Objectif ultime d’Andrea Gomez : faire rayonner les innovations d’Omy Laboratoires dans le monde entier. (Photo: Martin Flamand)
PDG DE L’ANNÉE 2024. Aucun défi n’arrête Andrea Gomez. De son admission dans une polyvalente de Québec alors qu’elle ne parlait pas français à la création de son entreprise après que L’Oréal n’a pas retenu son idée de soins de beauté personnalisés, elle fonce pour atteindre son objectif ultime : faire rayonner les innovations d’Omy Laboratoires dans le monde entier — à commencer par les États-Unis — et positionner le Québec comme un pôle d’excellence en dermocaustique.
Située à Québec, la PME de l’entrepreneure québécoise conçoit et commercialise des soins de visage personnalisés. Par exemple, si Omy Laboratoires déniche 1000 nouveaux clients dans un mois, celles-ci se verront offrir 1000 formules uniques afin de répondre au besoin spécifique de leur peau.
Certes, l’entreprise fondée en 2018 a des concurrents, comme Proven Skincare et Function of Beauty, deux sociétés américaines. En revanche, la PME de Québec se démarque parce qu’elle s’appuie sur l’intelligence artificielle et l’analyse photo pour évaluer avec précision les besoins particuliers de chaque personne.
Ainsi, couplée à des algorithmes complexes, sa technologie permet de créer des produits sur mesure basés sur des données cliniques, des préférences individuelles et des caractéristiques cutanées spécifiques.
Bref, le client est vraiment roi, explique en entrevue la PDG de l’entreprise qu’elle a cofondée avec la chimiste spécialisée en cosméceutique, Rachelle Séguin. « Une personne commande son produit, elle va choisir sa texture, ses trois ingrédients, son odeur, puis on va vraiment concocter quelque chose. »
Ce positionnement stratégique personnalisé donne des résultats.
Croissance forte et produits écologiques
Les ventes doublent pratiquement chaque année, pour des revenus qui avoisinent aujourd’hui 10 millions de dollars.
Détentrice de la certification mondiale B Corp, Omy Laboratoires fabrique aussi des produits 100 % végétaliens — sans ingrédients d’origine animale — qui sont vendus dans des emballages rechargeables.
Selon Andrea Gomez, ces emballages sont cruciaux pour l’environnement. Ils permettent de réutiliser les contenants lorsqu’ils sont vides, en plus d’éviter de générer des déchets, ce que font habituellement les gens qui achètent ce type de produit.
« Quand on a fait notre étude de marché, on a réalisé qu’une personne en Amérique du Nord va jeter aux poubelles en moyenne pour 50 000 $ de produits de soins d’hygiène au courant de sa vie ! » souligne-t-elle. Une étude qui a suscité une prise de conscience déterminante pour la stratégie d’affaires de la PME.
Ce sont pour toutes ces raisons que les membres du jury de notre concours de PDG de l’année ont décerné à Andrea Gomez un prix dans la catégorie Moyenne entreprise (de 50 à 499 employés).
Entrepreneure malgré elle
Andrea Gomez confie qu’elle ne souhaitait pas du tout devenir entrepreneure lorsqu’elle était plus jeune. Originaire de la Colombie, elle arrive au Québec avec ses parents en 2007, qui s’établissent dans la capitale nationale.
L’adolescente ne parle qu’espagnol. À l’époque, on suggère à son père de la franciser en l’inscrivant à un centre d’éducation des adultes. Il décide plutôt que sa fille allait reprendre son cinquième secondaire dans une polyvalente afin d’apprendre la langue de Molière.
Il l’inscrit alors au collège des Compagnons, dans l’arrondissement de Sainte-Foy, mais non sans certaines difficultés. « La directrice a rencontré mon père. Elle lui a dit qu’elle ne pouvait pas m’accepter parce que je n’avais pas le niveau de langue requis. Elle a fait signer une lettre à mon père spécifiant qu’il serait responsable de mon échec, car je n’aurais pas de soutien », raconte Andrea Gomez.
Pour communiquer dans l’école, l’adolescente utilise le langage des signes et garde toujours sur elle un dictionnaire espagnol-français. Finalement, elle réussit son année et gagne en plus un prix coup de cœur pour sa persévérance à s’adapter à un contexte difficile.
Après avoir décroché un baccalauréat en administration et un MBA de l’Université Laval, Andrea Gomez cherche alors à travailler pour une grande entreprise, et surtout pas de se lancer en affaires.
« Je ne voulais rien savoir d’être entrepreneure ! » lance-t-elle, en expliquant que les difficultés de la PME d’informatique de son père en Colombie pour se faire payer par le gouvernement avaient laissé de mauvais souvenirs.
En 2016, Andrea Gomez essaie d’entrer à L’Oréal, le leader mondial des produits de beauté. La jeune femme propose alors à la multinationale de développer pour elle une gamme de produits de soins de la peau personnalisés, mais sans succès : L’Oréal décline son offre.
« C’est là que je me suis dit : je ne suis plus en Colombie, peut-être que je pourrais le faire moi-même, je n’ai rien à perdre. C’est là que j’ai commencé à faire des démarches pour lancer une compagnie et trouver un associé chimiste. »
À l’assaut du marché américain
On connaît la suite. En six ans, Omy Laboratoires est devenue une PME qui a trouvé sa niche dans un marché concurrentiel. Elle compte des actionnaires connus, comme la Banque de développement du Canada (BDC) et le fonds Accelia Capital, qui appuie l’entrepreneuriat féminin.
La prochaine étape est de s’attaquer de front au marché américain, où la PME y réalise déjà des ventes depuis 2021, mais qui pèsent pour moins de 5 % de son chiffre d’affaires.
L’entreprise a récemment acquis des équipements qui lui ont permis de quadrupler sa production. Dans un premier temps, elle expédiera ses produits de soins du visage personnalisés aux États-Unis à partir du Québec.
Par la suite, elle pourrait produire directement au sud de la frontière. « On va faire l’expédition à partir du Canada jusqu’à ce que le chiffre d’affaires soit assez important pour être en mesure d’avoir un micro-usine aux États-Unis », précise Andrea Gomez.
Selon elle, l’expansion d’Omy Laboratoires à l’international n’est pas vraiment un choix si l’entreprise veut continuer de grandir. « Dans cinq ans, les marchés canadiens vont être extrêmement saturés pour nous. Il va donc falloir absolument qu’on aille sur d’autres marchés », explique-t-elle.
Signe de l’importance stratégique du marché américain, dans cinq ans, l’entrepreneure estime que les revenus réalisés aux États-Unis pourraient même surpasser ceux générés au Canada.