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Ne jamais oublier le G dans les risques ESG

Morningstar|Publié le 11 novembre 2022

Ne jamais oublier le G dans les risques ESG

Boeing (BA) a payé 2,5 milliards de dollars d’amendes et de réparations, et a remis en service le 737 MAX en décembre 2020, après une procédure de certification rigoureuse. (Photo: 123RF)

Le 29 octobre 2018, un Boeing 737 MAX de Lion Air s’est écrasé sans survivant. À peine quatre mois plus tard, un 737 MAX d’Ethiopian Airlines, lui aussi, a piqué du nez avec les mêmes conséquences. Toute la flotte de MAX est demeurée au sol en mars 2019, et on a révélé que c’était un système de contrôle de vol déficient qui avait causé les 346 morts conjuguées.

Malheureusement, cela nous rappelle ce qui peut se produire quand la gouvernance de produit (la supervision de la sécurité des produits qui suscite notre confiance) s’effondre. Un complément d’enquête a révélé une série de gaffes de formation et une supervision laxiste de Boeing, aggravées par des lacunes auprès de l’Administration fédérale de l’aviation et de sa relation de favoritisme avec le fabricant d’avions. Boeing (BA) a payé 2,5 milliards de dollars d’amendes et de réparations, et a remis en service le 737 MAX en décembre 2020, après une procédure de certification rigoureuse. Pendant cette période, les actions de Boeing ont chuté de 45% et celles d’Airbus de 14%, alors que l’Indice Morningstar Marchés mondiaux était en hausse de 40%.

 

Les risques ESG portant sur la gouvernance incluent la sécurité des produits

Les risques environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) sont de plus en plus discutés et considérés dans les décisions de placement. Les investisseurs portent une grande attention aux changements climatiques et à la confidentialité des données, par exemple, mais il est aussi essentiel que les sociétés fournissent leurs produits de façon sécuritaire. Ce qui est moins clair, c’est comment les investisseurs devraient concevoir le risque lié à la gouvernance des produits de façon structurée et reproductible.

Qu’est-ce donc que la gouvernance de produit? C’est la gestion par une société du cycle de vie entier de ses produits et de ses services, pour empêcher des conséquences néfastes et inattendues pour ses consommateurs et ses destinataires finaux. La clé est ici la différence entre les attentes du consommateur et les résultats réels. Par exemple, les choix liés au marketing peuvent influer sur les attentes du consommateur, une sécurité et une fiabilité inadéquates peuvent affecter les résultats réels, et la manière dont une société réagit aux défaillances peut modeler la manière dont le consommateur percevra en dernière instance l’écart entre les attentes et les résultats. 

N’oubliez pas qu’il y a une différence subtile entre les risques liés à la gouvernance du produit et les risques environnementaux et sociaux afférents. Dans cette dernière catégorie, il y a des risques dont les utilisateurs sont déjà largement conscients, le tabac en étant un exemple. Toutefois, un résultat plus négatif qu’il est raisonnable de l’espérer, par exemple un vapotage déficient causé par une mauvaise supervision du processus de fabrication, serait considéré comme relevant de la gouvernance de produit.

 

Qu’est-ce qui crée l’utilité et la satisfaction?

Pour évaluer le risque lié à la gouvernance de produit, les investisseurs devraient se concentrer sur les moteurs suivants d’utilité et de satisfaction pour le client:

— La complexité du produit. Les produits qui sont plus complexes sont davantage sujets à des défaillances. Il peut s’agir de subtilités mécaniques, scientifiques ou liées à l’ingénierie soumises à des dérèglements possibles. Il faut y ajouter les produits qui requièrent un entretien important, car cela crée d’autres possibilités de dysfonctionnement. Par exemple, un moteur à réaction est incroyablement complexe. Cette complexité rend possible le déplacement d’un avion dans l’air, mais introduit aussi un potentiel de pannes.

