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Rayonner dans le sillage des grandes firmes

Philippe Jean Poirier|Édition de la mi‑juin 2024

Rayonner dans le sillage des grandes firmes

(Photo: 123RF)

Ingénieurs: rayonner à l’étranger. Le monde du génie québécois est depuis longtemps passé maître dans l’art d’exporter son savoir-faire. Le modus operandi : se frotter à un premier projet « local » pour ensuite trouver des clients internationaux qui ont le même besoin ou défi.

Dans les années 2000, la firme ontarienne Hatch a aidé Alcoa à développer ses
alumineries au Québec, et c’est pour cette raison que son centre d’expertise mondiale
en aluminium est localisé au bureau de Montréal. Depuis, cette expertise lui a permis
d’ouvrir un bureau au Moyen-Orient. « Nous plaçons régulièrement des CV de
ressources montréalaises pour soutenir des clients internationaux dans les métaux
légers, explique l’ingénieur Danny Bouchard, directeur commercial régional de l’est du
Canada pour Hatch. Ces personnes se déplacent dans notre bureau du Moyen-Orient
pour effectuer différents mandats dans des alumineries. »

Plus récemment, la firme fondée par Gerald Hatch (un diplômé de l’Université McGill)
s’est positionnée dans la filière batterie en participant à la construction de l’usine de
conversion de Nemaska Lithium à Bécancour. « L’expertise que nous développons
actuellement dans la filière batterie, nous pensons que nous pourrons l’exporter de la
même façon dans cinq à dix ans, fait valoir Danny Bouchard. Cette expertise sera en
demande ailleurs au Canada, très certainement. Mais aussi aux États-Unis, en
Amérique du Sud, voire en Europe. »

Il s’agit d’une approche de l’intérieur vers l’extérieur (« inside out »), mais à l’échelle
nationale. Avec ses quelque 500 bureaux basés à l’étranger, Tetra Tech maîtrise elle
aussi l’art de faire rayonner le savoir-faire québécois par l’entremise de son réseau
interne. Depuis une vingtaine d’années, la firme basée à Pasadena, aux États-Unis, a
sollicité des ingénieurs du Québec dans une variété de mandats internationaux,
impliquant la transformation du cuivre et de l’aluminium, le développement de réseau
électrique, la construction et la maintenance de barrage hydroélectrique. « [Au Québec],
notre travail est de répondre à des expertises pointues à l’intérieur du réseau Tetra Tech », explique Marie Paule Barreto, vice-présidente aux bioénergies, carburants et
technologies propres de Tetra Tech.

D’ailleurs, le passage entre un mandat « local » et un mandat « international » de même
nature peut aller très vite. Il y a huit mois, Tetra Tech annonçait avoir été retenue par
Recyclage Carbonne Varennes pour faire l’ingénierie détaillée d’un projet d’électrolyseur
dans le cadre d’une installation d’hydrogène vert. Depuis, la firme a reçu un mandat
impliquant la même technologie aux États-Unis et elle a été retenue par un équipement
pour faire la revue d’une technologie liée à l’hydrogène vert en Australie.

Vers une compréhension commune du projet

Bien sûr, ces mandats outre-frontière ne viennent pas sans défis. « Les termes
d’ingénierie et la compréhension de ce qui est à faire diffèrent parfois d’un pays à
l’autre », explique Marie Paule Barreto. Dans une ingénierie détaillée, illustre-t-elle, le
niveau d’avancement des travaux et les livrables demandés ne sont pas toujours les
mêmes.

Danny Bouchard fait remarquer que les modes de réalisation des projets internationaux
peuvent aussi être très différents de ceux qui sont faits au Québec. « Un de nos
premiers défis, c’est de comprendre comment nos clients voient les stratégies
d’exécution de leur projet. » Au Moyen-Orient, explique-t-il, certains entrepreneurs ont
les reins suffisamment solides pour construire à eux seuls une usine complète dans le
cadre d’un contrat clé en main. Le nombre de parties prenantes peut ainsi varier d’un
projet à l’autre ; certains projets sont financés par des banques, alors que d’autres le
sont par le client lui-même. « Pour avoir une influence sur les stratégies de réalisation,
nous devons nous positionner très tôt dans le projet, en participant aux études de
faisabilité et de préfaisabilité », ajoute le directeur commercial.

Effet mobilisateur

Pourquoi exporter des services en ingénierie, alors que les projets abondent au
Québec ? À cela, Marie Paule Barreto répond que les projets internationaux sont très
enrichissants et mobilisateurs pour les employés. La VP aux bioénergies a elle-même

passé dix jours au Bhoutan, l’année dernière, pour soutenir le gouvernement local dans
le développement de sa stratégie d’hydrogène vert. Une autre équipe québécoise y a
récemment séjourné pour aider ce pays à développer les meilleures pratiques dans
l’entretien et la maintenance de ses barrages hydroélectriques.

« C’est très intéressant de découvrir une autre culture au travail, dit Marie Paule Barreto.
Au Bhoutan, les équipes ont une manière différente d’exécuter les projets ; une grande
emphase est mise sur l’écoute et la compréhension des besoins de l’autre. » Elle revient
très inspirée d’une telle expérience. « Je pense qu’on devient un meilleur ingénieur en
s’exposant à d’autres cultures. »