Les valeurs d’inclusion portées par les EÉS ont mené au développement de diverses structures de réinsertion socioprofessionnelle qui permettent de former, encadrer et intégrer de nouvelles ressources humaines vers le marché de l’emploi. (Photo: 123RF)
Un texte de Johanne Morin, agente de développement et de mobilisation, ESSOR 02, pôle d’économie sociale au Saguenay – Lac-Saint-Jean
COURRIER DES LECTEURS. Dans les OBNL et coopératives, la rareté de la main-d’œuvre implique de développer de nouvelles stratégies permettant d’attirer et de garder en poste ces ressources précieuses. Le bal épuisant et couteux de la séduction qui positionne les entreprises en compétition les unes contre les autres n’est pas de tout repos, et se doit d’être pris en compte dans la réflexion, le développement et la gestion de toutes les composantes du modèle d’affaires.
Les structures, les principes et les valeurs portées par les entreprises d’économie sociale (EÉS) offrent un potentiel d’attractivité et de rétention formidable. Pour que leur marque distinctive soit convoitée par la main-d’œuvre, elles composent avec des facteurs endogènes et exogènes à ne pas négliger.
Des structures pas comme les autres
La possibilité d’accéder aux membres des EÉS permet aux travailleurs et travailleuses de prendre part à un projet dans lequel ils et elles sont directement impliqués.es. Cette occasion de devenir à la fois «le patron» (en exerçant son vote sur l’assemblée générale) et l’ouvrier.ère (en poursuivant les tâches rémunérées pour lesquelles ils et elles ont été recruté.es) augmente le pouvoir d’agir des employés.es. Cette relation particulière entre la main-d’œuvre et l’administration réduit les écarts parfois déplorés qui supposent que les employeurs seraient «déconnectés» des réalités vécues par leurs équipes. Les employés.es peuvent ainsi participer aux prises de décisions, au développement et à la réalisation des plans d’action, et se retrouver aux premières loges des divers comités de travail. Cela favorise le développement de nouvelles compétences, tout en augmentant le sentiment d’appartenance, de fierté et d’estime de soi.
Des valeurs à partager
Un sondage du Chantier de l’économie sociale datant de 2019 révèle qu’une très forte majorité de la jeunesse considère les valeurs inhérentes aux OBNL et coopératives comme importantes: «Évoluer dans une organisation qui vise à répondre aux besoins de ses membres ou de la communauté (importe à 82% des répondants.es), qui a des principes de gouvernance démocratique (72%), qui améliore la société (87%), qui améliore l’environnement et l’écologie (81 %) et qui offre une grande autonomie dans le choix des tâches (8 %).»
Le partage de ces valeurs contribue à une forme de rémunération non tangible, un sujet qui intéresse particulièrement Stéphane Renaud, professeur à l’École de relations industrielles de l’Université de Montréal. Dans une étude publiée en 2020, il affirme que «l’engagement fidélise les employés et les incite à rester. Donc, chez les jeunes de moins de 40 ans, lorsque le salaire de réserve est au rendez-vous, plus on offre d’éléments de rémunération intangible, plus l’intention de s’en aller diminue.» Rien n’empêche d’ailleurs les OBNL et les coopératives de prévoir des politiques salariales avantageuses.
Bien que plusieurs avantages viennent avec ces responsabilités, les entreprises doivent se munir de stratégies pour assurer le renouvellement de leurs membres et du CA, stimuler le désir d’implication, éviter de surcharger sa force travaillante par des actions trop souvent bénévoles, et former adéquatement ses équipes afin qu’elles puissent bien comprendre, et encadrer à leur tour, tout ce qui en découle (on pense d’ailleurs à l’imputabilité).
Parallèlement, les valeurs d’inclusion portées par les EÉS ont mené au développement de diverses structures de réinsertion socioprofessionnelle qui permettent de former, encadrer et intégrer de nouvelles ressources humaines vers le marché de l’emploi.
Au Québec, 220 000 personnes travaillent au sein des EÉS, dans des domaines aussi variés et stimulants que les services aux personnes et aux entreprises, que la production/transformation, l’agriculture, le développement des technologies ou le commerce de détail. Fait intéressant, les statistiques rapportent que 50,5% des postes élus sur les CA des EÉS sont occupés par des femmes. Dans la Gazette des femmes, la directrice du Chantier de l’économie sociale, Béatrice Alain, donne l’exemple des Centres de la Petite Enfance et souligne bien que «ces entreprises collectives sont des vecteurs de cohésion sociale et ont entraîné une chute de plus du tiers du taux de pauvreté des familles monoparentales».
Des principes qui font la force d’un mouvement
Contrairement aux autres types d’entreprises collectives (sociétés par actions, ou sociétés en nom collectif), où les voix sont partagées au prorata des actions détenues, en ÉS, le pouvoir de chaque membre correspond à un vote à l’assemblée générale.
Le principe d’intercoopération est lui aussi susceptible d’amoindrir les effets reliés à la pénurie de main-d’œuvre. De nombreuses initiatives de mutualisation des ressources humaines voient le jour entre les EÉS, ce qui permet d’offrir à des employé.es des conditions de travail plus près de leurs aspirations, par exemple en augmentant les heures travaillées.
Enfin, le principe d’éducation, de formation et d’information incite les EÉS à la transparence, tout en facilitant la transmission des savoirs, et en entretenant l’enthousiasme et l’engagement des membres et des travailleur.es.
Abonnez-vous à notre infolettre thématique pour du contenu qui répond à votre réalité:
PME et entrepreneuriat — Tous les mardis, mercredis et jeudis
Découvrez les innovations développées par les jeunes pousses et les PME d’ici, ainsi que les récits inspirants d’entrepreneurs de notre journaliste Emmanuel Martinez.