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Comment ces firmes de génie réalisent des projets «complètement fous»?

Philippe Jean Poirier|Édition de la mi‑juin 2024

Comment ces firmes de génie réalisent des projets «complètement fous»?

(Photo: 123rf)

Ingénieur: rayonner à l’étranger. Les projets d’ingénierie sont excessivement exigeants sur le plan collaboratif ; les firmes doivent coordonner leurs ressources en interne, tout en parvenant à établir des partenariats stratégiques en externe. Voici comment les firmes de génie parviennent à collaborer efficacement aussi bien au Québec qu’à l’étranger.

Lorsque FNX-Innov a été acquise par le groupe d’ingénierie français Artelia, en juillet
2023, des groupes de travail thématiques ont aussi été formés en énergie, en transport,
en bâtiment, en infrastructure et autres disciplines du génie. L’objectif était alors de
permettre aux ingénieurs québécois et français de tisser des liens et de comprendre leur
expertise respective. Ce faisant, les participants devaient déterminer des projets
communs, pour ensuite établir comment ils allaient s’entraider.

« Nous voulons agrandir notre portfolio de compétences », explique Richard Helie, chef
de la direction de FNX-Innov. La firme montréalaise a déjà ciblé plusieurs domaines où
les équipes d’Artelia pourront donner un coup de pouce en sol québécois. « L’érosion
des berges, ça nous touche particulièrement au Québec, en raison du fleuve et des îles
de la Madeleine, mais c’est aussi un phénomène mondial, dans lequel Artelia a
développé une expertise. » La firme française possède aussi une solide expérience pour
gérer des projets en mode « collaboratif », ce qui pourrait aider FNX-Innov à s’aligner sur
la nouvelle orientation que veut prendre le gouvernement québécois en matière de
mode de réalisation des projets publics.

Bien sûr, le partage de compétences va dans les deux sens. « Les dirigeants d’Artelia
sont venus nous rencontrer à Montréal, précise Richard Helie. Nous leur avons présenté
nos solutions, nos équipes et nos expertises. » Plus tard, à l’automne, trois ingénieurs
québécois iront travailler à Paris, pendant que trois collègues parisiens seront affectés
au Québec. À court terme, FNX-Innov veut utiliser sa nouvelle alliance franco-
québécoise pour soumissionner sur des appels d’offres en couvrant une plus large
portion des requis énoncés.

Choisir une structure horizontale

De longue date, la firme Stantec — basée à Edmonton — a elle aussi développé sa
manière de faciliter la collaboration entre des experts basés dans différentes parties du
monde. « Si le déploiement de notre expertise est assez fluide, c’est parce que notre
structure opérationnelle est par ligne d’affaires », explique Stephen Montminy, vice-
président responsable de l’équipe du Québec pour Stantec. Comme la grande ligne
d’affaires « énergie et ressources » est internationale, illustre-t-il, le patron de cette
division n’a pas besoin d’être basé au siège social. Stantec choisit ses dirigeants au
mérite plutôt qu’en fonction de leur positionnement géographique. « C’est ensuite mon
rôle de créer un environnement où toutes les personnes [partageant une même
expertise] peuvent travailler de manière collégiale et conjointe. »

Dans la dernière année, un ingénieur mécanique basé à Chicoutimi a été dépêché à
deux reprises aux îles Fidji pour coordonner le chantier de réfection de deux des quatre
groupes de turbines Pelton de 21 MW de la centrale hydroélectrique Wailoa.
« Géographiquement, ce n’était pas le spécialiste le plus proche, mais la compétence
précise qu’il avait au niveau des turbines et des alternateurs a fait une grande
différence. » Ce même ingénieur a travaillé sur plusieurs centrales en Angleterre. « Nos
experts font partie d’une même famille opérationnelle, explique le VP québécois. Il y a
énormément de proximité entre les membres d’un même comité d’experts et les
membres d’une même ligne de produits. »

S’impliquer dans la chaîne de valeur

La firme montréalaise AtkinsRéalis a une longue feuille de route pour mener des projets
complexes d’envergure internationale. Sébastien Mousseau, vice-président principal et
chef du marché mondial pour la Division de l’énergie et des énergies renouvelables
d’AtkinsRéalis, cite deux projets en cours visant la construction de ligne transfrontalière
en courant continu à haute tension (CCHT) : en 2022, AtkinsRéalis a été choisie pour
superviser l’ingénierie de la portion américaine de ligne d’interconnexion entre Hertel, au
Québec, et la ville de New York, tout en étant impliquée dans le projet d’interconnexion
entre l’Arabie saoudite et l’Égypte.

« C’est un projet complètement fou », annonce le chef du marché mondial. La ligne à
bâtir entre Médine et Le Caire doit parcourir 1300 kilomètres en passant sous la mer et
en montagne. Ce projet demande une expertise très pointue, insiste le chef du marché
mondial. Une des raisons de notre succès, c’est qu’on a de bonnes relations avec les
fournisseurs d’équipements. »

Pour ce genre de ligne CCHT, il existe de trois à quatre grands fournisseurs
d’équipements à l’échelle mondiale. Pour bien maîtriser la technologie de ces
fournisseurs, Sébastien Mousseau nous explique que des représentants d’AtkinsRéalis
assistent chaque année à des conférences et participent à des comités techniques
internationaux pour bien connaître les standards. « Pour avoir du succès dans ce genre
de projet, résume-t-il, il faut s’impliquer dans toute la chaîne de valeur de la
technologie. »