Les firmes se battent pour les meilleurs talents
Jean-François Venne|Édition de la mi‑septembre 2019Les femmes ne représentent que 20 % des ingénieurs juniors diplômés au Canada. (Photo: 123RF)
LES GRANDS DE L’INGÉNIERIE. Ce n’est pas encore la panique, mais la rareté des ingénieurs commence à se faire sentir au Québec. Les firmes multiplient les démarches pour recruter – et garder – les meilleurs candidats.
Pourtant, le nombre d’ingénieurs est en augmentation dans la province. L’Ordre des ingénieurs du Québec (OIQ) compte 61 365 membres exerçant leur profession, soit 8 214 de plus qu’en 2009. Le nombre de diplômés reste toutefois insuffisant pour répondre à la demande.
Les femmes continuent notamment d’être trop peu nombreuses. En 2018-2019, elles représentaient à peine 20 % des ingénieurs juniors diplômés au Canada et nouvellement inscrits à l’OIQ. L’Ordre a d’ailleurs enrôlé des ingénieures pour servir d’ambassadrices auprès des jeunes filles. L’objectif de ce programme est d’atteindre 30 % de femmes exerçant la profession en 2030.
C’est surtout l’abondance de projets dans la province qui provoque une rareté de main-d’oeuvre. Le Plan québécois des infrastructures 2018-2028 prévoit des investissements records de plus de 100 milliards de dollars sur dix ans. Le rythme devrait se maintenir, entre autres, grâce au prolongement de la ligne bleue du métro et à la construction du Réseau express métropolitain (REM), à Montréal, du tramway et du troisième lien à Québec ainsi que du complexe commercial Royalmount, à Mont-Royal.
Multiplier les démarches
«La rareté de la main-d’oeuvre, nous la ressentons partout», souligne Renée-Claude Turgeon, directrice exécutive des ressources humaines de la firme BBA, qui compte 15,7 % d’employés de plus que l’an dernier au Québec, et 56,5 % de plus qu’il y a cinq ans. Son siège social est à Mont-Saint-Hilaire, mais elle compte quatre autres bureaux dans la province.
Mme Turgeon présente BBA comme une firme de niche, qui doit se distinguer par une expertise très pointue dans ses domaines de prédilection que sont l’énergie, les mines et les métaux, les centres de données ainsi que les pâtes et papiers. Cela exige de combiner plusieurs démarches pour créer un pipeline des meilleurs candidats pouvant à répondre aux besoins à court, moyen et long terme.
«Les ingénieurs postulent rarement à un poste, car ils sont peu à être en recherche active d’emploi, explique la directrice. C’est plutôt nous qui les contactons au moyen des stratégies que nous multiplions.» Ces dernières passent souvent par les médias sociaux, en particulier LinkedIn. Il s’agit d’y effectuer des recherches à l’aide de mots-clés précis afin de repérer des profils intéressants. BBA recueille ensuite des références afin de qualifier ces candidats, avant d’éventuellement les inviter en entrevue.
Les médias sociaux servent aussi à amorcer un dialogue avec des ingénieurs qui pourraient devenir des candidats intéressants à moyen terme. Il s’agit alors de s’intéresser à leurs activités et à leurs idées, sans leur proposer immédiatement un emploi. La firme étudie également l’utilisation des entrevues vidéo, une formule qui permettrait à un candidat de répondre à des questions de présélection au moment de son choix, puis d’envoyer sa vidéo à sa convenance.
«Nous devons aussi présenter une image d’employeur attirante, car c’est de plus en plus le candidat qui choisit son employeur», conclut Mme Turgeon. Elle ajoute que BBA offre un programme de recommandation à l’interne ; les employés peuvent ainsi recevoir entre 500 et 1 500 $ par recommandation.
Des projets stimulants
La rareté de la main-d’oeuvre représente aussi un défi pour Claude Décary, PDG de Bouthillette Parizeau. La firme compte six bureaux au Québec, ainsi que un à Ottawa et un à Vancouver. Elle utilise à la fois les médias sociaux, les recommandations à l’interne et sa présence dans des événements organisés sur les campus universitaires pour attirer les candidats.
«Ce qui compte le plus pour attirer et retenir des ingénieurs, cependant, c’est d’offrir un bon environnement de travail et surtout des projets attractifs», croit M. Décary. Il donne l’exemple de la participation récente de son entreprise à de grands chantiers, comme les mégahôpitaux et le Complexe des sciences du campus Outremont de l’Université de Montréal. Mais aussi à la chambre climatique de l’Université Concordia, qui permet de tester des matériaux à une température pouvant passer de -40 °C à 80 °C en deux heures. «C’est un plus petit projet, mais qui présente plusieurs défis techniques intéressants», précise le PDG.
Ce dernier doit aussi s’adapter aux attentes des plus jeunes candidats, qui peuvent parfois sembler contradictoires. «Ils souhaitent être très impliqués dans le travail et les décisions, mais veulent aussi des horaires très flexibles et beaucoup de temps à eux, illustre M. Décary. Quand on leur demande ce qui est le plus important dans un emploi, le salaire est bas dans la liste, mais plusieurs partent dès qu’ils s’en font offrir un mieux rémunéré. Il faut savoir équilibrer tout cela.»