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De quoi aura l’air le rapport ESG du futur?

Jean Décary|Édition de la mi‑septembre 2021

De quoi aura l’air le rapport ESG du futur?

Le pas vers la numérisation des données est l’autre grande tendance aux yeux de Marie-Josée Privyk, directrice de l’innovation ESG à Novisto. (Photo: courtoisie)

INVESTISSEMENT RESPONSABLEPassé d’un document considéré comme une «plus-value», bien souvent produit en vase clos, certes bien vu sur le plan de la communication, mais loin d’être incontournable, le rapport ESG est devenu un document recherché et essentiel qui continue de gagner en popularité et d’évoluer au rythme de diverses tendances. 

Bouchra M’Zali, professeure au Département de stratégie, responsabilité sociale et environnementale à l’École des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), se souvient qu’il y a 25 ans, les gens en finance durable étaient marginalisés.

 

«Mais depuis une dizaine d’années, les entreprises ont pris conscience que de ne pas considérer les facteurs ESG était un risque en soi.»

Et à l’avenir ? « Ça va devenir de plus en plus intégré. On n’aura plus le choix, c’est-à-dire que les rapports ESG seront obligatoires. Par exemple, au Maroc, dès qu’une entreprise est cotée en Bourse, c’est une obligation », précise la chercheuse qui est aussi titulaire de la Chaire africaine d’innovation et développement durable à l’Université Mohammed VI Polytechnique. 

« Ce que j’observe, c’est une industrie au complet qui est en train de changer et de se restructurer », explique Mme M’Zali. Signe de l’engouement pour les questions environnementales, sociales et de gouvernance, cette dernière vient de lancer à l’UQAM un programme court en analyse ESG qui sera offert dès l’automne prochain. Au menu : reddition de comptes, finance climatique et économie circulaire. Les étudiants en apprendront aussi davantage sur la genèse de l’investissement responsable. 

« Ils verront comment, par exemple, les Quakers (surnom donné aux membres de la Société religieuse des Amis), au 17e siècle, ont refusé d’investir dans l’armement ; comment, dans les années 1960 et 1970, plusieurs investisseurs, dont les fonds de pension des universités américaines, ont vendu leurs investissements dans des entreprises impliquées dans la guerre du Vietnam ; ou comment le gouvernement américain a lutté contre l’apartheid par le désinvestissement en Afrique du Sud. Un peu comme on le fait aujourd’hui avec les hydrocarbures. » 

Bouchra M’Zali fait remarquer que beaucoup de ces changements sont survenus grâce à l’engagement actionnarial. « Plus près de nous, pensons au fonds souverain de la Norvège, dont les actifs sous gestion sont évalués à plus de 1 600 milliards de dollars canadiens, qui a décidé de vendre ses actions de certaines pétrolières canadiennes. » 

Outre la réglementation, qu’elle juge aussi imminente, Marie-Josée Privyk, directrice de l’innovation ESG à Novisto, observe trois autres grandes tendances qui se dessinent à l’horizon. L’une d’elles concerne la normalisation. « Pour que l’information soit cohérente dans le temps et comparable d’une entreprise à l’autre, il faut pouvoir trouver les mêmes données sur les mêmes enjeux. Comme la divulgation est volontaire et qu’il existe plusieurs référentiels, cela fait en sorte que les résultats sont hétérogènes. » Bouchra M’Zali abonde dans le même sens. « Nous allons avoir une normalisation mondiale qui va être sectorielle. On va pouvoir, par exemple, comparer une entreprise pétrolière qui fait de l’extraction au Canada avec une autre en Arabie Saoudite. On va avoir une comparabilité à la fois transversale et dans le temps. »

« Actuellement, l’information n’est pas vérifiable et, par conséquent, moins fiable », admet Marie-Josée Privyk, même si les entreprises font du mieux qu’elles peuvent. « Ça ne veut pas dire que l’information est erronée ou qu’elle porte à une mauvaise interprétation. Mais la tendance vers une vérifiabilité signifie qu’il y a une volonté d’apporter au domaine de la reddition de comptes ESG la même rigueur et la même fiabilité que du côté de la reddition de comptes financière. 

Le pas vers la numérisation des données est l’autre grande tendance aux yeux de Marie-Josée Privyk. « Pour qu’elle soit plus facilement accessible et traitable, non seulement par des humains, mais par des machines. » Bouchra M’Zali est aussi d’avis que l’intelligence artificielle pourrait, à terme, être utilisée afin de pouvoir glaner toutes les données en temps réel. « Cela viendrait bonifier l’information du rapport en développement durable et permettre des ajustements en continu de la part des investisseurs et des entreprises. » 

Des entreprises se penchent déjà sur plusieurs des questions concernant la reddition de comptes ESG, selon Marie-Josée Privyk. De l’autre côté de l’Atlantique, l’Union européenne a jeté les bases d’un cadre réglementaire pour la divulgation ESG. « Ils ont déjà commencé à travailler sur des normes de reddition de comptes en développement durable qui concernent la quasi-totalité des entreprises européennes. »