Peu importe la formule utilisée, on trouve tout de même très souvent la tarification horaire à la clé. (Photo: 123RF)
LES GRANDS DU DROIT. Depuis des années, on entend parler de tarification alternative dans les cabinets d’avocats. Pourtant, la bonne vieille facturation à l’heure continue de dominer le marché et ce n’est pas près de changer.
L’histoire est un éternel recommencement et le monde des affaires n’y échappe pas. « La tarification à l’heure est apparue dans les bureaux il y a plusieurs décennies, quand les clients en ont eu assez de la facturation à forfait, rappelle David Kergoat, directeur de la tarification chez Lavery. Ils voulaient avoir une idée plus précise de l’effort mis par les avocats dans un
dossier. »
La roue tourne et certains clients rejettent aujourd’hui la formule de tarification à l’heure. Cette tendance a pris de l’ampleur à partir de 2008, alors que la crise financière a fait mal aux revenus des entreprises et a amené celles-ci à souhaiter mieux contrôler leurs dépenses.
De nouvelles pratiques gagnent en popularité. Les honoraires peuvent être fixes, conditionnels, liés au résultat, pondérés ou encore réglés en fonction des phases d’un service rendu. Mais on ne peut pas choisir n’importe quelle option pour n’importe quel dossier.
Évaluer la valeur des services
« Lorsqu’on ne peut pas prévoir aisément la somme de travail qui sera nécessaire pour réaliser un dossier, il devient difficile d’estimer le total des coûts; la tarification à l’heure garde alors toute sa pertinence », précise David Kergoat. D’autres mandats se prêtent plus facilement à des démarches à forfait. C’est le cas du dépôt et du renouvellement des marques de commerce d’un client, une opération qui est très prévisible.
Dans certains dossiers, comme les fusions et acquisitions, il est parfois possible de facturer un pourcentage du résultat, plutôt que d’utiliser un forfait ou une tarification horaire. Aux États-Unis, certains cabinets vont jusqu’à proposer au client de déterminer en fin d’année un certain pourcentage de réduction sur les tarifs, en fonction de son degré de satisfaction.
« Le tarif constitue en fait l’un des outils dont on peut se servir pour s’assurer d’avoir bien compris les attentes du client et de les satisfaire de la manière la plus adaptée », précise Jean-François Lévesque, chef de la direction client chez Lavery.
Ce qui compte beaucoup, selon lui, c’est la valeur perçue par le client. « Si la facturation horaire est critiquée présentement, c’est qu’elle met beaucoup l’accent sur le temps requis pour accomplir une tâche, plutôt que sur sa valeur réelle », note Jean-François Lévesque.
Cruciale transparence
John Godber, associé chargé de l’innovation auprès des clients de BLG, note lui aussi que la tarification horaire continue de dominer le marché. « Ce qui a changé, c’est que les clients veulent un budget. Ils désirent de la prévisibilité dans les prix, donc il ne s’agit pas simplement d’envoyer une facture à la fin du mandat », précise-t-il. Les clients veulent avoir une idée dès le départ de la somme que leur coûtera un mandat. Ils souhaitent bien comprendre ce qui cause un dépassement de coût lorsque cela se produit.
John Godber ajoute que peu importe la formule utilisée, on trouve tout de même très souvent la tarification horaire à la clé. Par exemple, un dossier récurrent dont le coût s’estime aisément, comme la gestion des baux d’un client institutionnel, peut permettre de facturer des honoraires fixes. Mais le calcul de ce forfait a été effectué sur la base du temps que prendra le mandat et le tarif à l’heure des avocats qui y travailleront. Healthcare Insurance Reciprocal of Canada, le plus gros client de BLG, paie tous ses services en fonction d’un prix fixe, parce que le volume de travail qu’il requiert est très semblable d’une année à l’autre. Un mécanisme prévoit un changement au tarif si, pour une année, la somme de travail ou la complexité des dossiers augmente ou diminue d’un certain pourcentage par rapport à la moyenne.
Un mandat classique fonctionne par phases. Chez BLG, un outil numérique permet de suivre l’évolution des coûts pour chaque étape. L’information peut être transmise au client. Il est ainsi possible d’être alerté si un dossier menace de coûter plus cher que prévu et d’analyser les raisons de ce dépassement.
« Le plus important reste la communication, note John Godber. Elle doit être claire et transparente. De plus, les budgets sont toujours établis sur la base d’une hypothèse, et le dossier peut se dérouler différemment que ce qui était anticipé. La discussion doit donc se poursuivre tout au long du mandat, pour éviter les mauvaises surprises. »