Les chantiers du projet de loi 66 encore sur les blocs de départ
Isabelle Delorme|Édition de la mi‑octobre 2021(Photo: Zoi Palla pour Unsplash)
INFRASTRUCTURES ET GRANDS PROJETS. Lorsque la Loi concernant l’accélération de certains projets d’infrastructure (le projet de loi 66) a été votée en décembre 2020, Québec prévoyait gagner de deux mois à trois ans sur la durée de ces travaux publics. Or, neuf mois plus tard, on ne peut pas encore dire que le secteur de la construction ait accéléré les chantiers.
Grâce aux mesures d’assouplissement de certaines procédures contenues dans la nouvelle loi destinée à stimuler la reprise économique, le feu vert a été donné pour mettre rapidement en chantier 180 projets dans les domaines de la santé, des transports et de l’éducation, notamment. Parmi les travaux très attendus figurent par exemple le remplacement du pont de l’île d’Orléans et l’amélioration de l’autoroute 55 entre Bécancour et Sainte-Eulalie, dans le Centre-du-Québec.
Cependant, en matière de construction de grosses infrastructures, les chantiers ne se mettent pas en branle en un claquement de doigts. Selon Samuel Bouchard Villeneuve, conseiller politique au cabinet de la présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel, il faudra encore attendre quelques semaines pour avoir des données sur l’effet des nouvelles mesures. « Le Plan d’action pour le secteur de la construction, dont les mesures viennent soutenir l’accélération des projets, a été présenté en mars dernier, souligne-t-il. Les premières données sur la mise en place de ces mesures seront disponibles durant l’automne. »
Pas davantage d’annonces concrètes du côté de Christian Croteau, conseiller en affaires publiques de l’Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec (ACRGTQ). « Nous avons une quarantaine de projets concernés sur les 180 visés par la Loi et nous en surveillons l’évolution, note-t-il. Lorsqu’il s’agit de construire un pont ou un viaduc, par exemple, les projets demandent un long temps de préparation en amont du côté du ministère des Transports. » C’est pourquoi il est, à son avis, « prématuré à ce stade de porter un jugement sur l’efficacité de cette loi ».
Peu de projets entamés, sauf en santé
La première reddition de comptes semestrielle des projets accélérés par la Loi a été publiée le 31 mai dernier. Il est également possible de suivre l’évolution des projets de 20 millions de dollars et plus sur le tableau de bord des projets d’infrastructure publié en ligne par le Secrétariat du Conseil du trésor, dont les données ont été mises à jour au mois d’août. L’ensemble de ces sources ne montrent pas, à ce stade, d’accélération massive.
L’économiste Marcelin Joanis attend les chiffres de la prochaine reddition de comptes, en novembre, considérant que la saison estivale est propice aux chantiers. Selon le professeur titulaire à Polytechnique Montréal, les données disponibles montrent une majorité de projets encore au stade de l’étude ou de la planification. « Le gouvernement semble avoir avancé relativement prudemment, résume-t-il. Dans le domaine de l’éducation, 10 projets étaient en cours de réalisation sur les 35 identifiés dans la Loi et aucun projet de transport n’avait atteint le stade de la réalisation. » Une quarantaine de projets de maisons des aînés étaient aussi en chantier.
Certains projets, comme l’élargissement de l’autoroute 50, à Gatineau et à L’Ange-Gardien, en Outaouais, le réaménagement de la route 104 à La Prairie, en Montérégie, ou encore la reconstruction du pont Gédéon-Ouimet, entre Laval et Boisbriand, ont récemment fait l’objet de communications du ministère des Transports. Ce dernier a annoncé des avancées durant l’été, mais est toujours à l’étape de la planification (dépôt de l’avis de projet, appel d’offres).
« La dernière reddition de comptes montrait plus d’action au ministère de la Santé et des Services sociaux, en particulier sur les dossiers des maisons des aînés », analyse Marcelin Joanis. Il n’en est pas surpris. « La crise sanitaire a servi d’impulsion pour démarrer ces chantiers qui étaient déjà dans les cartons, mais qui ont été priorisés, estime l’économiste. À côté de cette volonté politique, je ne suis pas certain que les mesures d’accélération aient été déterminantes. »
Une marge de manœuvre limitée
Selon Marcelin Joanis, le secteur de la construction fonctionnait déjà à plein rendement avant l’adoption de la Loi. « Le Plan québécois des infrastructures était déjà bien garni, rappelle-t-il. Il suffit de se promener à Montréal et partout au Québec pour constater que nous étions déjà à un niveau d’investissement très élevé, particulièrement dans le domaine des transports. Compte tenu des capacités du secteur, je crois qu’il y a relativement peu de marge de manœuvre.» Le professeur ne serait donc « pas tout à fait surpris si l’on ne voyait pas d’effets majeurs des mesures d’accélération à court terme ».
Avant de tirer des conclusions sur cette nouvelle législation, il faudra donc se montrer patient dans ce qui ressemble davantage à un marathon qu’à un sprint. « La plupart des projets font l’objet d’une planification décennale. Leur exécution pourra peut-être être ramenée plutôt en première moitié de la décennie », estime Marcelin Joanis. À suivre en novembre avec la prochaine reddition de comptes semestrielle.
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Projets en phase de réalisation au 31 mars 2021:
- 57 projets en santé et services sociaux, dont 46 maisons des aînés (sur 81)
- 10 projets en éducation (sur 35)
- 2 projets de la Société québécoise des infrastructures (sur 8)
- 0 projet en transport (sur 51)
- 0 projet en enseignement supérieur (sur 5)
Source : Reddition de comptes semestrielle sur la Loi concernant l’accélération de certains projets d’infrastructure
18 octobre
Début de la période d’information publique du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) sur le projet de construction du nouveau pont de l’Île-d’Orléans. Une séance publique d’information se tiendra à Sainte-Famille.