Jean-Vincent Lacroix, porte-parole du REM (Photo: courtoisie)
INFRASTRUCTURES ET GRANDS PROJETS. Projet colossal qui s’élève aujourd’hui à près de 7 milliards de dollars (G$), le Réseau express métropolitain (REM) a vu son échéancier et son budget évoluer substantiellement depuis son lancement en 2016. Entre mobilité améliorée et contestations citoyennes, les défis à relever demeurent nombreux.
L’objectif du REM est de mieux desservir la Rive-Sud de Montréal et l’ouest de l’île, notamment l’aéroport international Montréal-Trudeau, tout en s’intégrant aux réseaux de transports collectifs existants. La première pelletée de terre a eu lieu en 2018 et la première « antenne » du projet, au départ de la Rive-Sud, devrait être mise en service en 2022. « Ensuite, ce sera la portion entre la gare Centrale de Montréal et la station Du Ruisseau [dans l’arrondissement de Saint-Laurent], puis celle jusqu’à l’aéroport, l’Ouest-de-l’Île et la Rive-Nord », élabore Jean-Vincent Lacroix, porte-parole du REM.
La mise en service totale du REM est actuellement prévue pour 2024, à la suite de plusieurs reports dus à diverses difficultés. D’abord, le contexte pandémique a eu plusieurs répercussions sur le projet, notamment à cause de la productivité réduite par la mise en place de la distanciation physique, des difficultés d’approvisionnement hors du Canada et de l’accès limité à la main-d’œuvre étrangère spécialisée. Des imprévus techniques sont également survenus, dont la découverte de résidus d’explosifs centenaires dans le tunnel du Mont-Royal. « On a subi une explosion, heureusement sans blessés, rapporte Jean-Vincent Lacroix. On a donc dû arrêter les travaux, analyser le terrain et proposer des méthodes de travail différentes pour limiter les risques. » Les 30 000 coups de forage restants se font donc avec des équipements robotisés et téléguidés à distance, une solution « moins efficace que des gens directement à l’œuvre » sur le terrain.
En plus de décaler les dates de livraison de 9 à 18 mois selon les secteurs, ces différents impondérables ont fait monter la facture, qui est passée de 6,3 G$ à 6,9 G$. « Les différents risques de construction et de dépassement de coûts sont tous assumés par CDPQ Infra », précise le porte-parole. Depuis 2015, cette filiale de la Caisse de dépôt et placement du Québec se dévoue aux projets d’infrastructure.
Les premiers tests des voitures du métro léger sont en cours depuis l’hiver dernier et doivent se poursuivre jusqu’en janvier 2022. Celles-ci doivent rouler 500 km avant leur ouverture aux voyageurs. La mise en service du REM depuis la Rive-Sud jusqu’au centre-ville de Montréal est prévue pour l’été prochain.
Pendant ce temps, dans l’est…
Un tout nouveau réseau de transport a été annoncé en décembre dernier. Il a été baptisé REM de l’Est, car son objectif est qu’un métro léger automatisé relie Pointe-aux-Trembles au centre-ville de Montréal ainsi qu’à Montréal-Nord.
Ce projet, dont la mise en service est planifiée pour 2029, a déjà fait couler beaucoup d’encre. Craintes de nuisances sonores pour certains, enlaidissement du paysage urbain pour d’autres. Encore en phase de planification détaillée, il a déjà subi plusieurs changements pour tenter de satisfaire le plus grand nombre de parties prenantes.
Parmi eux, la branche qui mène jusqu’au cégep Marie-Victorin, dans le nord-est de la ville. D’abord présentée comme un tunnel devant se terminer en mode aérien, elle sera finalement construite entièrement en sous-sol. Début septembre, CDPQ Infra a aussi annoncé la possibilité de faire un tunnel de 500 m à 700 m au centre-ville, une idée qui avait été rejetée au départ. « À partir de la rue Jeanne-Mance, il y a de meilleures conditions pour creuser un tunnel : on a dépassé les lignes orange et jaune du métro et la nappe phréatique », détaille Virginie Cousineau, porte-parole du REM de l’Est.
Parmi les propositions encore à l’étude, il y a aussi la possibilité d’insérer le REM de l’Est sur l’avenue Souligny, un peu plus au sud que la rue Sherbrooke envisagée.
L’ensemble du projet s’étendra sur 32 km, dont 24 km sur des rails surélevés, pour un coût total estimé à 10 G$. « Il n’y a jamais eu d’investissement aussi grand dans toute l’histoire du transport collectif au Québec », assure Virginie Cousineau. CDPQ Infra prévoit le passage devant le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) en 2022, suivi d’un début de construction en 2023.
Plusieurs voix se sont toutefois fait entendre contre le projet du REM de l’Est depuis son annonce. Notamment celle du Collectif en environnement Mercier-Est, un regroupement de citoyens qui s’intéressent à l’aménagement urbain. « Nous, ce qu’on demande, c’est une analyse impartiale et objective des différents moyens de transport et de plusieurs tracés, explique son vice-président, Daniel Chartier. CDPQ Infra montre seulement les résumés des rapports, alors que nous, on veut les détails. »
Le Collectif redoute aussi des effets négatifs sur la population résidant près du REM de l’Est, notamment à cause des bruits, des vibrations et de la présence d’un tracé en hauteur. « Beaucoup de petits commerces ont peur de perdre des clients ou même de devoir fermer leur entreprise, affirme Daniel Chartier. La valeur foncière des terrains va baisser radicalement. Imaginez-vous avoir ce monstre surdimensionné dans la fenêtre d’un condo, ça n’a pas de sens! »
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Un train pourrait être relié au REM
Pour relier Québec, Montréal et Toronto, le gouvernement canadien souhaite mettre en place un service de train, possiblement à grande fréquence (TGF). Celui-ci pourrait coûter jusqu’à 12 milliards de dollars, voir le jour d’ici 2030… et être accessible à partir d’une station du REM.
Le directeur des affaires publiques de Via Rail, Philippe Cannon, confirme « qu’un arrêt au centre-ville de Montréal sera inclus dans le tracé du TGF ». Les voies du corridor Québec-Toronto seront alors réservées aux trains de passagers. Elles ne seront donc plus dépendantes de la circulation des trains de marchandises, qui ont priorité en ce moment. Ainsi, le trajet entre Montréal et Québec devrait durer 2 h 20 au lieu de l’actuel 3 h 20, et celui entre Ottawa et Toronto, 3 h 15 au lieu de 4 h 30.
Philippe Cannon ajoute que le tracé du TGF desservira entre autres des villes comme Trois-Rivières, Laval et Peterborough.
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Le REM en quelques chiffres
Jusqu’à 3000 personnes travaillent à le bâtir
67 kilomètres est la longueur du trajet
0,72 $ du kilomètre par passager est la redevance que recevra CDPQ Infra de la part de l’Autorité régionale de transport métropolitain ARTM
Source : CDPQ Infra