Jean-François Ermel, directeur marketing, communications et expérience client au Grand Théâtre de Québec (Photo: courtoisie)
INTELLIGENCE D’AFFAIRES. L’industrie culturelle effectue sa révolution marketing, dans laquelle la valorisation des données occupe une grande place. Une manière d’optimiser les efforts de marketing pour des organisations qui ne regorgent pas toujours de moyens financiers.
Le Musée des Beaux-Arts de Montréal (MBAM) utilise plus particulièrement trois types de données pour alimenter ses stratégies marketing. Les deux premières sont assez classiques. Il s’agit des données sociodémographiques (âge, langue, lieu de résidence, etc.) et des données d’usage, c’est-à-dire surtout les recherches et transactions réalisées sur le site internet de l’organisation.
Ces deux catégories de données sont principalement récoltées par le biais des transactions en ligne. « Un musée a toutefois ceci de particulier que beaucoup de clients effectuent leur transaction directement sur place, plutôt qu’en ligne, souligne Mathieu Poirier, chef du service marketing du MBAM. Donc, certaines données qui nous échappent. »
Le musée utilise aussi des données psychographiques. Ces informations concernent les intérêts, les valeurs, les attitudes, les motivations ou encore les traits de personnalité des consommateurs. Elles permettent de segmenter la population en différents « profils », en fonction de leurs motivations personnelles. Elles peuvent être collectées directement par l’entremise de sondages, de groupes de discussion ou d’études de marché, ou indirectement par l’étude des comportements sur les médias sociaux ou par des recoupements avec des données recueillies par les témoins (cookies) de tierces parties.
« Ce sont des données plus difficiles à utiliser, mais ce sont celles qui m’intéressent le plus, car elles sont très riches en enseignement, explique Mathieu Poirier. Elles aident à répondre à l’un de nos questionnements les plus importants : qu’est-ce qui motive les gens à consommer nos produits culturels ? »
Les données sociographiques présentent aussi l’avantage d’éviter les généralisations abusives, basées sur certains traits sociodémographiques d’un individu. « Par exemple, on peut constater qu’une personne de 16 ans et une autre de 60 ans partagent les mêmes motivations dans leur consommation culturelle et qu’on peut donc s’adresser à elles d’une manière similaire dans nos efforts de marketing », illustre Mathieu Poirier.
Marketing relationnel
Le virage des institutions culturelles vers l’intelligence d’affaires et le marketing numérique vit certains défis. Le Grand Théâtre de Québec a beaucoup transformé sa structure de marketing à partir de 2020, en raison de la disparition annoncée des cookies tiers, de petits fichiers qui servent à collecter des informations sur les visiteurs d’un site web, comme les pages consultées, le moment et la durée de la consultation, etc. Les témoins tiers servaient à effectuer un ciblage des internautes, afin d’envoyer, par exemple, de la publicité personnalisée à quelqu’un qui a fréquenté un site internet.
« Nous avons donc fait pivoter notre stratégie marketing pour profiter d’autres potentialités de l’intelligence d’affaires, en particulier le marketing relationnel et le marketing par courriel », raconte Jean-François Ermel, directeur marketing, communications et expérience client.
Une partie du ciblage s’accomplit désormais par l’entremise d’une inscription à l’infolettre du Grand Théâtre, ou encore grâce aux informations recueillies par la billetterie électronique, comme les coordonnées des acheteurs et leurs habitudes d’achat. La billetterie est aussi un service de gestion des clients (CSM), ce qui permet de rassembler en un lieu plusieurs données sur les clients et leurs habitudes d’achat.
« Quand on jumelle cela avec une plateforme de données client (CDP) qui nous permet de rassembler les informations qui concernent un individu, on peut gérer notre relation avec lui, comme lui rappeler la date d’un spectacle pour lequel il a acheté des billets, mais aussi définir un profil basé sur des renseignements telles ses habitudes d’achat ou la fréquence d’achat pour personnaliser nos efforts de marketing. »
Depuis le virage de 2020, Jean-François Ermel constate une amélioration de certains indicateurs de performance du marketing. Il cite la rapidité avec laquelle les gens qui cherchent des informations sur le Grand Théâtre peuvent les trouver (trouvabilité) ou encore la probabilité que des individus qui ne cherchent pas directement ces informations puissent tout de même découvrir le Grand Théâtre (découvrabilité).
La nouvelle approche rehausse aussi la qualité des gens rejoints. « Quand on attire les bonnes personnes, on améliore notre taux de conversion, ce qui compte beaucoup pour nous », note-t-il.
L’argent représente l’un des plus grands défis. Les budgets marketing restent limités, et le prix des placements publicitaires dans les médias augmente. L’achat de publicité numérique à l’unité (achat de clics, de vues, de publicité sur les médias sociaux, etc.) coûte moins cher. Cependant, la création de contenus pour rejoindre la clientèle demande beaucoup de temps et d’argent.
« La dynamique a changé, note Jean-François Ermel. Le marketing numérique se fait en continu et on est constamment dans un processus d’analyse et de déploiement d’actions. »