L’entreprise qui se lance dans un projet d’intelligence d’affaires doit aussi s’assurer d’y engager ses employés. (Photo: 123RF)
INTELLIGENCE D’AFFAIRES. Bien employée, l’intelligence d’affaires peut devenir un outil stratégique d’une puissance redoutable. Mais pour offrir tout son potentiel, elle doit être bien arrimée au modèle d’affaires et à la stratégie de l’entreprise.
L’intelligence d’affaires est un atout incontournable pour la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ), dans la gestion de son actif net de 424 milliards de dollars. La Caisse recueille une pléthore de données structurées (chiffres) et non structurées (généralement du texte) provenant de sources internes et externes. Elle doit ensuite mettre ces informations à profit pour prendre de bonnes décisions d’investissement.
« L’intelligence d’affaires est utilisée pour analyser nos portefeuilles, mais aussi en préinvestissement, pour découvrir de nouvelles opportunités et développer des approches créatives », explique Jean-François Bérubé, vice-président aux stratégies quantitatives et aux sciences de données.
L’analyse des actifs déjà sous gestion reste relativement simple. Elle se base sur des données de marché largement disponibles et standardisées, comme les rendements, les niveaux de risque et l’exposition à certaines régions ou à différents secteurs économiques. Les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) font exception à cette règle, mais des efforts internationaux sont en cours pour faciliter l’obtention de données standardisées dans ce secteur.
« L’analyse de préinvestissement est beaucoup plus complexe, car elle repose sur un très grand éventail de données chiffrées et non chiffrées, comme les appels trimestriels des entreprises aux actionnaires, explique Jean-François Bérubé. Cela exige un énorme travail de standardisation des informations de notre côté, qui doit se faire rapidement, parce que les marchés bougent très vite. »
Un nouvel allié décuple la productivité
L’intelligence artificielle générative devient un outil intéressant dans ce contexte. Prenons le cas des appels trimestriels aux actionnaires. Les équipes de la CPDQ produisent environ 300 notes d’analyse par trimestre à la suite de ces événements. L’utilisation de l’IA pourrait permettre de doubler ou même de tripler cette quantité.
L’IA peut rapidement produire des transcriptions et des résumés. On peut lui poser des questions pour savoir ce que les dirigeants ont dit sur tel ou tel sujet ou pour analyser le ton général (positif ou négatif) des propos. « Ça ne remplace pas nos analystes, car l’IA n’a pour seule perspective que les documents qu’on lui offre, mais cela augmente considérablement notre productivité », soutient le vice-président.
L’intelligence d’affaires sert d’abord et avant tout à améliorer les processus décisionnels de la CPDQ. Mais, en particulier avec l’arrivée de nouveaux outils basés sur l’IA, elle aide aussi à étendre ses activités à un nombre encore plus grand de types d’investissements et de marchés. « Pouvoir traiter de grands volumes de données nous aide énormément à gérer l’ampleur de nos activités », affirme Jean-François Bérubé.
Une vision claire
La stratégie d’intelligence d’affaires de la CDPQ est étroitement liée à son modèle d’affaires, ce qui est une très bonne chose. « Le point de départ d’un projet d’intelligence d’affaires doit toujours être les besoins propres à l’entreprise, qui peuvent différer beaucoup selon sa taille, son secteur d’activité, son modèle d’affaires, etc. », avance Marie-Andrée Giroux, PDG de Cofinia conseil.
Seule une vision claire de ces besoins permettra de choisir les bonnes données, celles qui ont une réelle valeur pour l’entreprise. Pourtant, c’est souvent une étape négligée. « Les gens se dotent de divers outils pour récolter et traiter des données, mais omettent de se demander quels sont les processus d’affaires que les données doivent soutenir et où elles peuvent créer de la valeur », déplore Marie-Andrée Giroux.
Les données resteront aussi largement inutilisables si elles ne sont pas structurées convenablement. Les indicateurs de performance qui reposent sur ces données donneront alors des résultats erronés. Heureusement, de nombreux outils existent sur le marché, comme Power BI ou Zoho, qui permettent de réussir cet exercice.
Un projet collectif
L’entreprise qui se lance dans un projet d’intelligence d’affaires doit aussi s’assurer d’y engager ses employés. « Si les travailleurs ne comprennent pas bien l’usage que l’on fera des données et pourquoi c’est important, cela augmente le risque qu’ils négligent d’entrer certaines données ou qu’ils commettent des erreurs, explique Léa Maude Ménard, directrice de l’intelligence d’affaires à Cofinia. Or, la qualité des données représente un aspect crucial de l’intelligence d’affaires. »
Elle confie voir régulièrement des entreprises dans lesquelles les dirigeants sont très alignés sur les objectifs d’intelligence d’affaires, mais dont les stratégies de communication interne sont déficientes. Le message ne passe pas bien dans le reste de l’entreprise. Or, l’intelligence d’affaires implique souvent des changements dans l’organisation qui peuvent rencontrer de la résistance s’ils sont mal compris. « On ne doit pas oublier l’importance du facteur humain dans l’intelligence d’affaires », conclut Léa Maude Ménard.