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Trop d’entreprises n’ont pas de projets d’innovation

La Presse Canadienne|Publié le 25 janvier 2023

Trop d’entreprises n’ont pas de projets d’innovation

Parmi les entreprises qui n’ont pas de projet d'innovation, 35% affirment qu’elles «n’en ont pas besoin». Cette proportion est particulièrement élevée dans la région de la Capitale-Nationale (62%) et pour les entreprises dans le secteur de la construction, de la fabrication, du transport et de l’entreposage (52%). (Photo: 123RF)

Trop d’entrepreneurs québécois considèrent qu’ils n’ont pas besoin d’innover, car leur recette «fonctionne bien». Or, les entreprises qui optent pour le statu quo risquent d’être un jour dépassées par leurs concurrents, prévient l’innovateur en chef du Québec, Luc Sirois.

«Une entreprise qui n’innove pas meurt», insiste en entrevue M. Sirois, qui a le mandat de susciter l’envie d’innover chez les Québécois. «C’est la réalité. Ça peut prendre du temps, ça peut s’étirer. L’histoire le démontre. Les entreprises performantes d’aujourd’hui, ce ne sont plus les entreprises performantes d’hier.»

Le constat que les entreprises québécoises accusent un retard en innovation n’est pas nouveau. En 2021, elles ont investi en moyenne 5,6% de leurs revenus en recherche et développement ou dans un projet lié à l’innovation. Cette proportion est de 6,6% en Ontario et de 9,2% en Colombie-Britannique. C’est pour changer cette tendance que le ministère de l’Économie et de l’Innovation a créé le Conseil de l’innovation du Québec en décembre 2020.

M. Sirois a toutefois été surpris par le nombre de dirigeants d’entreprises qui ne voient pas la pertinence d’investir en innovation. «Qu’est-ce que vous voulez dire quand vous dites que vous n’en avez pas besoin?» lance l’innovateur en chef interloqué.

Seulement la moitié des entreprises (51%) avaient un projet d’innovation dans leurs cartons durant la période de février 2021 à février 2022, selon un rapport du Conseil de l’innovation du Québec réalisé à partir d’un sondage de la firme de sondage Léger.

Parmi les entreprises qui n’en ont pas, 35% affirment qu’elles «n’en ont pas besoin». Cette proportion est particulièrement élevée dans la région de la Capitale-Nationale (62%) et pour les entreprises dans le secteur de la construction, de la fabrication, du transport et de l’entreposage (52%).

Quand ils rencontrent les récalcitrants, M. Sirois ne voit pas des personnes désabusées, nuance-t-il, mais bien des gestionnaires qui en ont déjà beaucoup dans leur assiette.

«Il y a plein de raison: “mon carnet de commandes est plein, ma chaîne d’approvisionnement est brisée, il faut que j’éteigne des feux, ça coûte bien trop cher, ça va bien: pourquoi prendre un risque”», énumère-t-il.

Pourtant, les résultats de l’enquête du Conseil de l’innovation du Québec démontrent que les projets d’innovation des entreprises québécoises ont des retombées, souligne l’innovateur en chef.

En moyenne, les entreprises québécoises prévoyaient que leurs revenus augmenteraient de 5,6% en 2022. Ce chiffre s’élève à 7,8% pour les entreprises qui ont développé un projet d’innovation. Les entreprises qui innovent génèrent une plus grande part de leurs revenus par l’exportation, 14,4% contre 10,2% pour celles qui n’innovent pas.

Des conseillers en innovation

Avec cet état des lieux, le Conseil de l’innovation du Québec veut identifier les meilleures pistes pour encourager l’innovation à travers le Québec, explique M. Sirois. La prochaine étape sera de traiter les données par région afin d’établir des solutions appropriées en collaboration avec les acteurs régionaux comme les municipalités et les Espaces régionaux d’accélération et de croissance (ERAC).

Lors d’une précédente entrevue en mai, M. Sirois avait également discuté du besoin d’aguiller les entrepreneurs vers les bonnes ressources pour les soutenir dans leurs projets d’innovation.

Le rapport du Conseil de l’innovation du Québec démontre d’ailleurs que les dirigeants d’entreprises sont peu familiers avec les principaux organismes de développement économique fédéraux et provinciaux. Les plus connus sont Investissement Québec (45%) et la Banque du développement du Canada (45%).

M. Sirois voit le verre à moitié plein quand on lui soumet que plus de la moitié des répondants ne connaissent pas ces deux organismes. Il explique que leurs services ne conviennent pas nécessairement à toutes les entreprises et que le taux de notoriété dans leur clientèle cible est probablement beaucoup plus élevé.

Pour mieux aiguiller les entrepreneurs vers les bonnes ressources, le Conseil de l’innovation du Québec a commencé à offrir des formations à des intervenants du milieu du développement économique.

Une cinquantaine de professionnels dans les organismes gouvernementaux et régionaux ont déjà terminé leur formation. Une centaine d’autres sont en formation ou sont inscrits pour joindre une nouvelle cohorte. M. Sirois espère que 200 personnes auront complété la formation et obtenu une attestation leur permettant de se présenter comme un conseiller de l’innovation.

La formation permet aux intervenants, notamment, de poser les bonnes questions aux dirigeants d’entreprises pour identifier leurs besoins. Ils auront également accès à une base de recherche qui pourra identifier les programmes les mieux adaptés, à l’aide d’un algorithme. «Il y en a tellement. On parle de 650 organismes, 350 programmes de financement. C’est impossible pour un humain de tous les connaître.»

L’innovateur en chef a été agréablement surpris de l’appétit du milieu pour la formation lancée en décembre. «Ça s’est passé tellement vite: 120 personnes se sont inscrites à la formation en seulement deux-trois jours. Je me suis dit: “wow!” J’étais estomaqué.»