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Mettre fin à l’immunité du «Quoi? Je n’ai rien dit!»

Le courrier des lecteurs|Publié le 27 février 2024

Mettre fin à l’immunité du «Quoi? Je n’ai rien dit!»

«Pour véritablement valoriser l'inclusion et la diversité, les entreprises doivent intégrer la notion d'intimidation silencieuse. Sans cela, ce phénomène persistera et il sera ardu de créer de véritables espaces de confiance, propices aux relations bienveillantes et authentiques.» (Photo: 123RF)

Un texte de Linda Valade, présidente de l’Institut Verum

 

COURRIER DES LECTEURS. Tant que l’intimidation silencieuse ne sera pas reconnue, les efforts d’inclusion échoueront à instaurer des environnements d’équité où la diversité est valorisée positivement. Après tout, notre sentiment d’appartenance se lit dans le regard d’autrui.

Les comportements tels que les regards condescendants, les soupirs d’impatience, et les sourires moqueurs incarnent ce que je qualifie d’intimidation silencieuse. Cette forme d’intimidation, souvent sous-estimée, présente deux caractéristiques notables.

Premièrement, elle sert souvent de prélude à d’autres formes d’intimidation, agissant comme un baromètre pour évaluer l’influence potentielle sur une personne. Si cette approche initiale échoue, il est probable qu’elle n’évoluera pas vers l’intimidation verbale ou physique.

Deuxièmement, elle se manifeste dans une zone grise, offrant à l’intimidateur un moyen de nier toute intention malveillante. Face à ce comportement répréhensible, la défense habituelle est: «Quoi? Je n’ai rien dit.» Cette réplique devient une forme d’immunité socialement acceptée.

L’intimidation est un jeu de pouvoir.

La gradation de l’intimidation, de silencieuse à verbale et physique, peut se faire rapidement ou sur une période prolongée. L’urgence est de reconnaître dès le début l’intimidation silencieuse et de la nommer. La prévention est donc nécessaire.

L’intimidation silencieuse constitue la zone critique où la personne intimidée peut être déstabilisée, mais n’est pas encore complètement dépourvue de pouvoir. Plus celle-ci perd confiance en sa capacité de se défendre, ou en le système censé la protéger, plus elle devient vulnérable et une proie facile pour l’intimidation. En définitive, la confiance perdue par la victime est gagnée par l’intimidateur.

J’ai rédigé le guide Intimidation silencieuse, j’te vois! dans le but de contribuer à la diminution et à la prévention de l’intimidation dans tous les contextes sociaux. Malheureusement, l’intimidation silencieuse est trop souvent minimisée ou ignorée, parfois même par les victimes, simplement parce qu’elle n’était pas clairement identifiée. Il est difficile de combattre ce qui n’est pas nommé.

L’intimidation silencieuse est une réalité souvent dissimulée. Bien qu’elle puisse paraître insaisissable de prime abord, son impact sur les victimes est indéniable, provoquant parfois démissions et invalidités. Être victime d’exclusion, de mépris et de moqueries silencieuses, sans être entendu ou même pouvoir nommer son expérience, est perturbant et crée un sentiment d’isolement profond.

L’absence de violence physique ou d’insultes verbales explicites rend difficile l’identification de l’intimidation. Les victimes peuvent se sentir coupables ou honteuses, se percevant comme trop sensibles ou mal interprétant les intentions d’autrui.

Les initiatives visant à établir des politiques organisationnelles pour un changement comportemental sont à saluer. Cependant, n’oublions pas que de nombreux enfants grandissent actuellement dans des milieux scolaires dominés par la loi du plus fort, confrontés quotidiennement à l’intimidation. Comment imaginer que, devenus adultes, ils embrasseront spontanément les valeurs d’égalité et d’équité que nous nous efforçons d’instaurer ?

Pour véritablement valoriser l’inclusion et la diversité, les entreprises doivent intégrer la notion d’intimidation silencieuse. Sans cela, ce phénomène persistera et il sera ardu de créer de véritables espaces de confiance, propices aux relations bienveillantes et authentiques.

Je convie les gouvernements à envisager l’inclusion de programmes de sensibilisation au langage corporel dans la lutte contre l’intimidation scolaire. Cela permettrait de prévenir l’intimidation silencieuse, précurseur d’autres formes d’intimidation, et de préparer la relève professionnelle à embrasser pleinement les principes d’équité, de diversité et d’inclusion.

 

 

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