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Inclusion en génie: encore du chemin à faire

Philippe Jean Poirier|Édition de la mi‑juin 2024

Inclusion en génie: encore du chemin à faire

Les questions d’EDI sont discutées dans la sphère publique depuis plusieurs années. On peut donc s’attendre à ce que les grandes firmes de génie aient déjà engagé des actions dans ce dossier. (Photo: 123RF)

Ingénieur: rayonner à l’étranger. Une nouvelle étude de l’Ordre des ingénieurs du Québec (OIQ) publiée en juin montre que les firmes de génie ont encore du travail à faire pour que les professionnels « issus de la diversité » puissent pratiquer leur métier sans préjudice et se sentir pleinement acceptés dans leur organisation. Voici les constats de l’étude ainsi que des pistes d’action « concrètes » pour rendre le monde du génie plus inclusif.

La situation n’est pas unique au monde du génie, mais celui-ci n’y échappe pas non
plus. Le tout nouveau sondage, mené en 2023 par Aviseo auprès de 4170 membres de
l’OIQ, révèle que les personnes issues de la diversité sont deux fois plus nombreuses
que leurs collègues à subir du racisme, de la discrimination et du harcèlement dans leur
milieu de travail.

Les auteurs de l’étude définissent la « diversité » selon quatre groupes : les minorités
visibles, les personnes handicapées, celles s’identifiant à un genre autre qu’homme ou
femme et celles appartenant à la communauté 2ELGBTQIA+. En comparaison avec les
membres « non issus de la diversité », ces personnes sont 1,8 fois plus nombreuses à
subir des préjugés (45% « versus » 25%), 2,2 fois plus nombreuses à vivre du
harcèlement (24% « versus » 11%) et 2,4 fois plus nombreuses de la discrimination
(29% « versus » 12%).

Parallèlement à ces résultats, les auteurs ont créé un « indice d’actes préjudiciables »
pour relever si un membre sondé avait été « victime » ou « témoin » de préjugés, de
harcèlement ou de discrimination. Avec un indice de 1,77, les femmes constituent le
groupe démographique étant le plus susceptible d’être confronté à des actes
préjudiciables au travail.

La conséquence immédiate : les membres de la diversité ne se sentent pas libres de
vivre ou d’affirmer leur identité au travail. En effet, 37 % des répondants 2ELGBTQIA+,
40% des minorités ethniques et 36% des femmes ont déclaré avoir vécu « une
expérience inconfortable » en abordant un sujet lié à leur identité.

Quelles sont les solutions ?

Dans un autre volet du rapport, les auteurs ont demandé aux membres de l’OIQ de
proposer des actions pour redresser la situation. Il est à noter qu’une initiative telle que
« viser la parité et la représentativité dans les instances de gouvernance » (20%) —
souvent discutée par les grandes firmes — est venue bien après le fait « d’élaborer un
programme d’EDI [équité, diversité et inclusion] » (34%), de « favoriser la conciliation
vie professionnelle-vie personnelle » (32%) ou « d’accroître les communications autour
des principes EDI » (26%).

L’étude formule également des « recommandations » envers l’OIQ, dont la création
d’une « boîte à outils » pour aider les firmes d’ingénierie à adopter des pratiques
inclusives. Depuis mars dernier, l’Ordre des ingénieurs du Québec (OIQ) travaille donc à
l’élaboration d’un « Guide pour employeur pour un milieu de travail plus diversifié,
inclusif et équitable ». Ce guide sera publié « avant la fin du mois de juin », nous a
assuré l’Ordre.

Pour se sentir « soi-même » au travail

Les questions d’EDI sont discutées dans la sphère publique depuis plusieurs années.
On peut donc s’attendre à ce que les grandes firmes de génie aient déjà engagé des
actions dans ce dossier. Selon Rébecka Fortin, directrice régionale des relations
publiques de Stantec au Québec, sa firme a pris le virage de l’inclusivité il y a environ
une décennie, en incluant les questions d’EDI dans son plan stratégique.

Il y a deux ans, la firme a créé un « groupe de ressources pour employés » baptisé
« Fierté@Stantec », visant à soutenir les employés appartenant à la
communauté 2ELGBTQIA+. Ce comité a coordonné plusieurs initiatives internes,
notamment des formations données en partenariat avec Interligne et GRIS-Montréal, et
une première participation de Stantec au Défilé de la fierté à Montréal. « C’est un lieu de
collaboration et d’échange tant pour les gens de la communauté que les alliés », précise
Rébecka Fortin, mentionnant que des employés parents d’un enfant « en transition » ont
pu trouver un « safe space » pour aborder le sujet.

Décrit comme un leader « inclusif » lors de sa nomination en mai dernier, le nouveau
vice-président responsable de l’équipe du Québec pour Stantec, Stephen Montminy,
nous a expliqué comment le comité Fierte@Stantec avait un effet positif dans
l’organisation. « Ça peut paraître anodin, mais si une personne n’est pas à l’aise de
parler de son orientation lors d’une conversation de machine à café, la moitié de son
cerveau sera toujours préoccupée par ce qu’elle peut dire ou non. Pour que ces
personnes se sentent bien au travail, il faut leur offrir des occasions d’exprimer leur
identité. » On comprend que le comité joue un rôle crucial à cet égard.