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Deux entreprises, deux chemins d’innovation

François Normand|Édition de la mi‑Décembre 2022

Deux entreprises, deux chemins d’innovation

Pour rester compétitives, les entreprises doivent adopter une démarche adaptée à leurs besoins. (Illustration: Camille Charbonneau)

INNOVATION. Toutes les entreprises, ou presque, doivent innover pour demeurer compétitives et générer de la croissance. En revanche, les stratégies diffèrent grandement d’une organisation à l’autre. L’important, pour l’entrepreneur, est d’opter pour une démarche adaptée à ses besoins.

Parmi les entreprises qui ont misé sur leurs propres moyens pour innover, on trouve COTE 100, une firme de gestion de portefeuille « hautement personnalisée » située à Saint-Bruno-de-Montarville, sur la Rive-Sud de Montréal.

La société financière innove constamment afin d’offrir un meilleur service à sa clientèle, et ce, à même ses fonds propres, sans l’aide des gouvernements. « On investit de 100 000 $ à 200 000 $ par année dans nos systèmes informatiques afin d’améliorer leur performance », souligne Pascal Bossé, vice-président au développement des affaires à COTE 100.

Responsable de l’innovation, il souligne que ces améliorations aident les gestionnaires de portefeuille à mieux gérer les placements des clients, notamment en raison de meilleures bases de données et, en fin de compte, à leur procurer de meilleurs rendements.

À ses yeux, ces investissements annuels en innovation ont permis à COTE 100 d’afficher une croissance moyenne de 30 % par année de ses actifs sous gestion depuis dix ans, pour les faire passer de 210 millions à 2,4 milliards de dollars. Uniquement par de la croissance interne, sans faire d’acquisition.

Certes, si elle l’avait souhaitée, COTE 100 aurait sans doute pu bénéficier de programmes gouvernementaux pour l’aider à innover. La PME a toutefois préféré faire cavalier seul afin de contrôler entièrement son processus d’innovation. En effet, faire appel à des programmes d’appui gouvernementaux à l’innovation peut représenter une certaine lourdeur administrative, sans parler de la nécessité de se conformer à un cadre réglementaire.

Bien entendu, l’entreprise fait appel à des firmes extérieures pour l’aider à améliorer ou à changer ses systèmes. En revanche, elle s’implique toujours dans la conception des infrastructures informatiques afin qu’elles soient personnalisées et adaptées aux besoins des clients de COTE 100.

Cela a été surtout le cas dans la conception de son nouveau CRM (Customer Relationship Management), un logiciel qui permet à COTE 100 de gérer et d’améliorer ses relations et les interactions avec l’ensemble de ses clients et de ses clients potentiels. « Ça nous rend plus efficaces. De plus, la mise à jour des informations se fait de façon instantanée », souligne Pascal Bossé.

 

Sans aide, « je ne sais pas comment j’aurais pu faire »

Du côté des entreprises qui ont privilégié une démarche encadrée par des programmes gouvernementaux pour innover, on trouve la Ferme de l’Odyssée, à Saint-Monique, dans la MRC de Nicolet-Yamaska, près de Trois-Rivières.

L’entrepreneur et propriétaire Sébastien Angers innove aussi constamment. En revanche, sa ferme, qui pratique l’agriculture régénératrice, s’est appuyée sur des programmes publics d’accompagnement et d’aides financières à l’innovation. « Je ne sais pas comment j’aurais pu faire sans cet appui », confie l’agronome de formation.

Il faut dire que son modèle d’agriculture, qui s’inspire du fonctionnement et des cycles de la nature, peut refroidir l’ardeur de bien des banquiers. Il a même renoncé à sa certification biologique — incompatible avec son modèle d’affaires, selon lui.

À vrai dire, Sébastien Angers — qui élève aussi des porcs — ne fait pas que cultiver des citrouilles ; il cultive aussi le sol ou la terre, et ce, pour accroître son rendement agricole afin de produire de belles citrouilles de façon naturelle.

« Je donne à la terre, pour ensuite prendre à la terre », insiste le patron de l’entreprise, dont les revenus sont d’environ 300 000 $ par année. Donner à la terre signifie par exemple de la nourrir en azote. Comment ? À l’aide de vers de terre minutieusement « cultivés » dans ses champs afin qu’ils enrichissent le sol d’azote, un élément à la base de la matière vivante.

Les banquiers — habitués à du financement agricole traditionnel — méconnaissent cette approche misant sur le temps long et la nature (sans engrais industriel), de sorte qu’ils sont réticents à financer les projets d’innovation de Sébastien Angers.

C’est pourquoi l’entrepreneur s’est tourné vers des programmes d’innovation.

 

Clarifier son processus d’innovation

Prenons l’exemple de sa culture de citrouilles : la variété Styrian, pas la citrouille commune à l’Halloween. Il en commercialise les graines rôties sous la marque Löka, vendues par Prana, une PME spécialisée dans les aliments biologiques.

Pour cultiver ses citrouilles Styrian, la Ferme de l’Odyssée a notamment bénéficié du programme Aide d’urgence aux petites et moyennes entreprises (PAUPME), du gouvernement du Québec. « J’ai obtenu un prêt de 150 000 $ qui m’a permis d’acquérir des équipements », explique Sébastien Angers.

L’entrepreneur a également bénéficié de l’appui d’une conseillère en innovation, Geneviève Therrien, à l’Association régionale de développement économique du Centre-du-Québec (ARDECQ). « Leur programme m’a aidé à clarifier mon processus d’innovation, notamment à l’aide du business model portfolio », dit-il.

L’approche du business model portfolio consiste grosso modo à visualiser les activités d’une entreprise en deux grandes parties, soit la partie exploration (l’innovation) et la partie exploitation (la production et la commercialisation). Non seulement ces deux parties interagissent entre elles, mais elles doivent aussi constamment s’améliorer afin d’assurer le dynamisme, l’efficacité, la rentabilité et la pérennité d’une entreprise.