Le petit empire du rangement d’Armoires Cuisines Action
Matthieu Charest|Édition de la mi‑octobre 2019Tout chez Armoires Cuisines Action est fait maison. De la conception à la fabrication, du design à la conception et de la livraison à l’installation, tout est contrôlé par l’entreprise. (Photo: courtoisie)
LES 300. Alors qu’elle conçoit près de 8 000 projets de cuisines par année, compte 260 employés et a un chiffre d’affaires qui avoisine les 50 millions de dollars, Armoires Cuisines Action est aujourd’hui à la tête d’un petit empire régional. Malgré les nombreux défis qui menacent l’entreprise, pénurie de main-d’oeuvre en tête, la PME ne compte pas pour autant couper court à l’expansion fulgurante qu’elle connaît.
«Cette année seulement, notre croissance frôle les 20 %. Depuis 2016, nous connaissons une croissance annuelle de plus de 12 %», affirme fièrement François Chaurette, qui a pris les rênes de l’entreprise il y a douze mois à peine.
La PME trentenaire, spécialisée dans les solutions de rangement – notamment pour les cuisines, les penderies et les salles de bain -, a installé son usine et son siège social à Sainte-Sabine, tout près de Farnham, en Montérégie. Armoires Cuisines Action compte aussi quatre succursales dans la grande région métropolitaine, soit à La Prairie, à Boucherville, à Saint-Jean-sur-Richelieu et à Laval.
Conséquence : ses clients, 40 % de particuliers et 60 % de «constructeurs de condos», viennent souvent de la région la plus peuplée du Québec. «Notre produit, les caissons que nous livrons, ça voyage très mal, explique M. Chaurette. Il y a un aspect, une vocation très régionale à ce que nous faisons. Ça nous protège, mais ça nous limite.»
L’expansion que se promet l’entreprise passera donc nécessairement par l’ouverture de nouvelles succursales ailleurs dans la province. Les emplacements sont encore incertains, mais l’usine sabinoise a toutes les capacités nécessaires pour soutenir la croissance, confirme le président. Une somme de 8 M $ a d’ailleurs été investie au cours des trois dernières années afin de moderniser et d’agrandir ses installations et d’automatiser ses procédés de fabrication, entre autres. Cette usine moderne est justement l’une des clés de la croissance soutenue.
Tout chez Armoires Cuisines Action est fait maison. De la conception à la fabrication, du design à la conception et de la livraison à l’installation, tout est contrôlé par l’entreprise. Pour la PME, les marges s’accumulent, alors que pour le client, la solution est clés en main. C’est d’ailleurs pour ça, selon le président, que la petite entreprise régionale a réussi à se tailler une place auprès des géants tels les IKEA de ce monde.
«L’expérience de nos clients, la diversité de l’offre, l’imagination, la créativité… Tout ça est limité par la standardisation, raconte M. Chaurette. Nous, nous pouvons nous adapter à toutes les exigences de nos clients, que leurs budgets soient de 5 000 $ ou de 100 000 $.»
Et leurs exigences sont hautes et nombreuses, la cuisine étant souvent la pièce de la maison qui reçoit le plus d’attention. Une situation particulièrement vraie au Québec, où les cuisines sont aussi les lieux de rassemblement par excellence, fait valoir le dirigeant.
Pour façonner ces lieux de vie, il faut d’abord plusieurs centaines d’employés. Bien sûr, la vague de pénurie de main-d’oeuvre qui frappe le Québec de plein fouet n’épargne pas Armoires Cuisines Action.
Pour pallier la carence d’employés, l’entreprise a investi massivement dans l’automatisation de ses procédés de fabrication dans son usine. Seules, ces nouvelles méthodes ne sauraient toutefois suffire. «Nous croyons avoir atteint l’optimisation maximale», affirme le président, qui ajoute du même souffle que le principal actif de l’entreprise, ce sont ses employés. Pour préserver et acquérir ces précieux actifs, la PME doit offrir une panoplie d’avantages à ses travailleurs. Toutes sortes de programmes ont été mis en place : mise en forme, soutien familial, télétravail dans la mesure du possible, événements mensuels, etc.
Encore là, la rétention et le recrutement des employés peuvent faire les frais de l’enjeu de la saisonnalité des activités de l’entreprise. On n’installe pas souvent des armoires de cuisine dans le temps des Fêtes, par exemple, ou encore pendant l’été, alors que ce sont plutôt les projets de terrassement qui occupent les esprits. Cela dit, la PME ne peut pas renvoyer ou mettre à pied ses équipes au gré des saisons. Il ne faut surtout pas perdre le talent si chèrement acquis et développé.
Afin de s’attaquer à cet enjeu, Armoires Cuisines Action a également mis sur pied un système de banque d’heures pour ses employés. Ainsi, lorsque l’entreprise a besoin que ses employés effectuent plus d’heures, les travailleurs peuvent accumuler du temps à reporter plus tard. Une façon de s’adapter aux besoins du marché tout en offrant plus de flexibilité à son capital humain.
Par ailleurs, l’entreprise se montre très active en matière de philanthropie. «Sur notre site web, nous invitons même les gens – le grand public – à nous soumettre des causes à appuyer», note M. Chaurette. L’entreprise a notamment déjà soutenu la Maison Gilles-Carle – qui offre du répit aux proches aidants -, des clubs de hockey régionaux, dont à Chambly, la Maison Bleue – qui offre des services de périnatalité sociale – ou encore des initiatives de recyclage dans la MRC de Brome-Missisquoi.
Une transition sans heurts
La pénurie de main-d’oeuvre est loin d’être le seul défi que la PME doit affronter. Dirigée pendant presque 30 ans par le cofondateur, Christian Van Gennip – qui l’a créée avec son épouse, Danielle Naud -, Armoires Cuisines Action est maintenant présidée par M. Chaurette depuis l’automne 2018. Les chefs d’entreprise le savent, même que plusieurs le craignent, d’importants changements au sein de la structure dirigeante peuvent bouleverser une entreprise. Pourtant, dans ce cas précis, la transition semble couronnée de succès.
Ici, pas de recette miracle. «Nous avions tout mis au point pour préparer la transition, explique M. Van Gennip. Nos équipes sont performantes, soudées, la communication est claire et nous avions des objectifs préétablis bien précis.»
En 2013, une première tentative de céder la direction à des employés a échoué. Il fallait donc par la suite trouver le «bon esprit d’entrepreneur», ce qui avait manqué lors de l’essai raté, selon le fondateur. Tout en «se donnant le temps nécessaire» pour le trouver. «La vraie nature d’une personne, ça prend des années avant de la connaître», insiste-t-il.
Quand M. Chaurette, qui était auparavant associé chez la firme d’investissements Novacap, également basée en Montérégie, et ami de longue date de la famille fondatrice, a manifesté son intérêt pour l’entreprise, «on lui a fait confiance», explique M. Van Gennip.
M. Chaurette s’est donc joint à l’équipe et, au fil du temps, alors qu’il atteignait les objectifs fixés pour lui, la confiance s’est solidifiée. «Il est plus méthodique que moi, il est très ordonné, très préparé», lance le fondateur d’Armoires Cuisines Action au sujet de son nouveau président. «Et ça donne de meilleurs résultats.»
«Dans le fond, comme entrepreneur bâtisseur, tu veux voir ton entreprise réussir sans toi», conclut M. Van Gennip. Ça tombe bien, c’est justement ce que son successeur et ses équipes se promettent, expansion en prime.