L'investissement responsable a fait d’énormes gains au cours de la dernière décennie. Par contre, on voit une tentative de renversement contre le mouvement. (Photo: 123RF)
EXPERT INVITÉ. L’investissement responsable a fait d’énormes gains au cours de la dernière décennie. Par contre, on voit une tentative de renversement contre le mouvement: la page titre de « The Economist » du 21 juillet : « ESG, Three letters that won’t save the planet » en est un bon exemple.
En août, le Texas et la Floride ont décidé de bannir les fonds « ESG » de leurs régimes gouvernementaux. Plusieurs commentateurs financiers sur Twitter associent « ESG » avec un manque de pragmatisme. Il y a une bonne part de vérité, car plusieurs gestionnaires s’enveloppent de vertus sans être vraiment engagés. En réduisant le débat strictement aux émissions de gaz à effet de serre: « mon portefeuille a moins d’émissions que l’indice », on contribue à une polarisation inutile dans une société déjà trop polarisée.
Pourtant, l’investissement responsable ne peut être représenté uniquement par l’éviction d’investissement en hydrocarbures. Bien sûr, ça peut en faire partie lorsqu’on tient compte des externalités comme les effets négatifs d’émission de gaz à effet de serre sur le climat et notre santé. Tôt ou tard, ces externalités seront reflétées par un rejet de la population ou de la règlementation, souvent une combinaison des deux (le tabac est un bon exemple de ce qui pourrait se produire).
Le système capitaliste repose sur une allocation du capital plus efficiente que les autres systèmes de gouvernement envisageables comme le socialisme ou la monarchie, pas nécessairement une allocation optimale en tout temps; les bulles financières propres au capitalisme comme on a vu sur les cryptomonnaies ou les « meme stocks » en 2021 en sont un exemple.
Avec des records de température et de sécheresse un peu partout suivis d’inondations et glissement de terrain monstrueux, les changements climatiques ne sont plus remis en question par la grande majorité des gens. On en est plus à déterminer quelle sera l’amplitude du réchauffement, quelles en seront les conséquences et comment on peut limiter les effets négatifs?
L’augmentation du CO2 nous donne un exemple clair de ce qui se passe lorsqu’on ne tient pas compte des effets négatifs de nos activités. Les médias et le système d’éducation traitent abondamment de la crise climatique pour les émissions, mais nous empiétons sur bien d’autres limites planétaires qui passent inaperçues. L’illustration ci-dessous montre l’état de la situation pour les différentes limites. Je vous invite à regarder le film « Breaking Boundaries » produit par Netflix en 2021 pour animer votre niveau d’alarme.
La sixième limite planétaire est franchie. (Source: Ecotree.green)
La COP 15 sur la biodiversité se tient à Montréal, en décembre. C’est une réunion très importante si on veut protéger notre planète et éviter la dégradation de nos conditions de vie. Même si c’est moins apparent à court terme que la chaleur accablante du réchauffement planétaire, il faut s’y attarder dès maintenant.
Qu’est-ce que ces limites planétaires veulent dire pour un investisseur soucieux de ses rendements, pragmatique et responsable?
Ça signifie que les entreprises qui offrent des solutions auront plus d’occasions d’affaires et plus de revenus. Si on pense au Canada, des exemples comme investir dans des compagnies forestières soucieuses de l’environnement comme West Fraser Timber ou Canfor semblent appropriés. Si on est prêt à élargir nos horizons vers les États-Unis et prendre le risque d’une compagnie à faible capitalisation boursière, une entreprise comme Great Lakes Dredge and Dock qui s’affaire au rétablissement des régions côtières à travers le monde est intéressante. En Europe, Arcadis, qui est une firme d’ingénierie qui se spécialise dans les villes-éponges inspirées par la nature dans leur construction devrait avoir une panoplie de nouvelles ccasions.
En référence au titre de l’article du Village des Valeurs, Umicore, une ancienne société minière qui est maintenant un chef de file de l’économie circulaire des batteries est un autre exemple. Ces cinq entreprises répondent à des besoins grandissants, sont soucieuses de leur impact environnemental et se négocient à des multiples attrayants par rapportaux grands indices boursiers.
Dans ce vil âge des valeurs, le débat corrosif entre la gauche et la droite n’est pas nécessaire pour trouver des investissements qui satisfont les objectifs d’investisseurs responsables d’améliorer la société tout en faisant de bonnes affaires.
*François Bourdon est associé directeur à Nordis Capital, société d’investissement qui publie des recherches de pointe sur les investissements ESG pour le compte de gestionnaires d’actifs mondiaux. Il a auparavant travaillé pendant près de 17 ans à Fiera Capital, occupant divers postes de gestion, dont celui de chef des placements globaux.