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À la recherche de 50 000 ingénieurs

Jean-François Venne|Édition de la mi‑juin 2022

À la recherche de 50 000 ingénieurs

La main-d’œuvre est beaucoup moins stable depuis la pandémie, ce qui pose des défis de rétention du personnel. (Photo: 123RF)

INGÉNIEURS. La pénurie de main-d’œuvre n’épargne pas le domaine du génie, au grand dam des firmes qui doivent laisser passer des occasions de croissance. Certaines solutions sont à l’essai, mais leurs effets pourraient prendre des années à se faire sentir.

À elle seule, WSP compte près de 5 000 postes ouverts dans le monde actuellement, qu’elle peine à pourvoir. Cela équivaut à environ 8 % du total de sa main-d’œuvre. La firme effectue de grands efforts de recrutement et travaille beaucoup son image de marque afin de rester attrayante envers les professionnels, notamment les jeunes. « Notre image doit refléter leurs valeurs, par exemple sur les plans environnemental et social, croit Alexandre L’Heureux, président et chef de la direction. Nous avons réussi à recruter plus de 2 400 professionnels au cours du premier trimestre de 2022. »

De son côté, exp dénombre 190 postes ouverts, dont la moitié pour des ingénieurs et l’autre moitié pour des techniciens. « Nous pourrions les mettre à l’ouvrage dès demain matin, car la demande est là, explique Dominique Nadeau, premier vice-président au bâtiment et à l’industrie. Nous connaissons une belle croissance, mais elle pourrait être encore plus forte sans ce problème de main-d’œuvre. » 

La firme travaille pour offrir les meilleures conditions à ses employés, notamment en matière de relations de travail et d’équilibre entre les vies professionnelle et personnelle. Elle est d’ailleurs devenue en 2021 la première firme de génie-conseil et la première entreprise de plus de 1 000 salariés à obtenir le sceau Concilivi du Réseau pour un Québec Famille. Celle-ci reconnaît l’importance que la firme accorde à sa relation employeur-employés et son engagement envers la conciliation famille-travail.

 

Dénicher 50 000 ingénieurs

En avril 2021, l’Ordre des ingénieurs du Québec (OIQ) a déclaré que l’économie du Québec aurait besoin de plus de 50 000 nouveaux professionnels du génie d’ici 2030. Certains domaines de pratique, comme les génies informatique et logiciel, électrique et électronique et chimique pourraient être touchés davantage par cette pénurie. La rareté variera aussi entre les régions. Montréal connaîtra une demande accrue dans plusieurs spécialités, alors que le Saguenay–Lac-Saint-Jean et l’Abitibi-Témiscamingue tenteront de dénicher des ingénieurs industriels et que la Gaspésie recherchera des ingénieurs mécaniques, selon les projections de l’Ordre.

« Nous mettrons nos données à jour plus tard cette année, notamment pour voir les effets de la pandémie et de l’augmentation des investissements en infrastructures publiques », précise Kathy Baig, présidente de l’OIQ. 

Cette dernière croit que le programme de bourses Perspective Québec pourrait attirer un peu plus de jeunes dans la profession, contribuant ainsi à regarnir le pipeline de talents. Dans le cadre de cette initiative gouvernementale, les étudiants recevront 2 500 $ à la fin de chaque session réussie dans certains domaines, dont les programmes de génie. L’OIQ mène aussi la campagne « Génie ou quoi ? », une websérie dont l’objectif consiste à piquer la curiosité des jeunes envers le métier. 

« Ces solutions porteront davantage leurs fruits sur un horizon à moyen terme, donc résorber le problème à courte échéance sera plus ardu », reconnaît Kathy Baig. Elle souligne que l’OIQ a révisé ses processus d’octroi de permis pour les professionnels qui viennent de l’étranger. « Les délais sont passés en moyenne de 18 à 6 mois. Cela pourrait aider à court terme. »

 

Des travailleurs plus volages

Tetra Tech remarque de son côté que la main-d’œuvre est beaucoup moins stable depuis la pandémie, ce qui pose des défis de rétention du personnel. Conscient que le marché du travail joue en leur faveur, les employés hésitent moins à aller voir si le gazon est plus vert ailleurs. « Ils savent qu’ils pourront revenir si ça ne fonctionne pas, ce qui n’était pas nécessairement le cas il y a quelques années », constate Stéphane D’Amours, président des opérations des secteurs industriel et des énergies nouvelles et renouvelables pour l’est du Canada.

Il se console du fait que les professionnels quittent rarement Tetra Tech pour la concurrence. « Nos entrevues de départ indiquent plutôt qu’ils désirent essayer quelque chose de complètement nouveau », affirme-t-il. Cela ne rend pas pour autant le roulement moins compliqué à gérer.

Stéphane D’Amours note que l’emballement pour le télétravail ne doit pas faire oublier que l’esprit d’équipe et les relations humaines ont toujours représenté des aspects majeurs du recrutement, surtout de la rétention. Or, ces éléments deviennent plus difficiles à maintenir quand tout le monde se retrouve chacun chez soi. « Nous souhaitons faire revivre le côté social du travail et montrer ses avantages, avance-t-il. Ce n’est pas vrai que d’un seul coup, on a plus besoin de cet aspect de notre vie professionnelle. »