— L’innovation. Les produits nouveaux et innovants renferment davantage de possibilités de défaillances ou de conséquences inattendues que les produits qui existent depuis longtemps. De plus, les firmes sont confrontées au risque d’une mauvaise communication avec le client. L’absence d’expérience d’un produit nouveau et unique sur le marché et d’informations le concernant implique la possibilité d’un plus grand écart avec les attentes du consommateur. Par exemple, bien que la technologie de pilotage automatique de Tesla (TSLA) soit destinée à dégager les conducteurs de leur responsabilité, ces derniers sont quand même censés faire attention. Toutefois, dans la pratique, on a vu des cas de conducteurs endormis, assis sur le siège arrière, et d’autres comportements dangereux.

— La substituabilité. Un investisseur devrait examiner si les produits d’une société présentent des alternatives, et s’il y a des coûts de transfert pour un produit différent. Si un produit ne présente que peu ou pas d’alternatives, le client sera plus tolérant envers ses dysfonctionnements ou ses conséquences inattendues. Dans cette situation, examiner les sociétés à bastille économique fondées sur leurs coûts de transfert peut permettre d’identifier les firmes qui sont relativement à l’abri de ce risque. Les investisseurs peuvent aussi étudier la concentration de l’industrie concernée pour évaluer l’existence d’alternatives.

— La criticité. Les articles essentiels de domaines comme les services aux collectivités, les produits pharmaceutiques et les services de santé sont essentiels dans la vie de tous les jours, et leur perturbation pourrait causer des préjudices à grande échelle. En comparaison, les articles non essentiels ont souvent des conséquences négatives moins importantes et moins dommageables.

— Le public ciblé. Les produits vendus aux particuliers ont plus de chances d’être étudiés de près par les autorités que les produits vendus aux entreprises. De plus, les produits vendus aux populations vulnérables comme les enfants ou les personnes âgées présentent encore plus de risques. Non seulement il se peut que ces groupes soient disproportionnellement affectés par des défauts, mais les incidents qui les touchent sont souvent magnifiés aux yeux de l’opinion publique.

— La vulnérabilité aux amendes. Les manquements à la gouvernance de produit sont souvent punis pas des amendes ou des règlements judiciaires. La capacité qu’a une firme de surmonter une pénalité financière importante est une considération essentielle. À toutes choses considérées, les sociétés les plus grosses et les plus profitables qui ont un bilan solide peuvent mieux absorber une pénalité financière.

— La sévérité des effets sur la santé et les finances du consommateur. Quand un produit connaît une défaillance, les conséquences potentielles sur la société en sont souvent amplifiées. Par exemple, ces répercussions seront beaucoup plus importantes si une société alimentaire a empoisonné accidentellement des consommateurs que si elle a utilisé le mauvais aromatisant. De même, ces conséquences seront beaucoup plus importantes si cette défaillance a un effet important sur le bien-être financier du consommateur. Par exemple, offrir des comptes de transactions sur marge pour des actions spéculatives qui investissent sans se livrer aux recherches nécessaires peut se solder par des pertes irrécupérables et accroître le risque lié à la gouvernance de produit.

— La structure du marketing. La structure de vente classique dans une industrie peut affecter le risque. Par exemple, la commercialisation non officialisée de produits pharmaceutiques crée des risques d’abus extrêmes. Les pratiques de marketing prédatrices ou malhonnêtes peuvent aussi conduire à des résultats néfastes pour le consommateur.

— Les difficultés commerciales. Enfin, la présence d’un organisme de réglementation des produits d’une société ajoute des risques de gouvernance de produit supplémentaires. Si une défaillance se produit, cet organisme aura établi son autorité et ses mécanismes d’exécution de pénalités financières, de rappels de produits ou d’autres punitions.

 

Un regard plus attentif sur les sociétés de fabrication automobile, de produits pharmaceutiques et de financement à la consommation

Selon ces facteurs, il convient de s’attarder sur quelques industries particulièrement exposées aux risques liés à la gouvernance d’un produit: les automobiles, le financement à la consommation et les produits pharmaceutiques.

