Hugo Lavallée, gestionnaire de portefeuille à Fidelity Investments Canada (Photo: courtoisie)
INVESTISSEMENT RESPONSABLE. Loin d’accumuler la poussière sur les étagères, les rapports ESG produits sont prisés des professionnels de la finance (les investisseurs institutionnels comme les gestionnaires de portefeuille), qui s’en servent dans leur stratégie de placement.
À la Caisse de dépôt et placement du Québec, investisseur institutionnel qui gère un actif de plus de 350 milliards de dollars, l’analyse ESG est au cœur des décisions d’investissement. « Ça fait partie de notre identité. Ça fait partie de notre stratégie. Ça fait partie de nos actions au quotidien. Chaque dollar investi à la Caisse est pris sous cet angle-là [ESG] », a affirmé en juin dernier le président et chef de la direction de la Caisse, Charles Emond, au micro du journaliste de Radio-Canada Gérald Fillion. Il a ajouté : « C’est incorporé dans le quotidien des gestionnaires d’actifs, de ceux qui font des investissements et qui ont des cibles. »
Pour la Caisse, qui investit avec un horizon à long terme, les entreprises ayant les meilleures pratiques ESG sont généralement parmi les plus performantes et résilientes. « Il s’agit pour nous d’un bon indicateur du potentiel de création de valeur et de rendement », mentionne Elena Gabrysz, de l’équipe des relations avec les médias de l’organisme.
Elle rappelle que les critères ESG sont pris en compte de l’étape de l’analyse jusqu’à celle de la décision, ainsi que dans la gestion postinvestissement. « Nous encourageons nos sociétés en portefeuille à adopter la divulgation la plus complète sur les aspects ESG, notamment par la publication annuelle d’un rapport, afin de donner aux investisseurs un maximum de transparence et de perspective sur leurs pratiques en cette matière. »
Selon Elena Gabrysz, la Caisse procède à une analyse ESG multidimensionnelle qui s’appuie sur une foule de données, notamment celles publiées par l’entreprise elle-même, les rapports MSCI (Morgan Stanley Capital International) et les normes du SASB (Sustainability Accounting Standards Board).
Pour la Caisse, la relance post-pandémie passe par une meilleure intégration des facteurs ESG. « Ce qui exige davantage de transparence en plus de l’adoption de protocoles reconnus, comme le cadre du Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques (Task force on Climate Related Financial Disclosures ou TCFD) et les normes SASB », explique Elena Gabrysz. Elle rappelle d’ailleurs que le 25 novembre 2020, la Caisse s’est engagée aux côtés des Maple 8 – huit des plus grands gestionnaires de placements de régimes de retraite du Canada – afin « d’inciter les entreprises et les investisseurs à contribuer à une relance économique post-pandémie durable et inclusive, grâce à de meilleures divulgations et redditions de comptes ESG ».
« Oui, on lit les rapports ESG, et très attentivement », répond d’emblée Hugo Lavallée, gestionnaire de portefeuille à Fidelity Investments Canada.
Il précise que la société d’investissement pour laquelle il travaille est détenue par Fidelity International, en Angleterre, et que les Européens sont passablement en avance sur la question des enjeux ESG. « On veut continuer à être un leader à ce chapitre au Canada. »
« Non seulement on lit les rapports, mais on établit aussi nos propres ententes ESG (« engagement ») avec les entreprises et nous avons aussi notre propre système de cotation », poursuit-il. Hugo Lavallée réfute d’ailleurs cette conception que la production de rapports ESG est pour les entreprises un simple exercice de relations publiques. « Absolument pas. On a intériorisé ces pratiques et je peux vous dire que cela a beaucoup augmenté notre charge de travail ces deux dernières années. Nous consacrons du temps spécifiquement aux pratiques ESG quand on parle aux entreprises », dit-il.
À titre d’exemple, Hugo Lavallée cite l’appel récent qu’il a eu avec les dirigeants de Dollarama, dont Fidelity est le plus gros actionnaire au Canada. « On a des engagements ESG avec les hauts dirigeants dans lesquels il est question de gouvernance, de pratiques d’emploi, de changement climatique, etc. Ce sont des discussions constructives de part et d’autre. Eux aussi veulent avoir notre opinion. » Notons que Dollarama a publié son premier rapport ESG en juin 2019.
À terme, les données fondamentales et ESG sont appelées à être intrinsèquement interreliées, selon Hugo Lavallée « Si tu ignores l’aspect ESG, le consommateur qui ne se sentira pas bien représenté dans ses valeurs va s’éloigner et tes fondamentaux vont se détériorer. »