Plusieurs entreprises calculent leurs gaz à effet de serre, mais les engagements tardent à se matérialiser. (Photo: Unsplash)
BLOGUE INVITÉ. L’été dernier, je vous proposais une réflexion sur les enjeux ESG dans l’industrie minière. J’y reviens aujourd’hui, mais dans un contexte plus éclaté puisque les données concernent l’ensemble des entreprises canadiennes.
Voici donc un bref aperçu de l’étude Perspectives canadiennes 2023 des rapports ESG de PwC. Elle se fonde sur une évaluation des rapports ESG des 250 plus importantes sociétés canadiennes cotées en bourse, qui inclut plusieurs sociétés minières d’envergures.
On parle d’entreprises comme Barrick Gold, Agnico Eagle, Franco Nevada et Teck Resources, pour ne nommer que celles-ci.
Le cadre d’analyse s’intéresse à plusieurs variables, dont les stratégies, les cibles, les indicateurs de performance, les certifications, etc.
Avant d’aller plus loin, voici quelques rappels importants.
ESG : l’acronyme fait référence à la gestion des enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance d’une entreprise.
Rapports ESG : de plus en plus souhaités par certaines parties prenantes –actionnaires, employés, régulateurs, etc.
Des attentes qui s’amplifient dans l’avenir
En effet, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières, la U.S. Securities and Exchange Commission et la Commission européenne introduisent (ou sont en train de le faire) des obligations de divulgation d’information sur les enjeux ESG.
Par exemple, uniquement pour la dimension environnementale, 30 pays, dont 15 du G20, ont déjà signifié leur accord aux recommandations du Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques (TCFD), mis sur pied par le Conseil de stabilité financière (FSB).
Il s’agit d’adopter, sur une base volontaire, un cadre commun d’information sur les risques financiers liés aux changements climatiques.
Comment les minières se tirent-elles d’affaire?
Le bulletin de 250 entreprises
Comme on peut s’y attendre, les enjeux ESG gagnent du terrain, mais il reste beaucoup à faire :
- 77 % des entreprises canadiennes analysées n’intègrent pas les principes TCFD dans leurs rapports ESG, un signe évident d’un manque de préparation.
- 38 % ne parlent pas des ESG dans leurs rapports financiers.
- 59 % ne publient que de leurs résultats positifs.
- 73 % n’ont pas de certification externe de leurs rapports ESG.
Un club encore minoritaire, mais discipliné
Les sociétés qui publient leurs résultats ESG sont disciplinées. La plupart d’entre elles utilisent des normes internationales, dont les principes TCFD.
Et, dans bien des cas, la fonction finance de leur organisation joue un rôle important dans la tenue des rapports, ce qui assure une rigueur dans la collecte et le contrôle des données.
L’analyse de PwC s’est intéressée aux rapports ESG de dix secteurs économiques :
1.Banque, services financiers et immobilier
2.Construction, transports et fabrication industrielle
3.Énergie
4.Soins de santé
5.Mines
6.Électricité et services publics
7.Ressources
8.Marchés de détail
9.Technologies
10.Télécommunications
Pour chacun de ces secteurs, les auteurs de l’étude ont identifié dix variables clées reliées à une gestion efficiente des enjeux ESG.
À des fins de concision, voici les résultats d’ensemble – tous secteurs confondus – montrant le degré de réalisation des entreprises canadiennes en ce qui a trait à ces dix variables.
À noter que le rapport de PwC présente les résultats pour chaque secteur d’analyse.
Résultats d’ensemble
Parmi les 250 plus importantes sociétés canadiennes cotées en bourse…
- 30 % d’entres elles publient une cible nette zéro.
- 23 % d’entres elles structurent leur rapport selon les normes du TCFD.
- 50 % d’entres elles présentent des données historiques sur chaque indicateur.
- 22 % d’entres elles annoncent une cible pour chaque indicateur.
- 26 % d’entres elles établissent des objectifs spécifiques.
- 27 % d’entres elles fixent des échéances précises pour atteindre les objectifs.
- 44 % d’entres elles décrivent la progression dans la réalisation des objectifs.
- 58 % d’entres elles participent aux initiatives externes d’établissement des normes.
- 27 % d’entres elles obtiennent une certification externe pour certains enjeux ESG.
- 62 % d’entres elles intègrent les informations ESG dans les documents officiels de l’entreprise.
Autres enjeux ESG
L’étude de PwC s’est attardée à quatre autres enjeux qui suscitent un intérêt marqué de certaines parties prenantes : le climat, la nature-biodiversité, l’inclusion-diversité ainsi que la réconciliation avec les peuples autochtones.
Le climat
Plusieurs entreprises calculent leurs gaz à effet de serre, mais les engagements tardent à se matérialiser.
De fait, seulement 30 % des entreprises affichent un objectif net zéro. Et moins de 15 % abordent les opportunités induites par les changements climatiques et les possibilités de création de valeur pour leur entreprise.
L’industrie minière a davantage de retard, avec seulement 16% des entreprises affichant un objectif net zéro et moins de 11% présentant les risques et opportunités liés au changement climatique.
Nature et biodiversité
L’économie dépend en bonne partie des ressources naturelles et de la biodiversité.
C’est ce que les organismes internationaux appellent le «capital naturel» des entreprises. Or, moins de 50 % des sociétés de l’étude évaluent leur dépendance à l’égard des écosystèmes.
Seules 21% des entreprises minières incluent de l’information concernant les stratégies et l’impact des opérations sur le capital naturel (par exemple l’impact des opérations sur la qualité de l’eau ou de l’air.
Inclusion et diversité
La sensibilité des sociétés canadiennes à ces préoccupations augmente : le nombre d’entreprises déclarant des politiques d’inclusion des personnes LGBTQ+ est passé de 21 %, en 2021, à 28 , en 2022.
Par ailleurs, seulement 25 % affichent des objectifs mesurables.
Notons aussi le peu de place accordée aux personnes handicapées et aux minorités visibles. Plusieurs entreprises minières présentent de l’information sur le sujet, mais uniquement 6% d’entre elles incluent des statistiques détaillées.
Les peuples autochtones
Malgré les 94 appels à l’action de la Commission canadienne de vérité et de réconciliation en 2015, seulement 19 % des entreprises font état d’un plan d’action pour la réconciliation.
Par ailleurs, 38 % témoignent d’actions concrètes envers les communautés autochtones incluant des programmes de formation, des investissements dans les milieux de vie ou des mécanismes de résolution de problèmes.
L’industrie minière est en retard malgré les nombreuses interactions avec les peuples autochtones, car seulement 13% des compagnies ont un plan d’action et 29% ont des programmes d’action concrets.
En conclusion
La réussite des entreprises canadiennes dépendra de plus en plus de certains facteurs non financiers, dont les facteurs ESG. Il existe d’importantes disparités à propos de la divulgation ESG entre les entreprises minières.
Quelques compagnies ont une forte communication ESG, meilleure que les autres secteurs, tandis que la majorité d’entre elles ont du retard à rattraper.
Elles pourraient suivre les pratiques exemplaires pour se mettre à niveau comparativement aux autres secteurs et pour répondre adéquatement aux demandes des investisseurs.
Ce sont des préoccupations qui deviendront une source non négligeable de création de valeur à long terme.
Avis aux entreprises intéressées!