Évitez que le stress financier ne mine la performance de vos employés
Catherine Charron|Publié à 7h28 | Mis à jour à 7h46On doit apprendre aux employés «à pêcher» d'après Chantal Lamoureux, PDG de l'Institut de la planification financière. (Photo: 123RF)
RHÉVEIL-MATIN. Employeurs, soyez avertis: près des trois quarts des Québécois se soucient du moins un peu de l’état de leur finance personnelle. Pour éviter que ça ne mine leur performance, vous avec plus d’un tour dans votre sac, assure Chantal Lamoureux, PDG de l’Institut de la planification financière.
C’est la toute première fois que l’organisation s’intéresse aux conséquences de ces inquiétudes sur l’environnement de travail dans le cadre de son enquête annuelle, indique la conseillère en ressources humaines agréée en entrevue avec Les Affaires.
«On est tombé sur des études similaires aux États-Unis, et ça nous a interpellés, explique-t-elle. Dans un monde du travail encore affecté par la pénurie de main-d’œuvre et le stress, on s’est demandé comment on pouvait aider les gens à prendre soin d’eux, et ça passe notamment par la santé financière.»
Dans le document que l’Institut de la planification financière a publié le 19 novembre 2024, on apprend que parmi les 1027 personnes interrogées, seules 27% d’entre elles disent ne pas être angoissées par leurs finances personnelles. 41% disent l’être «un peu», 19% le sont «assez», et 13% le sont «beaucoup».
Ce sont les personnes qui n’ont ni plan de match ni accompagnement de la part d’un planificateur financier qui ressentent le plus une hausse de leur niveau de stress en un an, 20% jugeant qu’il a «beaucoup augmenté». C’est plus que dans la population générale, où ce taux atteint plutôt 16%.
Performance affectée
Rongés par leurs problèmes financiers, un peu plus du tiers des Québécois sondés ont déjà envisagé de se trouver un deuxième boulot, ou de faire des heures supplémentaires, d’après l’étude annuelle. Le tiers a également essayé d’obtenir un nouvel emploi «principalement pour des raisons financières».
Un répondant sur cinq a tenté de dénicher des solutions pour arrondir les fins de mois sur ses heures de travail.
Près de deux personnes sur cinq rapportent que ces soucis les gardent éveillés la nuit souvent ou à l’occasion.
Entre 10% et 16% des répondants disent même que l’état de leurs finances personnelles a miné leurs relations avec leurs coéquipiers ou leurs supérieurs, qu’il leur a fait refuser une occasion de développement professionnel, a affecté leur concentration au travail ou qu’il pourrait les pousser vers un arrêt de travail.
«C’est certain que ça a des conséquences sur les autres collègues aussi, prévient la CRHA. Les répercussions [du stress financier] sont donc encore plus grandes que les chiffres qu’on amène là. Je pense que c’est préoccupant.»
Apprendre à pêcher
Lorsqu’un employé est perturbé par l’état de ses finances personnelles, la meilleure stratégie à adopter est «de lui apprendre à pêcher», affirme Chantal Lamoureux.
«C’est rare que l’entreprise ait la latitude de gonfler sur le champ le salaire. Outre ça, il y a des choses qui peuvent être faites pour lui venir en aide», dit-elle.
Les programmes d’aide aux employés (PAE) sont un bon outil pour veiller à la santé financière des membres de son équipe. La dirigeante préconise ce levier, qui permet d’assurer la confidentialité de la démarche de la personne qui rencontre des difficultés financières. «On peut les bonifier en y ajoutant des sessions de formation, ou encore des consultations budgétaires. Bien des gens n’en ont toujours pas», rapporte-t-elle.
Il y a un intérêt de la part des employés, selon les résultats de l’étude : plus de huit travailleurs sur 10 disent qu’ils aimeraient que l’accès à un expert soit compris dans leur PAE.
Certaines entreprises ont déjà glissé dans leur catalogue de formations interne les vidéos que l’Institut de la planification financière a produites, afin de donner de nouvelles armes à leur personnel pour se prémunir de cette source de stress. D’autres ont plutôt fait appel à des OBNL comme Code F pour de les outiller, indique Chantal Lamoureux.
D’autres encore se tournent du côté du site web de l’Agence de consommation en matière financière du Canada, une source de contenu éducatif intéressant selon elle autant pour les employeurs que pour les employés.
La plupart du temps, constate-t-elle, l’accompagnement en finance personnelle offert en entreprise concerne la préparation à la retraite. Loin d’elle l’idée de le décourager, elle invite plutôt les organisations à épauler les membres de leur équipe à d’autres moments clés de leur vie, comme l’achat d’une première propriété.
Elle suggère également aux employeurs de valoriser leur rémunération globale avec l’aide d’un planificateur financier. Non seulement cela permettra aux travailleurs de mieux comprendre ce à quoi ils ont droit, mais aussi de fidéliser ceux qui seraient appâtés par un autre poste sur la seule base d’un salaire plus alléchant.
«Peut-être que la personne décidera tout de même d’accepter l’autre offre, même si elle a une moins grande contribution à son épargne-retraite, mais au moins elle fera un choix conscient.»
En développant les connaissances financières de son personnel, l’employeur parviendra à la fois à diminuer son niveau de stress, mais aussi à le fidéliser.
«Dans les dernières années, il y a eu la mode des cours de yoga et celle des tables de baby-foot. Maintenant, aidons nos employés à avoir de saines habitudes financières. Quand ils seront au travail, ils n’auront pas la tête embrouillée par leurs défis», estime la dirigeante.