L’investissement autochtone: un volet à développer de l’IR
Jean Décary|Édition de la mi‑octobre 2022«L’investissement autochtone n’est pas propre au Canada, des défis similiaires existent aussi en Australie et aux États-Unis», explique Thomas Estinès, co-directeur général de l’entreprise de services-conseils extrafinanciers Groupe investissement responsable (GIR). (Photo: courtoisie)
INVESTISSEMENT RESPONSABLE. À l’heure de la réconciliation, il est possible d’investir de façon responsable en soutenant le développement socio-économique des différentes communautés des Premières Nations. Plusieurs nouvelles initiatives pancanadiennes ont vu le jour et cherchent à mobiliser les investisseurs. Seul hic, l’offre demeure très circonscrite et s’adresse surtout aux investisseurs institutionnels.
«L’investissement autochtone n’est pas propre au Canada, des défis similiaires existent aussi en Australie et aux États-Unis», explique Thomas Estinès, co-directeur général de l’entreprise de services-conseils extrafinanciers Groupe investissement responsable (GIR). Selon lui, il y a plusieurs aspects à l’investissement autochtone, mais l’idée maîtresse est de redonner aux communautés les mêmes chances que pour l’ensemble des non-autochtones en soutenant leur entrepreneuriat et en appuyant leurs projets économiques.
Le gouvernement fédéral a d’ailleurs donné le ton lors du budget 2021 en annonçant un investissement «historique» de 18 milliards de dollars sur cinq ans «afin d’améliorer la qualité de vie et de créer de nouvelles possibilités pour les habitants des communautés autochtones».
«Ces investissements contribueront à combler les écarts entre les peuples autochtones et non-autochtones, favoriseront la santé, la sécurité et la prospérité des communautés autochtones et feront avancer une réconciliation significative avec les Premières Nations, les Inuits et la Nation métisse», peut-on lire dans les documents budgétaires.
De plus, l’Initiative pour la réconciliation et l’investissement responsable, un partenariat entre la Shareholder Association for Research and Education (SHARE) et le National Aboriginal Trust Officers Association (NATOA), est au nombre des organisations qui cherchent à mobiliser les investisseurs institutionnels pour promouvoir les occasions de développement économique par l’intermédiaire de soutien entrepreneurial et de partenariats avec les membres des Premières Nations.
«Ils travaillent avec des investisseurs autochtones et non-autochtones pour aligner le capital et pour amplifier les voix des investisseurs en faveur de la vérité et de la réconciliation», explique Thomas Estinès.
D’autres organisations, comme Raven Indigenous Capital Partners, ont récemment lancé des fonds d’investissement qui ciblent spécifiquement les investisseurs institutionnels et privés, au Canada ou aux États-Unis. C’est le cas du Raven Indigenous Impact Capital Fund, lancé en 2021 pour offrir aux entrepreneurs autochtones de l’accès à du capital qu’ils auraient difficilement pu obtenir par les voies traditionnelles.
Même chose pour le Indigenous Growth Fund, un fond d’impact de la NACCA (National Aboriginal Capital Corporations Association), qui permet d’améliorer l’accès aux capitaux pour les institutions financières et les PME autochtones.
Les défis autochtones absents de l’IR
Beaucoup de travail reste encore à faire selon une équipe de recherche de l’Ivey Business School. « Les défis autochtones demeurent relativement absents des conversations dans le secteur canadien de l’investissement responsable », peut-on lire dans un article intitulé « Pistes pour intégrer la réconciliation et l’investissement responsable » et tiré de leur rapport «Indigenous Peoples and Responsible Investing in Canada», publié en 2021.
Les chercheurs de Western University ont constaté le peu de place accordé aux peuples autochtones dans les rapports d’investisseurs institutionnels ou lorsque vient le temps d’élaborer des politiques d’investissement responsable.
Dans un article publié par l’Association pour l’investissement responsable du Canada, ils recommandent l’instauration d’une série de mesures par les acteurs de la chaîne d’investissement, dont « l’investissement dans des produits d’investissement (d’impact) dirigés par des autochtones, la mise en œuvre de politiques globales sur la représentation des autochtones, (…) l’éducation et l’engagement des investisseurs autochtones dans le cadre de vote par procuration qui concerne les droits des autochtones. »
L’investisseur particulier qui veut faire une différence auprès des communautés autochtones peut se tourner vers l’achat de débentures. L’Autorité financière des Premières Nations (First Nation Finance Authority, ou FNFA), une société à but non lucratif, a émis pour plus de 1,6 milliard de dollars de débentures avec des échéances qui s’échelonnent de 2024 à 2032, raconte Steven Fleckenstein, directeur général, titres à revenu fixe, à la Banque Nationale.
« Leurs émissions servent à financer des fonds qui en retour octroient des prêts aux membres de la FNFA pour des projets économiques. » Plusieurs concernent des projets environnementaux, comme des parcs éoliens et de l’énergie solaire. Tous les fonds sont utilisés pour financer des projets qui servent l’intérêt des membres des Premières Nations. « Ces débentures sont disponibles à tous les investisseurs individuels qui souhaitent les acheter par l’intermédiaire de leur institution financière », précise Steven Fleckenstein.