Geneviève Fortier : leader visionnaire et transformationnelle
François Normand|Édition de la mi‑novembre 2024Geneviève Fortier a su insuffler son énergie peu commune à Promutuel Assurance, spécialisée dans l’assurance de dommages. (Photo: Martin Flamand)
PDG DE L’ANNÉE 2024. Trois mots décrivent bien Geneviève Fortier, originaire des Îles-de-la-Madeleine, mais qui a grandi en Gaspésie : intensité, courage et détermination. Non seulement elle transforme Promutuel Assurance depuis cinq ans, mais elle se démarque aussi par son leadership et son influence dans l’industrie et sur les conseils d’administration qu’elle préside, dont celui d’Investissement Québec (IQ).
Cette énergie peu commune, la femme de 57 ans, mère de trois enfants, sportive et adepte de piano classique — elle en joue tous les dimanches matin — a su l’insuffler à Promutuel Assurance, une société spécialisée dans l’assurance de dommages.
Depuis cinq ans, les revenus augmentent, mais aussi la rentabilité, qui est plus élevée que celle de ses compétiteurs, montrent les données internes de Promutuel Assurance. Or, faire croître ces deux éléments en même temps n’était pas nécessairement dans l’ADN de cette industrie traditionnelle.
« Si tu fais exactement la même chose que les autres, tu ne réussiras jamais à te distinguer et tu ne réussiras jamais à gagner », affirme la cheffe de la direction de Promutuel Assurance, dont le siège social est à Québec.
Par exemple, l’assureur mise sur les innovations technologiques pour accélérer et améliorer le service aux membres ainsi que l’efficacité opérationnelle. L’entreprise a aussi automatisé des « tâches routinières » afin de faire des gains de productivité.
Le leadership et les efforts de Geneviève Fortier pour transformer le modèle d’affaires de l’assureur fondé en 1852 ont plu aux membres du jury de notre concours de PDG de l’année, qui lui ont décerné un prix dans la catégorie Grande entreprise (500 employés et plus).
Les chiffres et l’ambition de la femme d’affaires parlent d’eux-mêmes.
Le volume de primes de Promutuel progresse de manière constante depuis 2020. Durant l’exercice 2023, il a bondi de 10,23 %. L’entreprise a aussi embauché 100 nouvelles personnes, portant le nombre total des effectifs à 2200 employés.
Cette année, Promutuel terminera avec un volume de primes brutes souscrites de 1,3 milliard de dollars, confie la dirigeante, qui a figuré en 2021 parmi le top 20 des PDG les plus dynamiques au Canada.
Doubler la taille de l’entreprise d’ici 2030
Cette soif de croissance s’accélérera au cours des cinq prochaines années.
Promutuel veut s’attaquer au marché canadien en faisant des acquisitions, tout en continuant d’accroître sa marge bénéficiaire.
Ainsi, la société prévoit doubler sa taille d’ici 2030 et optimiser sa performance opérationnelle, tout en figurant parmi les leaders du marché en matière d’expérience pour les assurés et les employés.
Actuellement, Promutuel Assurance est active au Québec et au Nouveau-Brunswick. Ses principaux concurrents sont Desjardins Assurances, Intact Assurance et Beneva Assurance. Sur le marché québécois, c’est le quatrième joueur en importance.
La société est actuellement « en discussion » avec une ou plusieurs entreprises hors Québec qu’elle pourrait bientôt acheter. Il pourrait s’agir de mutuelles ou de cabinets de courtage qui vendent de l’assurance, et ce, dans un marché canadien qui reste très fragmenté.
Toutefois, Promutuel ne cessera pas de s’intéresser au marché québécois, précise Geneviève Fortier. « On a un peu moins de 7 % des parts de marché au Québec. Il y a encore de la place pour nous de croître. C’est un marché compétitif, mais on progresse bien », dit-elle.
L’entreprise est aussi confrontée à un défi de taille : les changements climatiques.
Comme les catastrophes naturelles sont plus nombreuses, Promutuel Assurance doit indemniser plus souvent des sinistrés, ce qui l’a forcée à augmenter ses primes, comme du reste l’ont fait les autres joueurs de l’industrie.
« La fréquence et la gravité des catastrophes augmentent à un rythme important et ça met beaucoup de pression sur les assureurs. En un événement, tu peux aller manger ton profit des trois derniers trimestres. Ça fait donc en sorte que les coûts augmentent de façon importante », explique-t-elle.
Elle précise toutefois que c’est un risque qui est gérable si on s’y prépare bien.
Comment la pharmaceutique l’a préparée
Tout semble sourire à Geneviève Fortier depuis son arrivée à la tête de Promutuel, et ce, dans une industrie où elle n’avait pratiquement pas d’expérience, hormis un bref passage à SSQ Assurance (aujourd’hui Beneva) comme vice-présidente à la distribution, en 2018‑2019.
Détentrice d’un baccalauréat et d’une maîtrise en relations industrielles de l’Université Laval, elle a surtout fait carrière auparavant dans l’industrie pharmaceutique.
De 2001 à 2003, elle a été directrice du partenariat d’affaires et des ressources humaines chez Merck. Puis, de 2007 à 2017, elle a occupé le poste de vice-présidente principale aux ressources humaines et aux affaires publiques chez McKesson Canada.
Elle confie que c’est son passage chez McKesson qui l’a préparée à diriger Promutuel. Cette pharmaceutique a une très forte culture pour développer le leadership chez les talents émergents.
« Des gens ont pris des risques avec moi, en me confiant des portefeuilles. En dix ans, j’en ai géré sept avec différentes responsabilités. Je pense que c’est ce qui m’a préparée, car j’ai piloté plusieurs de projets de transformation », dit-elle.
Geneviève Fortier a aussi une pensée particulière pour son père, qui était vice-président à la Fédération de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine chez Desjardins.
Quand elle avait quatre ans, il l’emmenait avec lui tous les samedis matin au bureau sous prétexte qu’il ne pouvait pas clore sa semaine sans son aide.
La jeune fille ouvrait alors des enveloppes et estampillait des documents, avec l’impression de faire « la job la plus importante au monde », raconte-t-elle avec un grand sourire, tout en se remémorant les aspirations que lui procurait déjà le grand bureau de son père.
« Je me disais que quand j’allais être grande, c’est ce que j’allais faire. Ces souvenirs sont toujours restés avec moi. Je pense que ce que papa me transmettait à ce moment-là, c’était d’être ambitieux et de travailler fort, dans un contexte de bien-être, sans stress. »