Caroline Côté a atteint le pôle Sud après 34 jours en ski en solo.
LEADERSHIP FÉMININ DANS LE SPORT (2 de 3). «Je ne peux pas être leader pour les autres si je ne le suis pas avec moi.» C’est la phrase qui résume les fondements du leadership selon l’exploratrice et réalisatrice Caroline Côté. Un leadership qu’elle sait exercer, mais aussi transmettre.
Un court retour en arrière s’impose pour bien comprendre le parcours de cette leader. Le 11 janvier dernier, l’exploratrice a atteint le pôle Sud, après avoir parcouru 1130 km en ski, en solitaire, un périple de 34 jours en Antarctique, au départ de Hercules Inlet. Un temps suffisant pour fracasser le record du monde féminin.
Inutile de posséder des connaissances très poussées en météorologie pour voir que les conditions pour réaliser cet exploit étaient difficiles, voire extrêmes. «Certains matins, il fallait que je me convainque d’avancer et de sortir de la tente. C’était en quelque sorte du leadership face à moi-même. Je n’avais d’autre choix que de me motiver dans les pires moments», exprime l’aventurière.
Ce leadership pour soi sert à être une bonne leader pour les autres. En effet, au moment de s’entretenir avec Les Affaires, Caroline Côté terminait les préparatifs d’une expédition d’un mois où elle traversera le Groenland d’est en ouest. Cette fois, à titre de guide pour un groupe de cinq personnes pour qui les expéditions extrêmes ne sont pas la profession.
En groupe, d’autres attributs du leadership s’ajoutent, comme la transparence et l’écoute. «Être leader, c’est aussi de prendre ses responsabilités. Être capable d’affronter ce que tu vis dans le moment. Ça peut être de s’excuser à son équipe. Ce n’est pas nécessairement d’être la meilleure ou la première en avant qui va tout faire. Des fois, c’est être en arrière du groupe et aider quelqu’un. Une bonne leader va être quelqu’un d’authentique, d’honnête, une bonne équipière.»
Faire briller les autres
Traverser le Groenland ou passer plus de 30 jours seule en Antarctique n’est peut-être pas à la portée de toutes et de tous. Mais Caroline Côté est convaincue d’une chose : le leadership nécessaire à l’accomplissement de ce type d’aventure, lui, l’est.
«Ça s’apprend», dit-elle sans hésiter. «On le développe. Il y a une fibre, une flamme de quelque chose à l’intérieur de chacun. Soit on laisse ça de côté, soit on essaie de faire brûler cette flamme.» Ça commence, dit-elle, par avoir le «courage d’affronter des moments difficiles ».
L’exploratrice estime aussi qu’il «est important d’avoir des modèles». Le sien est l’explorateur britannique Ernest Shackleton qui, au début du 20e siècle, a réussi à garder en vie pendant des mois tous les membres de son équipage coincé dans les glaces de l’Antarctique.
À notre époque, les modèles féminins dans le monde du plein air sont de plus en plus nombreux. En revanche, ça n’a pas toujours été le cas et le leadership féminin dans cet univers doit encore s’exprimer différemment. «Je pense que la leader féminine devra affronter beaucoup de défis pour se rendre où elle veut. Il faut prendre sa place et croire en nos rêves. Ça revient à la notion d’être leader de soi-même.»
D’autres modèles, Caroline Côté en met en lumière lorsqu’elle et son équipe s’installent derrière la caméra, une autre dimension de sa personnalité d’aventurière. D’ailleurs, la veille de notre entretien, la réalisatrice venait de présenter son dernier documentaire dans une microbrasserie de la métropole.
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Dans le passé, si des projets comme Caribou Trailrunning n’ont pas vu le jour, c’est parce que pour la réalisation d’un documentaire, elle se faisait offrir la moitié du salaire offert à un homme. Lorsque cela est arrivé, son leadership s’est exprimé en disant tout simplement non. Pas de parité, pas de film.
«Pour moi, être leader, c’est se battre pour faire changer ça. C’est mon rôle de me battre pour ça. Je pense qu’une bonne leader féminine va se battre pour toutes les autres femmes. Elle va prendre la voix de toutes celles qui s’en viennent.»
Parce que finalement, pour elle, on peut apprendre le leadership, mais on peut également l’enseigner. « En étant honnêtes dans nos valeurs, nos paroles et nos actions. Ça ne prend pas nécessairement une grande voix pour être leader. Il faut tout simplement être soi-même. Il y a toujours une crevasse à traverser sur la route. Une leader continue malgré les moments difficiles, pour se sortir de la crevasse. »