Toutes ces industries sont liées directement au consommateur et pourraient avoir des conséquences sévères sur les finances ou la santé de ce dernier. Les fabricants automobiles et de produits pharmaceutiques offrent des produits extrêmement complexes et dépendent étroitement de l’innovation. Les sociétés de financement à la consommation et de produits pharmaceutiques conçoivent des produits et des services particulièrement critiques, et ces industries ont toutes deux un historique de marketing ou de pratiques publicitaires malhonnêtes. De plus, les trois industries relèvent d’organismes de règlementation.

 

Nous voyons des opportunités dans les actions extrêmement exposées au risque lié à la gouvernance de produit

Nous avons identifié des sociétés dans les trois industries qui sont particulièrement exposées au risque lié à la gouvernance de produit, mais qui sont néanmoins attrayantes une fois ajustées à ce risque.

— Pour les voitures, Morningstar Sustainalytics attribue à BMW (BMWYY) un score de risque ESG élevé, alors que les fabricants automobiles sont habituellement confrontés à plusieurs actions en justice en règlement des problèmes de dysfonctionnement et de sécurité liés à la technologie des véhicules sans conducteur. Néanmoins, l’analyste de recherche sur les actions Rich Hillgert considère l’action comme étant sous-évaluée, car la tarification fait plus que tenir compte des risques ESG et la solidité de l’image de marque a permis de fixer des prix élevés pour tous les produits de BMW et de lui assurer une bastille économique.

— Dans le financement à la consommation, SoFi Technologies (SOFI) est exposée à des risques de gouvernance potentiels en référence à la qualité de ses produits ainsi que de ses pratiques de prêt et de marketing, accentués par son centrage commercial sur le particulier dont la santé financière peut être affectée. Néanmoins, l’action se négocie actuellement en terrain 5-étoiles selon l’analyste d’actions Michael Miller, et offre un atout ajusté selon le risque important grâce à la stratégie unique de la société qui consiste à vendre une gamme de services financiers complète aux jeunes à revenu élevé mal servis par les banques traditionnelles à plein service.

— Selon Morningstar Sustainalytics, le fabricant de produits pharmaceutiques AstraZeneca (AZN) est très exposé au risque lié à la gouvernance de produit, notamment dans le domaine de la tarification. Toutefois, l’analyste de recherche sur les actions Damien Conover, estime que le risque ESG lié à la tarification de la société est moins élevé compte tenu d’une participation relative plus faible aux États-Unis, des différences de prix de ses produits entre les marchés américain et international modérées, et moins de médicaments dont les prix sont injustifiés. De plus, nous constatons un risque modéré relevant de l’éthique professionnelle de la société et de sa gouvernance de produit, avec un pourcentage relativement bas de médicaments exposés à des poursuites. AstraZeneca est actuellement sous-évaluée, elle offre une forte bastille économique Morningstar et un portefeuille de médicaments protégés par des brevets parmi les premiers et les plus attrayants de l’industrie, et détient un réservoir prometteur de médicaments en préparation, dont des médicaments contre le cancer qui ont un pouvoir de tarification potentiel. 

Nous pensons qu’il est important pour les investisseurs de se rappeler que les principes ESG dépassent le cadre des facteurs environnementaux et sociaux, mais il est essentiel de garder les risques liés à la gouvernance en perspective. Même les actions qui présentent une exposition importante au risque lié à la gouvernance de produit peuvent paraître attrayantes pour les investisseurs qui se placent dans une perspective à long terme et cherchent à intégrer les considérations liées au risque ESG à leur processus d’analyse. Comme pour la plupart des risques, le marché peut surestimer la probabilité et l’importance du risque lié à la gouvernance de produit. Quand cela se produit, ça peut créer des opportunités profitables pour les investisseurs astucieux.