisions d’augmentation de conteneurs à moyen ou à long terme.»

L’année 2020 devrait marquer la fin du processus d’évaluation environnementale du projet du terminal de Contrecoeur par l’Agence d’évaluation d’impact du Canada. Le 4 août, l’APM a procédé à un appel de qualification afin de sélectionner jusqu’à trois firmes. Elles seront ensuite invitées à répondre à un appel de proposition en vue de la conception et de la construction, dont le début demeure prévu en 2021.

Pour répondre à la demande grandissante, le Port de Montréal se dote également du nouveau terminal Viau, capable de faire transiter jusqu’à 600000 conteneurs. Aménagé au sud de la rue Notre-Dame, entre le boulevard Pie-IX et la rue Viau, il devrait être terminé en décembre 2020.

 

Le port évolué

Claude Comtois, professeur de géographie à l’Université de Montréal et conseiller académique de l’APM, souligne pour sa part la grande volonté d’innovation du Port de Montréal, notamment dans les domaines du numérique, de l’intelligence artificielle et de la transition énergétique. «C’est le port du futur qui est en train de se dessiner à Montréal, affirme-t-il. L’objectif est de suivre en temps réel, de mieux contrôler et de rendre plus fluides les chaînes d’approvisionnement, tant du côté du vrac que des conteneurs, tout en réduisant l’empreinte carbone.»

Le professeur cite en exemple le PORTail du camionnage. Depuis 2016, cette application mobile transmet en temps réel le trafic des camions et les temps d’attente aux terminaux afin de réduire les risques de congestion. Cela contribue à diminuer les émissions de gaz à effet de serre. Sylvie Vachon confie d’ailleurs que l’APM collabore avec des ports internationaux au développement de modèles de prévisibilités semblables qui s’appliqueraient aux navires. Le port travaille également sur des projets de réalité augmentée, qui permettent d’améliorer la planification des infrastructures, d’optimiser les espaces et de visiter ses installations en réalité virtuelle.

La transition énergétique constitue un autre projet important du port, souligne Claude Comtois. En 2017, celui-ci s’est doté d’un système d’alimentation électrique à quai, qui permet aux navires de croisière de s’alimenter en électricité et donc d’éteindre leur moteur pendant l’escale. Un seul bateau, le MS Veendam, l’aurait utilisé jusqu’à maintenant, à 11 reprises. « Mais il s’agit aussi d’électrifier les véhicules qui circulent sur les sites portuaires, d’implanter des processus d’économie circulaire et d’optimiser l’efficacité énergétique, notamment avec des réseaux électriques intelligents», explique le professeur.

Sylvie Vachon, qui quittera son poste de PDG à la fin de l’année, souligne que les innovations du port sont remarquées à l’international. «Nous avons été invités à participer à chainPORT, une initiative du Port de Hambourg qui regroupe 12 ports bien plus gros que le nôtre, comme ceux de Rotterdam, Los Angeles ou Singapour, justement parce qu’ils appréciaient nos avancées avec l’intelligence artificielle», se réjouit-elle.