(Illustration: Antonio Uve, Colagene)
INVESTIR POUR CHANGER LE MONDE. Les financiers vendent-ils du rêve afin de donner bonne conscience aux investisseurs, ou ce type de produits a-t-il réellement un impact?
Préoccupé par l’avenir de la planète, vous ne mangez que biologique, vous faites vos emplettes dans des épiceries zéro déchet et vous roulez uniquement en voiture électrique. «Voilà qui mérite une bonne main d’applaudissement, mais si vos REER n’appuient que des compagnies aux faibles préoccupations environnementales, vous renoncez à votre plus grand pouvoir de changement», avertit Tim Nash, expert torontois de l’investissement responsable.
Pourquoi ? Parce que les marchés financiers sont probablement encore plus puissants que nos gouvernements. «Si les marchés prennent le virage vert, toute la société suivra. Leur pouvoir est incommensurable», déclare ce coach en investissement responsable. N’a-t-on pas souvent dit que c’est Bay Street qui dicte les politiques canadiennes ? «En possédant des titres de compagnies ayant un lourd bilan carbone, vous n’en partagez pas que les profits, mais aussi leur empreinte carbone», conscientise Tim Nash.
En optant pour des portefeuilles à faible intensité carbone, on dirige les capitaux vers des entreprises qui se soucient de leur empreinte environnementale. «Plus il y a de gens qui optent pour des fonds responsables, plus nous avons les moyens d’investir dans des entreprises qui changent les choses. On envoie un message aux dirigeants leur disant que leurs compagnies doivent devenir des leaders en environnement», soutient John Bai, de Placements NEI.
Le revers de la médaille
Par contre, il ne faut pas s’attendre à ce que vos REER responsables changent le monde du jour au lendemain. «Il y a beaucoup de marketing frauduleux entourant ce type de placements. On leur donne volontairement un aspect beaucoup plus pur qu’ils n’ont réellement», admet Tim Nash.
Par exemple, le service d’investissement en ligne Wealthsimple écrit, en parlant de ses fonds responsables : «Vous détiendrez un portefeuille bien diversifié tout en contribuant à créer la planète dont vous rêvez.» Lorsqu’on s’informe davantage, on comprend qu’une partie de l’argent aboutit dans deux FNB iShare (Indice Social Jantzi et MSCI ACWI Low Carbon Target), qui contiennent comme principaux titres Microsoft, Apple, Amazon, Facebook, Toronto-Dominion, Banque Royale, Canadien National, etc. Bref, pas de quoi devenir un investisseur écologique exemplaire !
Si vous espérez changer le monde, calmez-vous ! «L’investisseur doit être tatillon. Poser des questions et faire beaucoup de recherche pour trouver les fonds qui correspondent à ses valeurs. Le problème, c’est qu’il n’existe pas encore de certification internationale qui pourrait guider les consommateurs», déplore Karel Mayrand, directeur général pour le Québec de la Fondation David Suzuki.
N’oublions pas : le but principal des placements ESG n’est pas de verdir la planète, mais de procurer un rendement aux actionnaires. «Ce qui ne veut pas dire qu’il faut jeter le bébé avec l’eau du bain. Les placements responsables sont imparfaits, mais s’améliorent rapidement. Par exemple, les portefeuilles sans énergie fossile gagnent en importance, tout comme l’investissement d’impact», conclut Karel Mayrand.