Pierre Charette, coordonnateur en transfert d'entreprise et conseiller principal en finances au Réseau COOP (Photo: courtoisie)
REPRENEURIAT. La reprise d’une PME par ses employés pour la transformer en coopérative est une avenue de plus en plus empruntée au Québec.
«C’est en croissance, c’est clair, affirme Pierre Charette, coordonnateur en transfert d’entreprise et conseiller principal en finances au Réseau COOP. On reçoit en moyenne une demande d’information par semaine.»
Selon lui, «les reprises collectives fonctionnent le mieux dans des PME de 50 employés et moins lorsqu’il existe a un sentiment d’appartenance fort, d’après des recherches de l’Université de Toronto».
Il souligne que les employés sont motivés de prendre les rênes d’une PME, afin de conserver leur emploi, car ils peuvent avoir peur de le perdre si c’est un tiers qui s’amène. Pierre Charette soutient également qu’une équipe idéale consiste en des employés qui sont là depuis longtemps, qui forment un bon noyau avec des compétences complémentaires, qui ont de l’intérêt à s’engager et qui ont à cœur le succès de l’entreprise.
Un long processus
Le transfert vers une gestion participative se fait généralement dans des entreprises de 30 à 50 employés. S’il y en a davantage, la gestion peut être plus compliquée. Pierre Charette précise que cela prend au moins un an et demi à réaliser et parfois même jusqu’à cinq ans!
«Les repreneurs doivent prévoir du temps, car il y a deux démarches parallèles: l’acquisition de l’entreprise et la création de la coopérative, dit-il. Il faut notamment créer un comité provisoire, constitué de représentants des employés repreneurs. Ce sera l’ancêtre du CA de la coop à venir. Il faut trouver le financement et monter la structure de la nouvelle organisation.»
Il note que les employés doivent s’acclimater à ce changement de posture du fait qu’il reste des salariés tout en étant des propriétaires. L’apprentissage du fonctionnement de la coopérative est également important.
En raison du soutien de l’écosystème, la mise de fonds de la part des employés est moins élevée que si un investisseur privé reprenait la PME. Il ajoute qu’il vaut mieux que tout le monde investisse environ le même montant. «Si un membre met 30 000$ et un autre 2000$ et qu’ils travaillent le même nombre d’heures, leur ristourne sera pareille, explique-t-il. On veut valoriser l’emploi, pas l’investissement.»
De leur côté, les cédants doivent être bien préparés, notamment en se renseignant sur les impacts fiscaux d’une entreprise vendue afin d’être transformée en coopérative.
«Pour que le transfert se déroule rondement, cela requiert un excellent partenariat entre le cédant et les employés, souligne le spécialiste. Plus l’entreprise est grosse, plus cela prend un suivi post-transfert. Dans tous les cas, le transfert nécessite un accompagnement.»
Attention aux risques
Pierre Charette estime qu’il deux dangers majeurs lors d’une prise de contrôle collective par des employés. Le premier est lorsque la même vision n’est pas partagée par tous les salariés. «Par exemple, un tiers d’entre eux veut faire de l’argent, un autre tiers souhaite se la couler douce et le reste désire un projet collectif», précise-t-il.
Le deuxième risque consiste en une méconnaissance des rôles, notamment si des membres se prennent pour des actionnaires individuels. Évidemment, si la vision commune fait défaut, cela ouvre la porte à un problème de compréhension des rôles.
Le dirigeant du Réseau COOP fait valoir qu’une reprise collective comporte plusieurs avantages, comme de maintenir l’entreprise dans une communauté. Les membres qui y investissent bénéficient aussi d’avantages fiscaux significatifs telles une déduction provinciale de 125% du coût du titre acquis et la possibilité du report de l’imposition d’une ristourne admissible.
Pierre Charette souligne également que le taux de survie des coopératives est bien meilleur que celui des entreprises privées, une donnée non négligeable.
Cet article a initialement été publié le 23 avril 2024.
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