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Paver le (long) chemin vers l’inclusion

Samir Hamladji|Publié le 24 mai 2023

Paver le (long) chemin vers l’inclusion

Dorothy Rhau, leader inclusive et présidente fondatrice de l’association Audace au féminin (Photo: courtoisie)

LEADERSHIP INCLUSIF. Même si les entreprises font preuve de bonne volonté au moment de décliner leur programme en matière d’équité, de diversité et d’inclusion (EDI) et d’exercer un leadership dit inclusif, le chemin demeure encore parsemé d’embûches. État des lieux.

« L’EDI », tel qu’il est couramment désigné dans le vocabulaire de l’entreprise, se révèle désormais incontournable. Toutefois, les initiatives des entreprises ne pourraient porter leurs fruits que dans cinq, dix, voire 15 ans, selon certains. Comme le montre une nouvelle étude McKinsey, publiée en mai 2023, qui interroge 2 500 dirigeants de neuf pays, dont le Canada, plus de 70 % des sondés déclarent que leurs organisations expriment des aspirations transformatrices en matière d’EDI… mais seulement 47 % d’entre eux estiment disposer des moyens nécessaires pour mettre leur politique en œuvre. La bataille ne fait donc que commencer. 

Leader inclusive et présidente fondatrice de l’association Audace au féminin, Dorothy Rhau a connu les balbutiements de ces politiques en entreprise, alors qu’elle était directrice des ressources humaines entre 2006 et 2011. « Lorsque je voulais mettre en place des procédures visant à favoriser la diversité et l’inclusion, ma direction prenait cela à la légère », se remémore-t-elle. Une époque heureusement révolue aux yeux de celle qui prône désormais « la mise en lumière de la femme noire afin que celle-ci ne brille plus dans l’ombre », selon ses propres termes. 

La diversité ethnique n’est pas la seule à devoir se faire une place au soleil, la diversité de genre a également dû emprunter son chemin de croix. Marie-Isabelle Gendron en a fait l’expérience, elle qui est née homme avant de faire sa transition au travail, en 2014, à l’âge de 55 ans. Spécialiste technique en moteur d’avion au sein de Pratt & Whitney — de facto un milieu très masculin — elle a littéralement éduqué sa direction sur le sujet de l’inclusion. « Ma patronne et ma responsable des ressources humaines m’ont soutenue tout au long de mon processus de transition alors qu’à cette époque une telle question était très loin d’être abordée en entreprise. Jusqu’à envoyer un courrier à toutes les parties prenantes de l’entreprise, attestant de mon changement d’identité ». Elle ajoute, dans un sourire, que sa direction s’est même attaché les services d’un thérapeute. « Pas pour moi, mais pour tous ceux que ma décision a choqués ».

 

Un atout dans la course aux talents

L’avènement d’une nouvelle génération au travail ayant grandi avec les questions de leadership inclusif et de diversité en toile de fond devrait par ailleurs continuer de faire avancer les choses. « Lors des processus de recrutement, les candidats sont particulièrement attachés et attentifs aux valeurs véhiculées par l’entreprise, relate Marème Touré, vice-présidente diversité, inclusion et équité au sein du bureau de Montréal de Dentsu. Beaucoup d’entre eux souhaitent spécifiquement s’entretenir avec moi pour évoquer ces questions ». Celles-ci sont d’ailleurs chapeautées par la haute direction de l’entreprise. « J’en réfère directement au président », précise Marème Touré. Selon elle, les entreprises ont tout intérêt à muscler leur politique EDI pour attirer et, surtout, pour fidéliser de nouveaux talents, ce qui n’a rien d’un luxe en temps de pénurie de main-d’œuvre. 

Pour la stratège en marketing et communication Ania Ursulet, l’EDI n’est que « le début du chemin ». La leader inclusive milite activement pour que les politiques d’inclusion menées au sein des entreprises soient l’affaire de tous et que personne n’en soit exclu « y compris le mâle blanc caucasien en situation de pouvoir ». Estimant que le concept d’inclusion affirme plutôt « la place de plein droit de toute personne dans la société quelles que soient ses caractéristiques », elle a foi, elle aussi, en la nouvelle génération pour inclure tout le monde dans la conversation. « Ce seront eux les véritables leaders inclusifs grâce à leur grande capacité d’écoute et de résilience. [Ils ont] grandi dans une société où leurs aînés se sont battus pour que ces questions soient mises sur le devant de la scène ».