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Le risque crypto pèse plus sur la Bourse qu’on ne le croit

François Remy|Publié le 18 octobre 2021

Le risque crypto pèse plus sur la Bourse qu’on ne le croit

Les cryptomonnaies se montreraient contagieuses, s’infiltrant dans les placements et les trésoreries, faisant ainsi courir de sérieux risques à des milliers de milliards de dollars investis en Bourse. (Photo: 123RF)

LES CLÉS DE LA CRYPTO est une rubrique qui décode patiemment l’univers de la cryptomonnaie et ses secousses boursières, industrielles et médiatiques. François Remy se donne pour mission d’identifier les entrepreneurs prometteurs, de décoder les progrès techniques et d’anticiper les impacts industriel et sociétal de cette monnaie numérique.


(Illustration: Camille Charbonneau)

Les risques associés aux actifs numériques et autres fintechs cryptographiques s’infiltrent plus largement dans les portefeuilles d’investissement qu’on ne le pense. Et la nature de ces risques se montre plus complexe que le simple enjeu environnemental ou social.

Cela ressemblerait presque à un virus informatique qui se propage de serveur en serveur. Selon les dernières recherches de MSCI, entreprise de services financiers publiant notamment les indices boursiers du même nom, les cryptomonnaies se montreraient contagieuses, s’infiltrant dans les placements et les trésoreries, faisant ainsi courir de sérieux risques à des milliers de milliards de dollars investis en Bourse.

«De nouvelles entreprises construites autour de la classe d’actifs (des cryptos) sont ajoutées aux indices et des sociétés plus anciennes et établies investissent dans la cryptomonnaie», rappellent les analystes de MSCI qui ne cachent pas une certaine inimitié sur le sujet. Au moins 52 entreprises cotées pourraient d’ailleurs connaître une exposition «rampante» à ces risquées solutions digitales.

On retrouve naturellement des acteurs jouant un rôle important dans les activités de trading crypto, comme la plateforme américaine d’échange d’actifs numériques Coinbase. Mais cette année a marqué un tournant avec des entreprises assumant des portions non négligeables de bitcoins dans leur bilan. Pensons au fournisseur américain de services d’information de marché Microstrategy ou au célèbre constructeur de voitures électriques Tesla.

Pour la petite histoire, l’entreprise automobile d’Elon Musk réalise au moment d’écrire ces lignes plus d’un milliard de dollars de bénéfices (+78%) sur son investissement de 1,5 milliard $US en bitcoins au mois de février, comme l’indique le site Bitcointreasuries.net.

Parmi les autres noms figurent le fabricant de puces électroniques Nvidia et la banque d’investissement JP Morgan, qui ont approuvé plus tôt en 2021, des comptes bancaires pour Coinbase et Gemini, une autre cryptobourse fondée par les jumeaux Winklevoss (Facebook).

 

Progrès techno vs outils spéculatifs

De l’avis de l’équipe de MSCI Research, les facultés technologiques n’expliqueraient pas la montée en puissance des chaînes de blocs (blockchains), des cryptomonnaies et autres jetons numériques, mais plutôt les «rendements époustouflants» de ces «investissements spéculatifs».

Des boursicoteurs aux investisseurs institutionnels, les adeptes de la Bourse seraient de plus en plus exposés à de nouveaux défis en termes de comptabilités, de sécurité, mais aussi d’enjeux ESG (questions environnementales, sociales et de gouvernance).

Si certains enjeux peuvent paraître simplistes à première vue, ils s’avèrent en fait «vraiment délicats», à en croire le vice-président de MSCI Research intervenant de vive voix dans un balado de la firme.

«Des questions telles que: qui dans l’entreprise connaît le mot de passe pour accéder à votre portefeuille anonyme et privé, qui conserve un milliard de dollars en bitcoins? Et comment surveillez-vous cela», interroge-t-il rhétoriquement.

 

Des critères ESG difficiles à décoder

MSCI insiste au passage sur les principaux risques environnementaux liés à l’exposition aux cryptomonnaies: les émissions de gaz à effet de serre provenant de l’énorme consommation d’énergie ainsi que les montagnes de déchets électroniques.

«Les monnaies numériques ont des impacts environnementaux différents, le bitcoin (et d’autres cryptomonnaies basées sur la preuve de travail) affichant une plus grande empreinte. L’identification de l’emplacement de la ferme de minage et des sources d’énergie utilisées est essentielle pour évaluer le profil d’émission», détaillent les chercheurs.

Pour les vertus sociales des cryptomonnaies, MSCI remet en doute «la nature et la portée de l’impact», tout en citant les éventuels litiges sur les transactions.

Sur le plan de la gouvernance, les entreprises doivent adapter les politiques et pratiques de gestion des risques existantes aux menaces spécifiques découlant des cryptomonnaies. Les analystes de MSCI pointent à ce titre un manque d’expertise en crypto parmi les comités de direction, les conseils d’administration et autres sphères décisionnelles. Sur environ 6500 CV des dirigeants passés au crible par les analystes, seules 79 personnes mentionnaient des références aux cryptomonnaies ou à la chaîne de bloc.

 

À (re)lire: notre dossier sur les rapports ESG et l’investissement responsable