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Plus qu’un restaurant, un agent de changement

Siham Lebiad|Publié le 11 octobre 2019

Plus qu’un restaurant, un agent de changement

Mathieu Perreault, chef du bistro Le Coup Monté (Photo : Courtoisie)

L’impact environnemental d’un restaurant qui accueille des centaines de clients par semaine peut être très significatif. Matthieu Bonneau, propriétaire du bistro Le Coup Monté à Repentigny, l’a compris et a décidé de faire de son restaurant un pionnier de sa région dans son combat pour l’environnement.

«Je faisais beaucoup d’efforts pour réduire mon empreinte environnementale du côté personnel, et quand j’arrivais au restaurant, je me rendais compte que c’était une autre histoire. On vendait beaucoup de bœuf, et à part le recyclage, on ne faisait pas vraiment attention. Je me suis alors rendu compte que je pouvais avoir plus d’impact avec mon entreprise», déclare M. Bonneau.

Avec l’aide de Catherine Potvin, professeure titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur l’atténuation des changements climatiques de l’Université McGill, M. Bonneau a élaboré un plan afin d’intégrer des pratiques écoresponsables dans tout son restaurant.

«La première chose qu’elle nous a dite est qu’on avait fait le bon choix d’ouvrir ce type de restaurant en banlieue. On contribuait ainsi à réduire les gaz à effet de serre parce que les gens n’avaient plus à se déplacer en ville pour trouver ce type de restaurant.»

Tout a été passé au peigne fin: les processus de recyclage et de compostage, les types de produits servis, de même que le nombre de livraisons effectuées par les fournisseurs du restaurant.

Le restaurant est passé de cinq livraisons de produits par semaine à une seule, et des employés ont proposé de récupérer chez les fournisseurs les fruits et légumes nécessaires pour la journée sur le chemin du restaurant. «Du covoiturage de carottes», plaisante le propriétaire.

Ce changement a représenté un défi pour le chef cuisinier, Mathieu Perreault, qui a dû «réorganiser sa manière de travailler», afin de conserver la fraîcheur de ses produits plus longtemps. Il avoue que le processus n’a pas été facile et qu’il a fallu du temps pour changer certaines habitudes, mais il soutient ardemment cette redirection, selon lui nécessaire, et que devrait adopter tout restaurant.

«En restauration, souvent, c’est un milieu qui est très normalisé, où la conformité est vraiment mise de l’avant. Donc, ça a demandé une réorganisation de la structure de la cuisine et des habitudes des cuisiniers», explique-t-il, citant le compostage en exemple. «C’est sûr qu’en cuisine, on valorise beaucoup la rapidité pendant le service, et là il fallait prendre le temps de trier nos déchets. Au début, ça demandait beaucoup d’efforts. Ça n’a pas été facile, et en plus il a fallu inculquer ça à nos employés. C’était quand même un grand défi. Mais aujourd’hui, c’est devenu très commun, on est devenus habitués, comme si on l’avait toujours fait», explique-t-il.

M. Perreault admet que l’habitude ne vient pas tout de suite. Il confie qu’il lui arrivait au début, de même qu’à son équipe, d’oublier de trier les déchets pendant le service, mais que c’est vite devenu une seconde nature. Il remarque aussi que la nouvelle structure l’a poussé à découvrir de nouveaux produits et producteurs locaux, ce qui a amélioré grandement la qualité de sa cuisine.

Tous les restaurateurs devraient y réfléchir

Il appelle d’ailleurs les restaurateurs qui n’ont pas entrepris de tels changements d’y réfléchir. «Maintenant, nous sommes fiers de le faire, et les nouveaux employés qui arrivent chez nous embarquent à 100% quand ils voient ce qu’on fait. Oui, ça prend de l’effort et de l’organisation, mais si nous avons réussi à le faire, je ne vois pas pourquoi d’autres grands restaurants ne pourraient pas y arriver également. C’est plus facile qu’on le pense, il faut oser l’essayer et tenir le cap».

Et si ces arguments ne suffisent pas, M. Bonneau ajoute qu’un autre bénéfice est la simplification de la gestion financière du restaurant. Il explique que le fait d’avoir réduit le nombre de livraisons hebdomadaires veut dire que le restaurant reçoit moins de factures de ses fournisseurs, ce qui prend moins de temps à traiter.

Selon le propriétaire, les clients n’ont aucun problème à payer un peu plus cher ou à voir quelques plats disparaître du menu lorsqu’ils comprennent les motivations derrière ces changements. En effet, comprenant l’impact négatif de la consommation de viande rouge sur l’environnement, l’une des premières mesures de M. Bonneau a été de réduire le nombre de plats à base de bœuf sur le menu du restaurant.

Les mesures prises lors de ce virage écologique, qui ont mené, entre autres, à une diminution des déchets de 91%, ont été très bénéfiques pour le restaurant, si bien qu’on a adopté les mêmes méthodes d’un second établissement, situé à l’Assomption. L’équipe du restaurant espère que d’autres entrepreneurs s’en inspireront.

«Notre plus gros souhait est que tout le monde embarque là-dedans, y compris nos fournisseurs. si on peut avoir des camions de livraison électriques, des grands contenants de compost commerciaux pour tous les restaurants du coin, ce sont des choses qui pourront aider tout le monde à prendre part à ce changement», déclare M. Bonneau.