La gestion de la preuve documentaire et celle des baux commerciaux sont parmi les services offerts par des cabinets. (Photo: 123RF)
LES GRANDS DU DROIT. Depuis plusieurs années déjà, les grands cabinets comptables offrent de nombreux services qui sont très éloignés de la comptabilité. Ils jouent même parfois sur les terrains des bureaux juridiques. PwC Legal, par exemple, emploie plus de 4 000 avocats dans 90 pays. Ce degré de diversification n’a pas été atteint chez les avocats québécois, où les services non juridiques ne pullulent pas encore, mais plusieurs dirigeants ont amorcé ce virage ou songent à le faire.
Chez McCarthy Tétreault, la division MT>3 – issue de l’acquisition de Wortzmans en 2017 – fournit des services et des conseils en gestion de la preuve documentaire. « C’est un service qui était auparavant plutôt offert par les cabinets comptables », souligne Me Karl Tabbakh, associé directeur au Québec. Le bureau compte aussi sur MT>Jeu, qui propose des services-conseils stratégiques, techniques et opérationnels dans le secteur du jeu – sport électronique, loterie, jeux en ligne, paris sportifs, etc.
« Ces divisions nous permettent de fournir à nos clients des services qui sont importants pour eux, mais que nous n’offririons pas directement au sein de McCarthy Tétreault en raison de notre structure de coûts ou de notre modèle d’affaires », précise M. Tabbakh. Pas question toutefois de s’éloigner de la pratique du droit au point de se lancer dans des aventures comme l’intégration de systèmes informatiques, à l’image de certains cabinets comptables.
Passer du droit au conseil d’affaires
Me Pierre Allard, associé directeur de BCF, soutient que la démarche de son cabinet n’est plus seulement axée sur le droit, mais plutôt sur le conseil d’affaires et la stratégie. « Nous avons à notre emploi des notaires, des ingénieurs et des scientifiques qui agissent généralement comme agents de brevets, agents de marques de commerce et traducteurs, indique-t-il. Nous sommes donc déjà engagés dans une certaine diversification de nos services d’affaires. »
Me Allard reste ouvert aux possibilités d’ajouter des cordes à l’arc de BCF, mais pas à tout prix. « Nous irons seulement dans la direction des services qui apporteront de la valeur ajoutée à nos clients, notamment dans le transactionnel, un secteur névralgique pour nous », précise-t-il.
Gérer les risques de l’innovation
Chez Lavery, on admet que cette diversification a constitué un vecteur de réflexion important dans le cadre de l’élaboration du plus récent plan stratégique du cabinet. « Mais cela doit avoir du sens sur le plan commercial et surtout représenter une réelle valeur ajoutée pour le client », souligne la chef de la direction, Anik Trudel. Lavery scrute surtout les occasions dans le domaine des nouvelles technologies.
La présence d’une pratique en propriété intellectuelle signifie par ailleurs que plusieurs employés de Lavery possèdent une formation en science plutôt qu’en droit. « Cela donne des idées de créneaux d’activité dans lesquels nous pourrions faire notre entrée », indique Jean-François Lévesque, chef de la direction client de Lavery.
Toutefois, il ajoute qu’il faut toujours s’assurer de préserver la réputation d’excellence du cabinet. « Si nous proposons un service non juridique, le degré de qualité doit être aussi élevé que dans le cas de nos services juridiques. Il n’est pas question de faire de compromis sur ce plan », soutient-il. Ainsi, si le bureau est ouvert aux occasions, ses dirigeants restent bien conscients que se lancer dans un nouveau créneau représente forcément une part de risque.
Nouvelles sources de revenus
BLG, pour sa part, offre à ses clients un service de consultation en utilisation des nouvelles technologies. Ces services non juridiques peuvent avoir trait à l’implantation d’outils et de systèmes numériques, à l’impartition ou encore à la transformation des services juridiques à l’intérieur de leur entreprise. Le cabinet a aussi mis en place des services de gestion de baux commerciaux à son Centre national d’aide en matière de location.
« Ces services peuvent constituer de nouvelles sources de revenus pour les bureaux d’avocats qui sont prêts à sortir un peu des sentiers battus », croit Me André Dufour, associé directeur régional du cabinet de Montréal.
Ces occasions proviennent beaucoup de la diversification des équipes de travail au sein des cabinets d’avocats. L’arrivée de professionnels dotés d’expertises en gestion, en technologie numérique ou en science, plutôt qu’en droit, crée un milieu propice à l’émergence d’idées novatrices. Les bureaux cherchent à tirer parti de ces nouvelles compétences. « La diversification des services non juridiques constitue déjà une tendance dans les grands cabinets internationaux et nous souhaitons être un leader en ce sens au Canada », conclut Me Dufour.