Elisabeth Viau, étudiante à Polytechnique Montréal (Photo: courtoisie)
INTELLIGENCE D’AFFAIRES. Les données peuvent aider à favoriser l’inclusion des employés dans une organisation ou encore à soutenir des initiatives environnementales. Des usages prometteurs, mais qui restent relativement peu courants au Québec.
Avant d’être étudiante à Polytechnique Montréal, Elisabeth Viau a grandi sur une ferme. Elle se trouvait aux premières loges pour constater à la fois l’effet énorme des changements climatiques sur l’agriculture, mais aussi les défis liés à l’environnement en raison de l’utilisation intensive de pesticides, d’engrais et d’eau, de l’effet sur la déforestation, etc.
Rien d’étonnant alors à ce que son doctorat en génie industriel porte sur l’agriculture durable. « J’ai toujours voulu mettre les données au service de l’environnement, donc j’ai orienté mon projet de doctorat sur la valorisation des données en agriculture dans les serres et les fermes verticales, qui sont des environnements contrôlés », raconte-t-elle.
Elle voit beaucoup de potentiel dans l’intégration du numérique dans ces formes d’agriculture, tout en admettant que les agriculteurs ont besoin d’accompagnement pour réaliser cette petite révolution.
Avancer par étape
Comme toute démarche d’entreprise, ce virage numérique nécessite une démarche structurée. Elisabeth Viau souligne que la première étape, incontournable, consiste à former et à sensibiliser les dirigeants afin qu’ils en viennent à réellement accorder la priorité à l’environnement dans leurs prises de décision d’affaires.
« Ensuite, ils doivent analyser leurs propres impacts environnementaux et comprendre de quelles manières ils contribuent aux crises environnementales, poursuit la doctorante. C’est nécessaire pour définir leurs objectifs environnementaux et sélectionner les données qu’ils utiliseront. »
Les émissions de gaz à effet de serre (GES) représentent l’une des données dont on parle le plus, parce qu’elles concernent tout le monde et qu’elles sont directement liées aux changements climatiques. « Calculer l’empreinte carbone de toute la chaîne de valeur de notre entreprise est un bon point de départ, avance Elisabeth Viau. On a parfois des surprises en réalisant qu’une de nos activités émet beaucoup plus de GES que ce que l’on croyait, en tenant compte de tous les facteurs. »
Les données peuvent d’abord nous renseigner sur notre gestion des ressources, puis nous aider à la structurer plus efficacement. Les fermes verticales, par exemple, contiennent une multitude de compteurs et de systèmes automatisés. L’irrigation intelligente, pour ne nommer qu’elle, emploie 95 % moins d’eau qu’une ferme en plein air.
Les gains générés par l’utilisation des données peuvent aider toutes les entreprises, pas seulement les fermes. Mais la doctorante note que dans plusieurs secteurs, les entreprises restent peu matures sur le plan numérique. Elles manquent en outre de connaissances en environnement et parfois de sensibilité quant à ces défis.
« La propriété des données, qui peut être partagée entre les entreprises et leurs fournisseurs de service ou d’équipement, peut aussi compliquer les choses », ajoute l’étudiante.
Comprendre ses employés
Les données peuvent aussi soutenir des efforts d’inclusion au sein d’une organisation. Émie Vézina, consultante en gestion de l’information et en analyse des données chez KPMG, rédige en ce moment un mémoire de maîtrise à l’Université de Sherbrooke sur l’impact des technologies de l’information (TI) sur les employés qui vivent avec un trouble de déficit de l’attention (TDA).
Son enquête s’inscrit dans le cadre d’un projet de recherche plus large auquel participe sa directrice de recherche, la professeure de gestion Manon Ghislaine Guillemette, qui vise à comprendre comment les technologies peuvent aider ou nuire à l’inclusion des personnes dans les entreprises.
Émie Vézina a réalisé des entrevues avec des travailleurs qui vivent avec un TDA. Elle a constaté que les TI peuvent avoir un effet disruptif sur ces travailleurs. Cependant, elles peuvent aussi les aider et même aider les employeurs à mieux les comprendre et à organiser le travail pour diminuer ces stress.
Certaines technologies peuvent en effet servir ces personnes, par exemple en les aidant à mieux gérer leur temps grâce à un calendrier numérisé ou en fournissant des notifications judicieuses. « Cela amène ces personnes à commettre moins d’oublis, à devenir plus ponctuelles et plus structurées, et surtout cela réduit leur charge mentale et leur stress », souligne la chercheuse.
Cependant, la multiplication des plateformes et la surcharge technologique peuvent au contraire nuire à ces employés en décuplant les stimuli visuels et auditifs qui empirent leurs difficultés de concentration et augmentent leur stress. Pour bien équilibrer ces méthodes, les dirigeants d’entreprises ont intérêt à générer de la donnée sur leurs travailleurs pour mieux les connaître.
« Collecter ces données peut représenter un défi, puisqu’on ne devrait jamais obliger des gens à s’exprimer sur cette question sensible et que certains employés ne disent pas ouvertement qu’ils sont neuroatypiques ou n’ont jamais eu de diagnostic, prévient Émie Vézina. Cette discussion doit se faire sur une base volontaire et toujours servir à améliorer les conditions de travail de l’ensemble des employés. »