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Déblocage dans le logement social

Jean-François Venne|Édition de la mi‑octobre 2020

Déblocage dans le logement social

Partout au Québec, les besoins en logement social se font criants. (Photo: 123RF)

INFRASTRUCTURES ET GRANDS PROJETS. L’entente sur le logement social finalement survenue entre Québec et Ottawa, dont les détails ont été dévoilés le 6 octobre, aidera à résorber le manque criant de logements abordables dans plusieurs municipalités. Ces projets de construction contribueront aussi à la relance économique.

Les gouvernements fédéral et provincial investiront ensemble près de 3,7 milliards de dollars (G$) sur 10 ans dans le cadre de l’Entente Canada-Québec sur le logement. Rétroactive, celle-ci s’étend de 2018 à 2028 et se décline en trois volets, soit les «Priorités du Québec» (544,5 millions de dollars [M$]), l’«Initiative canadienne de logement communautaire» (2,24 G$) et l’« Allocation canadienne pour le logement» (908,6 M$).

Ces informations ont été dévoilées dans la foulée de l’entente de principe annoncée le 17 septembre, qui dénouait une impasse de trois ans. Ce blocage privait les municipalités québécoises de sommes cruciales pour affronter une pénurie de logements de plus en plus aiguë. Québec n’a pas consacré d’argent à la construction de logements sociaux additionnels dans ses deux derniers budgets. Durant la décennie couverte par l’Entente, entre 2 800 et 4 000 logements sociaux seront construits au Québec.

«Le blocage empêchait la réalisation de nouveaux projets et de rénovation de logements sociaux, ce qui réduisait l’accès à des logements abordables partout au Québec», souligne Suzanne Roy, présidente de l’Union des municipalités du Québec (UMQ) et mairesse de Sainte-Julie.

Elle rappelle aussi que de nombreux logements abordables ne peuvent être habités parce qu’ils ont besoin de rénovations pour lesquelles les municipalités manquent d’argent. «À Saint-Amable, en Montérégie, des locataires ont été évacués d’immeubles désuets, mais il n’y avait pas d’appartements disponibles où les reloger», illustre Suzanne Roy. Une grande partie des sommes consenties par le gouvernement fédéral devrait d’ailleurs servir à de telles rénovations. L’Entente prévoit aussi une bonification de l’aide financière aux ménages à faible revenu.

La pandémie pourrait toutefois entraîner des retards dans les nouvelles constructions et en faire augmenter les prix. La présidente de l’UMQ a noté, dans les soumissions reçues cet été à Sainte-Julie, une hausse de 20% à 30% des coûts, liée aux mesures sanitaires que les entrepreneurs doivent adopter sur les chantiers et à leurs craintes de retards dans la réalisation des projets en cas de confinement.

 

Des besoins partout

Si les municipalités expriment un soulagement unanime, c’est que les besoins devenaient criants. Le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) demande depuis l’an dernier au gouvernement de construire 50000 nouveaux logements sociaux pour résorber la pénurie actuelle. Cet organisme s’est d’ailleurs dit déçu des sommes prévues à l’Entente, qu’il juge insuffisantes.

«À Terrebonne et à Mascouche, le taux d’inoccupation des logements est de 0,4%, alors qu’on parle de crise du logement à partir de 1,5%», affirme le maire de Terrebonne, Marc-André Plante. Ce n’est pas faute de construire des unités : à Terrebonne et à Mascouche, il y a eu 1 800 mises en chantier de nouveaux logements en huit mois, soit plus que toutes les mises en chantier des meilleures années depuis 20 ans, selon le maire Plante. « Les besoins sont très grands, particulièrement pour les foyers qui consacrent plus de 30% de leurs revenus au logement», poursuit-il.

Plusieurs autres des 82 municipalités de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) se trouvent dans la même situation, dont bien sûr Montréal. Dans la métropole, 150000 ménages attendent un logement abordable, rappelait récemment la mairesse Valérie Plante. La CMM réclame donc que le gouvernement provincial dote rapidement son programme AccèsLogis du financement nécessaire pour construire au moins 2700 nouvelles unités annuellement pendant cinq ans.

Nathalie Chicoine, conseillère en recherche et cheffe d’équipe à la CMM, souligne que l’on doit aussi financer les rénovations des habitations à loyers modiques (HLM). « Si le parc de HLM de Montréal était une ville, elle serait la 17e plus grande du Québec, illustre-t-elle. Le meilleur investissement reste d’assurer la pérennité du stock de logements abordables qui existent déjà.»

 

Avantages économiques et sociaux

À l’échelle de la province, les chantiers de logements sociaux contribueraient à la relance économique. La Société d’habitation du Québec soutient que chaque dollar qu’elle investit à titre de subvention génère 2,3 $ dans l’économie québé- également une création d’emploi notable, puisqu’ils se trouvent à la source d’environ 10% des heures travaillées dans le secteur de la construction résidentielle.

«S’ajoutent à cela les rénovations du parc existant, pour lequel les sommes issues de l’entente seront encore plus importantes que pour la construction de nouveaux logements. Donc, ce n’est pas négligeable pour les entrepreneurs», précise Alain Marcoux, président de l’Association des groupes de ressources techniques du Québec. Cet organisme demande que soit rapidement lancée la réalisation des plus de 10000 logements supplémentaires prévus dans 180 projets d’habitation communautaires au Québec. Ceux-ci sont déjà déterminés, mais attendent un financement pour se mettre en branle.

« Le logement social nous permet de lutter contre les inégalités sociales et de mieux gérer des problèmes sociaux, comme la pauvreté et l’itinérance, rappelle pour sa part Marc-André Plante. Le manque d’habitation a des conséquences bien réelles, comme l’augmentation du nombre d’itinérants. De vraies personnes attendent après ces logements et souffrent actuellement de leur rareté.»