Basée sur la collaboration entre start-up et grands groupes, l’innovation en écosystème comporte de nombreux avantages. (Photo: 123rf)
INNOVATION. Le Québec s’est toujours démarqué par sa forte culture collaborative. Paradoxalement, la province n’est pas particulièrement à la fine pointe en ce qui concerne les relations entre les grands groupes et les start-up. Quelles sont les conditions favorables à l’implantation de partenariats gagnant-gagnant entre ces deux types d’entreprises ?
Et si l’innovation passait par la collaboration entre les start-up et les grands groupes ? «Aujourd’hui, c’est évident que l’innovation doit être ouverte. On ne peut plus travailler en vase clos, car tout va plus vite et l’expertise n’est plus forcément dans nos murs», clame André Bélanger, fondateur et président d’Hyperliens, une «agence de rencontre» entre grandes entreprises et start-up. Avant d’émettre un bémol : «Mais ça bouge très lentement au Québec à ce sujet.»
Un avis partagé par de nombreux experts. «Ce sont deux mondes qui ne se parlent pas encore beaucoup, alors qu’il y a manifestement un intérêt mutuel à collaborer», constate Aurélie Wen, directrice, Amérique du Nord, d’Agorize, une plateforme qui organise des marathons de programmation (hackathons) et d’autres défis pour de grandes entreprises. «On est très en retard sur ce mode d’action ici, même si on voit de plus en plus d’individus au sein des grandes organisations qui croient en ses bénéfices», poursuit Louis-Félix Binette, directeur général du Mouvement des accélérateurs d’innovation du Québec.
Développement et risques
Basée sur la collaboration entre start-up et grands groupes, l’innovation en écosystème comporte de nombreux avantages. «En général, c’est plus souvent gagnant-gagnant que l’inverse», observe Jean-François Ouellet, professeur agrégé au département d’entrepreneuriat et innovation à HEC Montréal. «Pour la start-up, un grand groupe est un lieu d’expérimentation qui permet de valider sa technologie et d’accélérer son développement», ajoute M. Bélanger.
Du côté de la grande entreprise, c’est une façon agile d’externaliser son innovation en limitant ses risques. «Il y a toujours une aversion au risque chez les grandes organisations. Quand on a un produit qui fonctionne et qui génère des revenus, c’est difficile de vouloir tout réinventer. D’où le recours à des start-up pour vérifier l’adéquation entre une nouvelle solution et un problème perçu par le marché», explique M. Ouellet. Ce dernier cite l’exemple de Google, qui investit souvent en capital d’amorçage dans des projets… avant de racheter les start-up qui ont de la traction, comme ce fut le cas pour Nest ou Google Earth, entre autres.
Un changement des mentalités
«L’innovation ouverte n’est pas une chose que les grands groupes vont faire de gaieté de coeur. Personne n’aime changer. Surtout que dans tout processus d’innovation, on est obligé de détruire une partie du passé qu’on a mis des années à construire, indique Mme Wen. Mais si tu ne le fais pas, des joueurs plus rapides vont venir te manger des parts de marché.» Chez Agorize, 20 % du chiffre d’affaires provient des banques et des assurances, deux secteurs où de nombreux joueurs émergent progressivement.
La directrice parle toutefois d’un changement des mentalités depuis le début des années 2010, illustré par le cas Microsoft. Sous l’ère du président, puis PDG Steve Ballmer, l’entreprise américaine a fonctionné en circuit fermé et a rendu ses produits inaccessibles sur les autres plateformes… mais a raté le virage des téléphones intelligents, des médias sociaux et des moteurs de recherche.
En 2014, son nouveau président, Satya Nadella, a opté pour une stratégie d’innovation en écosystème et est allé jusqu’à racheter la plateforme de développement en accès libre GitHub. «Microsoft a ouvert les yeux de beaucoup d’entreprises qui rencontraient les mêmes difficultés, affirme Mme Wen. Surtout avec la pression des GAFA qui, eux, innovent de façon très ouverte.»